Rapport de l'Observatoire de la Banque de France
Retards de paiement : la situation se dégrade
Les retards de paiement se sont accrus en 2023, selon l'Observatoire de la Banque de France. Signe de la dégradation de la situation économique, ces retards se développent aussi chez les petites entreprises, traditionnellement plus ponctuelles.
La situation se dégrade. Les retards des paiements des entreprises ont augmenté en 2023, selon l'Observatoire des délais de paiement de la Banque de France, qui a publié son rapport ce mois de juin. Les retards ont atteint 12,6 jours au dernier trimestre 2023, contre 11,7 à la même période de 2022. C'est un peu moins que le niveau européen (13,3 jours).
En France, en plus d'avoir été marquée par une augmentation des retards, 2023 a vu se développer une autre tendance inquiétante : l'accroissement du nombre de «grands retards» (qui excèdent 30 jours). Fin décembre 2023, 8,3 % des entreprises en France présentaient des retards de plus de 30 jours, contre 7,2 % en 2022. Autre constat de l'Observatoire, «la plupart des secteurs sont concernés par cette évolution négative».
Toutefois, la diversité des dynamiques reflète le fait que les différents pans de l'économie connaissent des difficultés plus ou moins grandes. Le commerce est resté relativement stable ; les retards se sont maintenus sous les 12,6 jours en moyenne. Transports, information-communication et hébergement-restauration ont atteint des retards record qui se situent entre 14 et 15 jours.
Autre constat, l’industrie et la construction sont parvenues à contenir leur retard moyen sous 11 jours. Toutefois, dans la construction, la tension a crû au fil de l'année. En particulier, les distributeurs de matériaux de construction ont déjà vu fortement augmenter des retards de paiement.
Par ailleurs, c’est dans le commerce de gros que la situation se dégrade le plus : une entreprise sur deux constatant un allongement de son délai client moyen. «Cette détérioration des délais de règlement des clients du négoce, constatée au cours de ce dernier trimestre 2023, est en résonance avec le ralentissement global observé de l’activité, et le net recul affiché dans la construction neuve. La pression subie par les trésoreries des professionnels, eux-mêmes tributaires des délais de règlement de leurs propres clients, est une des conséquences de cette baisse observée», pointe l'étude.
Toutes les tailles d'entreprises touchées
L'Observatoire constate aussi une évolution nouvelle du profil (par taille) des entreprises qui paient avec retard. Par rapport aux années précédentes, le cadre général demeure inchangé : les grandes entreprises détiennent 13 milliards d'euros «indûment conservés» dans leur trésorerie, et les ETI, deux milliards d'euros.
A contrario, les retards de paiement continuent de priver les PME de 15 milliards d’euros de trésorerie. Toutefois, cette année, «à l’exception des entreprises de 3 à 9 salariés, toutes les autres tailles d’entreprise affichent une dégradation des retards de paiements». C’est en particulier le cas des plus petites, celles employant moins de 3 salariés. En fin d'année 2023, leur retard approche 14 jours, «une situation inhabituelle sur cette taille d’entreprises», pointe l'étude. Les PME de moins de 50 salariés contiennent les retards autour de 11 jours, tandis qu’ils approchent 13 jours, pour les PME de 50 à 200 salariés. Au-delà de 200 salariés, le retard moyen dépasse 15 jours sur le dernier trimestre, un délai qui tend vers 19 jours pour les plus grandes structures de plus de 1 000 salariés.
Du côté des délais de paiement du secteur public, «les niveaux atteints sont globalement satisfaisants pour l’État, à l’exception toutefois du ministère de la Justice», constate l'étude. Ce ministère est allé jusqu'à dépasser les 30 jours du plafond légal. C'est également le cas des établissements de santé. Ils affichent une augmentation de 6,8% de leurs délais moyens par rapport à l’année 2022, atteignant désormais 61,2 jours. Ce chiffre, supérieur au délai réglementaire de 50 jours, dépasse aussi le niveau de 2020 (55,1 jours) de l’époque de la crise sanitaire liée au Covid-19 !
Quant aux établissements publics locaux et aux collectivités territoriales, la situation s'est légèrement dégradée, en particulier dans les départements et les régions. Toutefois, elle demeure pour l'essentiel dans le cadre des délais légaux.
De plus en plus d'entreprises paient sans retard
Au final, «la situation de 2023 traduit une certaine tension et appelle une stricte vigilance», estime l'Observatoire. Toutefois, l'étude contient aussi une bonne nouvelle : «le taux d’entreprises françaises payant leurs fournisseurs sans retard a approché 50% en 2023. Jamais la France n’avait connu un tel point haut», constatent les analystes de la Banque de France. Pour eux, l’augmentation des retards en 2023 ne proviendrait pas d’un mouvement général de détérioration, puisque la part des paiements sans retard s’améliore plus que l’augmentation de la proportion des grands retards.
Au total, la dégradation de la situation «paraît traduire une contribution d’une partie seulement des entreprises qui repousseraient leurs paiements», selon l'Observatoire. Ce dernier s'est donc donné pour mission de rechercher les causes de ce phénomène.
Mais le volet répressif est déjà pleinement activité avec les actions de la DGCCRF, Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui émane de Bercy. Le contrôle des délais de paiements interprofessionnels constitue l'une de ses missions. Depuis six ans, elle mène chaque année un plan de contrôle national. En 2023, elle a ainsi contrôlé 766 établissements, dont 18 entreprises publiques, avec un taux d'anomalies relevé de 34,33 %. Et le niveau de sanctions s'est considérablement alourdi : en 2023, les procédures de sanction administrative ont représenté un total de 58,4 millions d’euros d’amende environ, contre 33,5 millions d’euros en 2022.