Financement
Les retards de paiement accaparent la Médiation des entreprises
Les retards de paiement entre entreprises, grandissants, continuent de préoccuper le Médiateur des Entreprises. Mais dans son bilan, celui-ci constate aussi un accroissement des achats responsables.
Depuis toujours, les problèmes liés aux retards de paiements figurent en tête des motifs de saisine de la Médiation des entreprises, et cela n'est pas près de changer. Le 21 mars, lors d'une conférence de presse, cette instance rattachée à Bercy, qui accompagne les entreprises pour les aider à régler leurs différends hors cadre judiciaire et de manière gratuite, dévoilait le bilan de son activité en 2023. L'an dernier, les conditions de paiement et, en particulier, les retards représentent le quart des dossiers traités. «Nous pensions que nous étions en train de gagner cette bataille. Depuis 2008, nous avions extraordinairement progressé, grâce à des changements de comportement et à des outils coercitifs. (…) Mais d'après les dernières indications, cela repart à la hausse», se désole Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises. L'an dernier, les retards ont atteint 12,7 jours en moyenne, contre 10 en 2019. Selon Bercy, cela représente environ 15 milliards d’euros d'impayés. «Depuis quatre ans, les entreprises ont vécu le Covid, la hausse des prix des matières premières de l'énergie, l'inflation... (…) Aujourd'hui, leur trésorerie diminue et elles doivent rembourser leur PGE (Prêt garanti par l’État). La situation se tend. Si un client important paie en retard, cela peut facilement mettre les entreprises en difficulté, voire, les conduire à la défaillance», met en garde Pierre Pelouzet. La veille, dans une interview au quotidien économique Les Échos, Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation avait annoncé souhaiter rehausser les sanctions infligées aux mauvais payeurs, en doublant le plafond (2 millions d'euros actuellement) et étendre la pratique du «name and shame» aux mauvais payeurs publics. Au-delà des délais de paiement, les motifs de saisine de la Médiation des entreprises sont très variés. Parmi eux figurent les problèmes liés aux contrats d’énergie (environ 10 % avec des pics sur certains mois). Autres sujets récurrents, les différends avec les opérateurs télécoms (13 %), ainsi que des litiges relatifs aux contrats liés (13 %), ces deux pratiques pouvant être corrélées. Autre motif encore de saisine, les baux commerciaux.
Progression des achats responsables et du dialogue
À rebours de la tendance néfaste de l'augmentation des retards de paiement, la Médiation des entreprises souligne aussi le dynamisme de tendances plus positives dans les relations entre entreprises. «Un réel changement de paradigme s'est opéré après la crise de 2020. De plus en plus de personnes estiment que la solution réside dans le dialogue», estime Pierre Pelouzet. En 2023, la Médiation des entreprises a reçu et traité 4 300 sollicitations contre 3 677 en 2022. En quatre ans, le volume a doublé. Par ailleurs, «l'outil de médiation prend des configurations de plus en plus larges», ajoute Pierre Pelouzet. Depuis 2020, l’instance réalise des «médiations collectives», héritage de la crise du Covid où il s'agissait de mettre fin aux agissements d'importants donneurs d'ordres qui mettaient en péril plusieurs dizaines de fournisseurs. En outre, le Médiateur des entreprises accompagne les acteurs économiques pour mettre en place des règles de bonnes pratiques au sein des différentes filières d’activité telles que le nucléaire, la cosmétique, la communication, l’aéronautique, le nucléaire. Dans cette filière, huit acteurs majeurs, dont Altrad Endel, Edvance ou Nuvia ont signé la charte RFAR, Relations fournisseurs et achats responsables. Cette dernière constitue l'étape ultime du «parcours national des achats responsables» qui démarre par la signature d'une charte des achats responsables. Le dispositif est animé par le Médiateur des entreprises et le Conseil national des achats. Fin 2023, la communauté des acheteurs responsables (publics et privés) regroupait 2 549 signataires de la charte et 101 labellisés RFAR : c'est deux fois plus qu'en 2019. Dans l'adoption de la charte, «on observe des phénomènes d'émulation verticale et horizontale», se réjouit Pierre Pelouzet. C'est le cas dans la santé, la banque ou encore, dans le secteur de la Défense, avec le ministère des Armées, Thalès, Safran, des fabricants d'uniformes... Parmi les derniers signataires de la charte figurent le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bouygues Construction, la Direction des Achats de l’État et des 13 plateformes Régionales achats de l’État, Freelance.com, Koesio Corporate IT... Au total, ces acheteurs labellisés pèsent 150 milliards d’euros d’achats annuels, et représentent 70 % des achats de l'État. Parmi les projets de la Médiation des entreprises, figure un Observatoire des relations entre les start-up et les grands groupes, afin d'identifier les freins et les leviers. Et aussi, un tour de France auprès des PME et des TPE, pour porter à leur connaissance les dispositifs qui les concernent.