La "Pain de Minuit" : l'innovation au bout du bouchon

Chaque jour en Hauts-de-France, une tonne et demie de pain est jetée. Et un kilo de céréales, la matière première d'une bière1, coûte à la planète 700 litres d'eau. C'est en partant de ce constat que Martin Marescaux a imaginé une bière fabriquée à partir de pain, moins énergivore en eau mais tout aussi aromatique.

Martin Marescaux a créé "Pain de Minuit" il y a deux ans.
Martin Marescaux a créé "Pain de Minuit" il y a deux ans.

On pourrait dire que Martin Marescaux a la création d'entreprise dans le sang. A 19 ans à peine, en parallèle de ses études d'ingénieur à l'ICAM, il crée un site de e-commerce : Draw Your Beer. «Le but ? Proposer des personnalisations de bouteilles : recette, étiquette, coffret... Les bières sont brassées chez Gulden Spoor à Courtrai (dont il est actionnaire minoritaire, ndlr)», détaille l'entrepreneur.

Ce qui a commencé au départ dans le garage familial s'est depuis bien développé puisque Martin Marescaux l'a décliné avec le champagne et le vin, et propose jusqu'à 10 recettes de bières différentes. «Nous n'avons rien inventé sur la bière personnalisée mais on la rend accessible, puisqu'on propose les coffrets à partir de six bouteilles de 33 cl. Durant le Covid, nous avons enregistré jusqu'à 150 commandes par jour !»

L'écologie avant tout

Il y a deux ans et pour se lancer un nouveau défi, Martin Marescaux imagine une bière écoresponsable à partir du pain sec invendu des cafés, hôtels et restaurants. En collaboration avec des centres de réinsertion, le pain est collecté, trié, déshydraté et concassé, pour en faire une poudre qui remplacera entre 30 et 40% de céréales mais avec une consommation d'eau largement diminuée. «Le bilan carbone d'une bière est énorme. Une bière, c'est 80% d'eau et un kilo de céréales demande 700 litres d'eau», explique l'ingénieur.

Le brassage de la "Pain de Minuit".

C'est ainsi que naît la "Pain de Minuit", une bière blonde de caractère de type belge, refermentée artisanalement en bouteille. Elle est d'ailleurs brassée à quelques kilomètres de là, à la Brasserie du pays flamand à Merville. Pour la production d'une bouteille de 33 cl de "Pain de Minuit", 5,2 de CO2 sont économisés, une tranche de pain sec est revalorisée et 13 l d'eau sont sauvés.

Mais Martin Marescaux ne voulait pas s'arrêter là : le pain est collecté là où la bière est ensuite consommée, pour créer un cercle vertueux et optimiser le transport ; le résultat d'un an de travail pour trouver un circuit le plus optimal possible. «Je n'ai pas voulu faire une bière qui ait le goût de pain, même si certains consommateurs lui trouvent un goût de pain grillé et c'est tant mieux ! En réalité, le pain amène de la complexité à la production car c'est une matière première plus fluctuante. Mon but, c'est d'avoir une bière artisanale, innovante et intelligente», résume le créateur.

Si la "Pain de Minuit" est proposée dans 400 points de vente – et à la pression dans une dizaine de bars sur Lille –, Martin Marescaux récupère pour l'instant uniquement du pain dans le Nord et le Pas-de-Calais auprès de 120 points de collecte. «On veut en faire un projet économiquement et écologiquement faisable.» Depuis la création de la "Pain de Minuit", il y a deux ans, 102 000 tranches de pain ont été revalorisées et 1 500 l d'eau ont été économisés.

La "Pain de Minuit" s'exporte à Nantes

Depuis peu, Martin Marescaux a élargi le concept à Nantes. La bière reste pour l'instant brassée à Courtrai – tout en gardant un bilan carbone positif –, mais il ne désespère pas de trouver une brasserie dans les environs de Nantes, au plus proche des lieux de consommation finaux. Il développe aussi le concept à Paris et se projette également dans le Sud de la France. «Dans deux ans on veut être dans toutes les métropoles de France, mais sans oublier ce qui fait l'origine du projet : l'écologie.»

Au total, environ huit salariés et/ou alternants et tout un écosystème de freelances qui gravitent autour du projet. En décembre 2021, pas moins de 15 à 20 000 bouteilles de "Pain de Minuit" ont été vendues, pour un chiffre d'affaire en croissance à trois chiffres depuis la création. De quoi donner de belles perspectives au projet de Martin Marescaux qui ne se voit pas comme un écolo chevronné mais plutôt comme un chef d'entreprise responsable et innovant.

1. L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.