De la moutarde cultivée et transformée en vallée de Seine
À l'Auberge des Ruines, Christophe Mauduit cuisine sa propre moutarde, avec des graines produites par François-Xavier Craquelin à Villequier. Une association gagnant-gagnant qui ne manque pas de piquant.
Voilà 4 ans que Christophe Mauduit, chef et gérant de l'Auberge des ruines à Jumièges (76), et François-Xavier Craquelin, agriculteur à Villequier, ont lancé leur petite production de moutarde, sans colorants ni conservateurs. Une idée qui a germé dans l'esprit de l'agriculteur, qui souhaitait valoriser le couvert d'interculture, implanté entre la récolte des céréales et le semis de printemps. Bien souvent une moutarde, qui piège les nitrates, mais n'a pas de valeur productive. Alors pourquoi ne pas aller jusqu'à récolter la graine ? D'autant que cette culture ne subit aucun traitement.
La démarche a tout de suite séduit Christophe Mauduit, un chef accro du fait maison et des produits tracés normands. « Il voulait valoriser sa culture automnale de moutarde, raconte le gérant de l'Auberge des Ruines. Et moi, je trouvais qu'il y avait trop de produits inutiles dans les moutardes industrielles. J'ai proposé une recette avec son vinaigre de cidre et l'huile de colza que je presse moi-même. »
Plusieurs recettes et contenants
Tout de suite la mayonnaise (à base de moutarde normande) prend et le duo s'organise. L'agriculteur produit et récolte les graines. Le restaurateur les transforme dans sa cuisine et met en pots. Puis François-Xavier Craquelin reprend la main pour l'étiquetage et la vente. Plusieurs recettes ont été travaillées par le chef : moutarde fumée, aux noix, à l'ail des ours... Les pots sont vendus aux épiceries fines et dans les réseaux de distribution de produits fermiers. Et des seaux de 5 kg sont aussi produits pour la restauration.
Côté finances, les deux hommes font dans la simplicité. Chacun facture l'autre de ses prestations. Les charges sont divisées en deux. Les recettes aussi. « L'an dernier on a fait environ 15 000 € de chiffre d'affaires, se félicite Christophe Mauduit. On pourrait faire plus. Mais c'est le temps qui manque. On est déjà pas mal occupé par ailleurs. »
L'envie de tout maîtriser
Car, outre la moutarde, Christophe Mauduit poursuit sa quête d'une cuisine 100 % locale, doublée d'autosuffisance. « On travaille depuis longtemps avec des produits locaux. Là on pousse plus loin. Ça fait 4 ans que je n'ai pas acheté de moutarde, ni d'huile de colza », sourit-il. Depuis quelques mois aussi, le chef est passé côté jardin. Il cultive deux potagers qui alimentent ses cuisines et son temps. « Avant je me promenais pas mal pendant mes congés, maintenant je suis au jardin. Mais c'est toujours mieux que de rester devant la télé. C'est plutôt un loisir. Et là j'ai encore des légumes frais. Ça fait 6 mois que je n'en ai pas acheté. C'est déjà 200 € par semaine d'économisés… »
Surtout, c'est l'occasion de pousser un peu plus sa créativité en cuisine. Il propose de plus en plus de légumes oubliés. Un moyen de réduire un peu les charges en se faisant plaisir. Et ce n'est qu'un début. « Je viens d'acheter un terrain pour mettre des animaux », ajoute Christophe Mauduit. Poules, canards, oies, lapins, et même cochons, viendront valoriser les déchets de cuisine, avant d'enrichir les assiettes. Et une production de farine de petit épeautre devrait voir le jour.
Pour Aletheia Press, Benoit Delabre