Le projet de loi Dupond-Moretti adopté par les députés, en première lecture
Les projets de loi ordinaire et organique pour la confiance dans l’institution judiciaire ont été adoptés par l’Assemblée nationale en première lecture, le 25 mai dernier. Examinés en procédure accélérée, les textes ont été transmis au Sénat où ils seront débattus en septembre prochain.
Porté par le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, le projet de loi destiné à améliorer la confiance des Français en la justice prévoit toute une série de dispositions relatives, notamment, à la procédure pénale, la captation vidéo des audiences, le secret professionnel de l’avocat, les modes alternatifs de règlement des litiges et la discipline des professions réglementées du droit.
Audiences filmées : des garde-fous pour ne pas tomber dans la justice spectacle
Le texte adopté par les députés prévoit la possibilité d’enregistrer en vidéo et de diffuser certaines audiences ainsi que les auditions, les interrogatoires et les confrontations effectués par les juges d’instruction, en respectant un certain nombre de conditions. C’est le ministère de la Justice qui sera le guichet unique des demandes d’enregistrement d’audience et la loi liste les autorités juridictionnelles propres à autoriser cet enregistrement. Le fait de filmer, photographier, enregistrer clandestinement une audience et de diffuser les débats, déjà puni d’une amende de 4 500 euros, sera également passible d’une peine de deux mois d’emprisonnement.
Encadrement des délais de l’enquête préliminaire et protection du secret de l’enquête
Le projet de loi prévoit d’encadrer les délais de l’enquête préliminaire, avec un régime dérogatoire pour les affaires de criminalité organisée et de terrorisme, et la possibilité d’ouvrir l’enquête au contradictoire au bout d’un an, ou immédiatement, en cas de fuite dans la presse. Il vient également aggraver les sanctions en cas de violation du secret de l’enquête et de l’instruction, et autorise le procureur de la République à communiquer sur une affaire si un impératif d'intérêt public le justifie. L’avocat pourra être présent lors d’une perquisition chez son client, et ce, même s’il n’est pas procédé à l’audition de la personne perquisitionnée. Enfin, lors du recueil de leur plainte par les enquêteurs, les victimes pourront être accompagnées par un avocat : ces dernières peuvent déjà être accompagnées de la personne de leur choix, mais la présence de l’avocat n’est pas toujours bien acceptée, car la loi ne le prévoit pas expressément.
Généralisation des cours criminelles et création d’un pôle spécialisé pour les « cold cases »
Le texte adopté prévoit la généralisation des cours criminelles départementales au 1er janvier 2022, sans attendre la fin de l’expérimentation en cours. Le président de la cour criminelle devra avoir exercé les fonctions de président de cour d’assises, et la présence d’avocats honoraires, en tant qu’assesseurs au sein des cours d’assises et des cours criminelles départementales, va faire l’objet d’une expérimentation pendant trois ans. Un pôle spécialisé dans le traitement des crimes sériels, complexes ou non élucidé va être créé.
Renforcement du secret professionnel de l’avocat et octroi de la force exécutoire à l’acte d’avocat
La commission des Lois de l’Assemblée nationale a adopté les amendements portés par le Conseil national des barreaux (CNB) pour renforcer le secret professionnel des avocats, qui est consacré par la loi pour toutes leurs activités, de défense, comme de conseil. Le texte prévoit aussi que les perquisitions dans un cabinet d’avocat devront être autorisées par le juge des libertés et de la détention (JLD). De plus, toute personne perquisitionnée pourra s’opposer à la saisie d’un document couvert par le secret professionnel de l’avocat et le document sera alors transmis au JLD sous scellé. Les députés ont également adopté des dispositions prévoyant l’octroi de la force exécutoire aux actes d’avocat issus d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative contresignés par avocats et revêtus de la formule exécutoire par le greffe.
Suppression de la juridiction des injonctions de payer et création d’un Conseil national de la médiation
Parmi les nombreuses autres dispositions du texte, figurent la suppression de la juridiction unique à compétence nationale désignée pour assurer le traitement dématérialisé des injonctions de payer, prévue par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et la création d’un Conseil national de la médiation, placé auprès du ministre de la Justice et chargé de proposer un recueil de déontologie applicable à la pratique de la médiation, des référentiels de formation des médiateurs et des recommandations aux pouvoirs publics pour améliorer cette pratique. Enfin, toute saisine du tribunal judiciaire pour des demandes ne dépassant pas 5 000 euros ou des conflits de voisinage devra être précédée d’une tentative de résolution amiable.