Le Défenseur des droits épingle le nouveau système de stationnement payant

Le Défenseur des droits épingle le nouveau système de stationnement payant

La loi Maptam (de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) du 27 janvier 2014 a profondément modifié les règles relatives au stationnement dans les villes. Le nouveau dispositif, entré en vigueur début 2018, vient de subir les foudres du Défenseur des droits, qui pointe notamment sa complexité.

Depuis le 1er janvier 2018, «le conseil municipal […] peut instituer une redevance de stationnement, compatible avec les dispositions du plan de déplacements urbains», prévoit le nouvel article L.2333-87 du Code général des collectivités territoriales. Par suite, le stationnement payant a fait l’objet de deux évolutions : une dépénalisation et une décentralisation.

Dépénalisation et décentralisation

Avant l’entrée en vigueur de la loi Maptam, le Code de la route prévoyait qu’un stationnement sur la voirie sans avoir réglé la redevance de stationnement était passible d’une contravention de 1re classe. Ce n’est aujourd’hui plus le cas : selon l’article L.2333-87 du Code général des collectivités territoriales, le Conseil municipal fixe «le tarif du forfait de post-stationnement, applicable lorsque la redevance correspondant à la totalité de la période de stationnement n’est pas réglée dès le début du stationnement ou est insuffisamment réglée.» Plus question de contravention donc, mais d’un «Forfait post-stationnement» (FPS). De plus, la fixation du montant de ce forfait relève désormais de la compétence des communes et non plus de celle de l’État. Conséquence de la dépénalisation du dispositif, les policiers municipaux et les ASVP (agents de surveillance de la voie publique) ont perdu l’exclusivité du contrôle et de la notification des FPS. Les communes peuvent, en effet, avoir recours aux services d’un prestataire extérieur privé.

La contestation du FPS a elle aussi été bouleversée.

Un automobiliste souhaitant contester un FPS est tenu de former un Recours administratif préalable obligatoire (RAPO), dans le mois suivant la notification. Ce recours doit être formé auprès de la personne émettrice du FPS (commune, syndicat mixte, EPCI…). Il peut être rédigé sur papier libre, mais être envoyé par LRAR et contenir tous les éléments nécessaires au traitement de la demande : copie du FPS, certificat d’immatriculation du véhicule, moyens de droit, moyens de fait. Il convient également d’y ajouter les preuves de ce que l’on avance en pièces jointes (photos, attestations…). L’administration concernée a un mois pour répondre à ce RAPO, son silence vaut rejet de la demande. Elle peut tout aussi bien accepter le recours et annuler ou minorer le FPS.

Nombreux dysfonctionnements

Les critiques émises par le Défenseur des droits, à la mi-janvier, sont nombreuses. Deux principales attirent l’attention. Première critique formulée par Jacques Toubon : la décentralisation du système a automatiquement engendré une grande disparité des montants du FPS. Ils peuvent varier, non seulement, d’une commune à une autre, mais, également, selon les zones de stationnement d’une même commune, selon la durée de stationnement, la surface occupée par le véhicule, l’impact du véhicule sur la pollution et même en fonction du niveau du revenu des usagers, de leur statut ou du nombre de personnes vivant au sein de leur foyer ! Le principe d’égalité devant la loi qui prévalait sous l’empire de la contravention n’est plus qu’un lointain souvenir. Le Défenseur des droits critique également le dispositif de traitement des contestations. Concernant la phase précontentieuse, il dénonce un inégal traitement des RAPO. Délais trop brefs, absence d’informations, non demande de pièces complémentaires, non transmission du RAPO au service compétent… les lacunes pointées sont multiples. Mais peut-être pas autant que celles adressées à la CCSP ! Sur ce point, le rapport du Défenseur des droits est sévère. D’une part, il pointe la complexité et le formalisme trop important nécessaire à la saisine de la CCSP. Selon lui, près de 95 % des requêtes seraient irrecevables, car incomplètes. De plus, «l’application informatique permettant la gestion des dossiers, mise en place en mars 2018, a connu des lenteurs et de nombreuses défaillances la rendant inutilisable jusqu’en novembre 2018.» Enfin, il alerte sur : «l’importance et la croissance rapide du stock de requêtes non encore examinées». Fin 2018, on dénombrait ainsi 60 859 affaires enregistrées en attente de jugement. À la fin du mois d’avril 2019, ce stock est passé à 94 322 requêtes. Précisons sur ce point que la juridiction ne rend qu’environ 4 000 décisions par an : à ce rythme, il ne faudrait pas moins de 23 ans pour simplement «vider» la juridiction de son stock de requêtes.

À noter : 564 communes ou intercommunalités ont opté pour la mise en place du FSP. Les autres ont maintenu ou instauré la gratuité du stationnement, soit mis en place des zones bleues.

Nicolas TAQUET,  juriste