La production de moutarde doit faire face à des pénuries et des hausses de coût
Les producteurs de moutarde de Dijon souffrent de la pénurie de matière première et doivent également surmonter les impacts du conflit en Ukraine sur leur activité.
La brassica juncea est utilisée par les producteurs de moutarde de Dijon pour respecter le cahier des charges qui leur incombe. Principalement cultivée en Bourgogne et au Canada, la culture a subi deux phénomènes climatiques.
« En Bourgogne, avril 2021 a été touché par un hiver humide et une période de gel. Nous n’avons pu recevoir que 48 % de nos commandes. En parallèle, un dôme de chaleur a frappé le Canada en juillet 2021, séchant la récolte et divisant les quantités par deux » explique Luc Vandermaesen, directeur général de Reine de Dijon et actuellement président de l’association Moutarde de Bourgogne, dirigée à tour de rôle par un industriel du secteur et un agriculteur.
Après plusieurs années difficiles, les stocks se sont réduits tandis que les agriculteurs se sont tournés vers d’autres cultures. « Nous voulions nous tourner vers l’Ukraine ou la Russie, mais le conflit a changé la donne. Nous n’avons donc plus de moutarde à disposition et, en 2022, nous n’avons reçu que la moitié des graines espérées. »
Flambée des prix
Cette pénurie s’est traduite par une hausse conséquente des prix des graines, allant de deux à cinq fois le coût normal. « En moyenne, le prix des graines a été multiplié par trois. » Cette situation amène les producteurs à prioriser les marchés. Dans les magasins, les rayons condiments accusent le coup et certains produits commencent à manquer. Pour le consommateur, les prix s’en ressentent également.
« Notre marque Reine de Dijon a augmenté de 9% en 2022 tandis que nos prix distributeurs pour la moutarde de Bourgogne, moins connue et plus chère, ont grimpé de 25%. Les faibles récoltes ont même fait doubler certains prix de graine. » Les marchés des industriels nécessitant de la moutarde dans les recettes de plats cuisinés et celui des grossistes pour le secteur de la restauration ont également enregistré des hausses moyennes de 35%, mais certaines ont pu aller jusqu’à 75%.
Des augmentations en série
La filière de la moutarde souffre d’autres flambées. « Le métal nécessaire pour nos capsules fermant les pots a augmenté de 40 à 50 % tandis que, depuis juin 2021, le carton connaît une inflation régulière de 10 à 15% à cause du nombre croissant des livraisons à domicile notamment. » Une difficulté vient encore s’ajouter, l’Ukraine fournit une grande partie du bois nécessaire à leur conception tandis que la crise de l’énergie accroît les coûts de production.
« Depuis quelques années, la filière doit aussi combattre les méligèthes, un insecte qui s’attaque à la culture de la moutarde et sur lesquels les agriculteurs ne peuvent plus utiliser d’insecticide. Ils préfèrent donc se détourner de la moutarde. » Inquiets, les moutardiers locaux membres de l’association Moutarde de Bourgogne, Reine de Dijon, Fallot, Européenne de condiments et Unilever avec Maille ou Amora, n’ont ainsi aucune visibilité sur leur production à venir.
Pour Aletheia Press, Nadège Hubert