Industrie

La Meusienne, naissance d’une Scop qui perpétue un savoir-faire centenaire

Après des années d’incertitude, de changements de propriétaires et une procédure collective,
La Meusienne, industrie métallurgique de référence implantée à Ancerville a repris son avenir en main avec la naissance d’une société coopérative de production (Scop) le 8 juillet dernier. 40 salariés-associés se sont engagés avec la volonté commune de perpétuer leur savoir-faire industriel.

© Guillaume Ramon
© Guillaume Ramon

La Petite Meusienne à l’agonie, si discrète se transforme avec la volonté d’aller chercher les marchés, d’être visible et reconnue. Tels sont les propos confiés avec fierté par Roxanne Creutz qui vient d’être élue, à tout juste 29 ans, gérante de la Scop pour quatre ans, par les 40 salariés-associés. L’histoire de cette entreprise centenaire aurait dû se finir par une liquidation et la perte d’un savoir-faire, comme c’est encore trop souvent le cas en France. Et pour cause, après le plan de sauvegarde lancé par le Tribunal de commerce de Bar-le-Duc en janvier 2024 puis le redressement judiciaire prononcé en mars dernier, un fonds malaisien s’était positionné pour reprendre le site qui employait encore 92 personnes. Quatre jours avant la date butoir, le repreneur s’est désengagé. Après la stupeur et la colère, Roxanne Creutz arrive un matin avec un seul message : « J’ai un truc à proposer, est-ce que vous me suivez? ». C’est par ces mots que l’aventure collective a démarré dans la Meuse. Très vite, un collectif composé d’acteurs clefs se constitue avec des administratifs et des opérateurs. Pour eux, il n’est pas question de voir mourir l’un des deux derniers sites français de fabrication de tubes soudés en acier inoxydable. Les analyses commerciales démontrent le « potentiel incroyable » de ce site industriel. Tous se mobilisent, soutenus par l’union régionale des Scop du Grand Est des (Urscop) et les acteurs locaux : préfet, sénateur, consulaire, département, région ou encore le GIP Objectif Meuse unanimement convaincus par ce projet qui sera déposé et bouclé en un temps record. Il aura fallu uniquement 42 jours pour que la Scop prenne vie.

Des compétences mises en avant

« C’était notre dernière carte à jouer », se rappelle alors Roxanne Creutz qui a réussi à collecter en un temps record quatre millions d’euros pour continuer l’aventure grâce aux financements des banques et des salariés. Parmi les 40 à être restés, 37 anciens et trois « nouveaux » ont réintégré La Meusienne après avoir passé près de 20 ans dans l’entreprise sous-traitante AMS. La décision a été de miser sur l’autonomie du site en intégrant notamment deux tourneurs-fraiseurs pour assurer les besoins de réusinage. Chacun apporte sa compétence que ce soient les soudeurs qui sont là en moyenne depuis deux décennies et qui ont ainsi perfectionné leurs compétences, les opérateurs du refendage (le fait de couper les bobines en métal), l’acheteuse de matières premières ou les commerciaux. En parallèle, le business plan a été monté pour cette entreprise qui rencontrait des difficultés financières depuis de nombreuses années avec un choix de recentrage de son activité sur des secteurs à haute marge comme les échangeurs de chaleur, l’industrie sucrière, le sanitaire et de stopper l’activité de décapage par choix écologique.

De nouveaux marchés et de nouveaux défis

La première commande dans l’aéronautique vient d’être passée, prémices de la nouvelle dynamique. La volonté est d’aller chercher de nouveaux marchés liés aux secteurs de la défense ou médical, mettant en avant ses spécificités comme la méthode de soudage TIG ou la capacité laser pour la fabrication de tubes de petite taille. La difficulté est d’atteindre des grandes industries du marché. C’est aussi pour cette raison que Roxanne Creutz était présente à Bure, au sein des locaux de l’Andra, lors de la dernière grande messe de l’association Energic 52-55 ST où les donneurs d’ordre avaient fait le déplacement fin septembre. L’autre décision a été de diviser par deux la surface immobilière couverte (qui représente 30 000 m2) pour réduire les dépenses. Moins de trois mois après le démarrage de la Scop, « le plus dur est devant nous », concède la gérante qui est avant tout combattive et fière de la volonté des 40 salariés de « contribuer à valoriser un savoir-faire, faire vivre économiquement le territoire et participer à la réindustrialisation de la France. »

A.M.