Hauts-de-France, seule région française à être retoquée par Bruxelles

Dans un contexte agricole où l'élevage n'est pas en pleine santé, où les crises perdurent, un arrêté ministériel du 10 novembre 2016, paru au Journal officiel, a asséné un nouveau coup à la profession. La région des Hauts-de-France a été épinglée par le ministère de l'Agriculture pour le non-respect du seuil de maintien des prairies permanentes fixé par l'Union européenne, l'une des trois conditions d'accès au paiement vert de la PAC (Politique agricole commune). En France, le paiement vert représente 30% du total des paiements directs, soit 2,2 milliards d’euros par an et vise à l'amélioration de la performance environnementale de l’agriculture en termes de biodiversité, de protection de la ressource en eau et de lutte contre le changement climatique.

«Il y aurait 7000 hectares retournés illégalement dans la région »
«Il y aurait 7000 hectares retournés illégalement dans la région »

Est prairie permanente toute surface dans laquelle l’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées prédominent depuis cinq ans au moins. Dans le cadre du «paiement vert», un exploitant doit maintenir ou établir des surfaces d’intérêt écologique (SIE) sur l’équivalent de 5% de sa surface en terres arables. Depuis plusieurs années, les surfaces de prairies permanentes ne cessent de diminuer en Nord − Pas-de-Calais et Picardie. Entre 2012 et 2014, ces surfaces ont reculé de 1 935 hectares dans le premier et de 4 339 hectares dans le second. Les Hauts-de-France dépassent ainsi le seuil critique de 5% de retournement fixé par Bruxelles pour atteindre 6,6%. Il en résulte pour la région une obligation de réimplanter des prairies alors même que les parcelles sont semées et que la campagne culturale 2017 est déjà commencée. «Auparavant, chaque agriculteur avait un compteur individuel pour mesurer la référence en herbe. Mais, en 2015, on est passé d’un suivi individuel à un suivi régional. Le compteur a été supprimé. L’agriculteur se doit de déclarer ce qu’il exploite»,explique-t-on à la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer), en charge d’informer chaque exploitant sur les nouvelles dispositions légales. Plusieurs représentants de la profession se sont posé la question de savoir si le mode de calcul utilisé pour établir ce ratio délivré par Bruxelles était le bon.

 

Négociations. A la demande du préfet des Hauts-de-France, une mission d’expertise a été confiée au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces rurauxpar le ministre de l’Agriculture afin d’apporter une réponse argumentée aux interrogations des représentants de la profession agricole, fondée sur une expertise indépendante, et de mener, sous l’égide de la DRAAF, un travail de concertation avec les représentants de la profession pour s’assurer que toutes les souplesses possibles ont bien été exploitées.

Cette mission s’est déroulée du 19 au 20 décembre et a rendu son rapport le 21 décembre. ll ressort de ce travail que l’augmentation des surfaces en agriculture biologique dans la région Hauts-de-France a un effet paradoxal conduisant à aggraver la dégradation du ratio de prairies permanentes. «Cet effet va pouvoir être neutralisé par l’application d’une disposition réglementaire européenne permettant de tenir compte de l’impact sur ce ratio de la conversion de certaines surfaces en agriculture biologique entre 2015 et 2016», explique-t-on en préfecture. En conséquence, cela devrait permettre de réduire de 30% la surface à reconvertir en prairies permanentes et de passer ainsi de 7 500 hectares initialement calculés à 5 400 hectares. Ce point fait actuellement l’objet d’échanges entre la France et la Commission européenne. De surcroît, tout agriculteur désireux de convertir une prairie permanente en maraîchage biologique se verra octroyer une dérogation. «C’est une dérogation automatique, confirme-t-on à la DDTM, car le maraîchage biologique remplit les critères de la surface d’intérêt écologique mis en place par la PAC.» Il semblerait que cette disposition séduise de plus en plus de jeunes agriculteurs.

Lucy DULUC

CAPRESSE
Les surfaces de prairies permanentes ne cessent de diminuer en Hauts de France.