Dénonciation du conducteur contrevenant : la cour de cassation prend position

Élise MERTENS
Avocat, règlement des contentieux, Fidal
Barreau de Nancy
Élise MERTENS Avocat, règlement des contentieux, Fidal Barreau de Nancy

Le 14 mai 2018 (Tablettes Lorraines n° 1863), nous nous interrogions sur la qualité du véritable redevable de l’amende pour non dénonciation du conducteur prévue par l’article L. 121-6 du code de la route : s’agissait-il du représentant légal et/ou de la personne morale ? Nous vous livrions alors la position retenue par la Chancellerie sur la question, à savoir que la personne morale était, selon elle, redevable de ladite amende. À cette époque, la Cour de cassation ne s’était pas encore positionnée sur le sujet. C’est désormais chose faite (Arrêts de la chambre criminelle du 11 décembre 2018 n° 18-82.820 et 18-82.628).

 Retour sur les textes et les tâtonnements jurisprudentiels

Lorsque certaines infractions au code de la route sont commises avec un véhicule dont la carte grise est établie au nom d’une personne morale, son représentant légal est nommément désigné comme le responsable pécuniaire de l’amende encourue (art. L. 121-2 et L. 121-3 du code de la route). L’article L. 121-6 du code de la route n’identifie pas, en revanche, le redevable de l’amende pour non dénonciation du conducteur contrevenant. Certains juges du fond ont considéré que le redevable de l’amende ne pouvait être que le représentant légal de la personne morale. Ils ont fait une stricte application de l’article L. 121-6 respectant, selon eux, le principe de la personnalité des peines pénales. La responsabilité pénale de la personne morale pouvant toujours être recherchée lorsque des infractions sont commises, pour son compte, par ses organes ou représentants, la Chancellerie a, quant à elle, considéré que la personne morale était responsable pénalement, et était donc redevable de l’amende.


La Cour de cassation met fin aux incertitudes sur la question

Par deux décisions du 11 décembre 2018, la Cour est allée dans le sens de la Chancellerie. Dans un premier arrêt (n° 18-82.628), elle précise que le représentant légal d’une personne morale peut être poursuivi pour n’avoir pas satisfait à son obligation de révélation de l’identité de la personne contrevenante et ce, sans exclusion de la responsabilité pénale de la personne morale qui peut aussi être recherchée pour cette infraction. C’est donc la responsabilité pénale du représentant légal et/ou de la personne morale qui peut être recherchée… bien que l’obligation de désigner le conducteur ne pèse que sur le seul représentant légal. Dans un deuxième arrêt (n° 18-82.820), la Cour souligne la possibilité de poursuivre le dirigeant malgré un avis de contravention adressé à la société. La Cour estime que le juge doit se limiter à vérifier si le représentant légal, informé de l’obligation de révélation de l’identité du conducteur contrevenant pesant sur lui, avait bien honoré ladite obligation, et que dès lors, il importait peu que l’avis de contravention ait été libellé au nom de la personne morale. Force est de constater que ces deux décisions apportent un éclairage nouveau sur cette infraction dont le principe et la mise en œuvre déconcertent bon nombre de dirigeants.