Décryptage : le pouvoir de mise en quarantaine

La mise en quarantaine ou le placement et maintien en isolement se déroule au choix de la personne qui en fait l'objet.
La mise en quarantaine ou le placement et maintien en isolement se déroule au choix de la personne qui en fait l'objet.

Dans la précipitation, la première loi du 23 mars sur l’urgence sanitaire avait prévu l’existence d’un mécanisme de placement individuel en quarantaine. La loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire est venue adapter le dispositif aux évolutions. Un décret du 31 mai dernier précise les conditions, la procédure ainsi que les modalités de cette quarantaine individuelle.

Conditions et procédure

Le décret n° 2020-663 du 31 mai énonce que le placement en quarantaine ou le maintien en isolement peut être prononcé à l’entrée sur le territoire national ou à l’arrivée en Corse ou dans les départements et régions d’outre-mer pour toute personne ayant séjourné, au cours du mois précédant cette entrée ou cette arrivée, dans une zone de circulation de l’infection définie par arrêté du ministre de la Santé. Dans tous les cas, le placement et le maintien en isolement sont subordonnés à la constatation médicale de l’infection de la personne concernée. Très concrètement la procédure est la suivante :

  • le médecin qui diagnostique la maladie prévient l’ARS (Agence régionale de santé) et lui transmet le certificat médical correspondant ;
  • le directeur général de l’ARS propose au préfet de département la mesure appropriée pour la personne ;
  • le préfet prend sa décision, qui est immédiatement notifiée à la personne concernée et également communiquée, sans délai, au procureur de la République territorialement compétent ;
  • le directeur général de l’ARS est chargé de l’information régulière et de l’organisation du suivi médical des personnes faisant l’objet d’une quarantaine ou d’un placement en isolement. À cette fin, il organise un suivi téléphonique régulier de ces personnes. Lorsqu’un avis médical établit que l’état de santé de l’intéressé le permet, le préfet peut mettre fin à une mesure d’isolement avant son terme.

La décision de placement en quarantaine ou en isolement fixe les conditions d’exécution de la mesure. Leur durée initiale ne peut excéder 14 jours. Ces mesures peuvent être renouvelées dans la limite d’une durée maximale d’un mois. Elles ne peuvent être prolongées au-delà de 14 jours qu’après avis médical établissant la nécessité de cette prolongation. Lorsque la mesure interdit toute sortie de l’intéressé hors du lieu où la quarantaine ou l’isolement se déroule, elle ne peut se poursuivre au-delà du délai de 14 jours sans que le juge des libertés et de la détention (JLD), préalablement saisi par le représentant de l’État dans le département, ait autorisé cette prolongation.

Contenu

La mesure envisagée doit être «strictement nécessaire et proportionnée aux risques sanitaires encourus» et «appropriée aux circonstances de temps et de lieu». La décision doit être spécialement motivée sur ces points. La mise en quarantaine ou le placement et maintien en isolement se déroule, au choix de la personne qui en fait l’objet, à son domicile ou dans un lieu d’hébergement adapté à la mise en œuvre des consignes sanitaires qui lui sont prescrites. La personne justifie des conditions sanitaires de l’hébergement choisi par tout moyen. Lorsque toute sortie du domicile ou du lieu d’hébergement est interdit, la personne concernée doit avoir un accès aux biens et services de première nécessité, ainsi qu’à des moyens de communication téléphonique et électronique lui permettant de communiquer librement avec l’extérieur, en prenant en compte les possibilités d’approvisionnement et les moyens de communication dont elle dispose

Quel recours ?

La notification de la mesure comporte l’indication des voies et délais de recours, des modalités de saisine du juge compétent, des effets attachés à ses décisions, et des conditions de son intervention. La contestation de la mesure se fait devant le JLD dans le ressort duquel se situe le lieu de la quarantaine ou de l’isolement prévoit la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Le Parlement aurait pu opter pour la procédure de référé-liberté devant le tribunal administratif. Toutefois, les parlementaires, sur ce point, ont estimé que «l’ensemble des mesures de quarantaine et d’isolement, qu’elles soient ou non privatives de liberté, relèveront toutes du juge de la liberté et de la détention. Cette unité des voies de recours, qui existe d’ores et déjà pour les mesures de soins sans consentement, est une garantie de lisibilité pour les personnes concernées.» Très concrètement, la personne mise à l’isolement devra envoyer une requête au JLD pour demander la mainlevée de la mesure. Les formulaires Cerfa qui existent pour les mainlevées d’une mesure d’hospitalisation ne peuvent pas être utilisés. En revanche, les personnes peuvent s’en inspirer et rédiger la requête sur papier libre. Le juge des libertés et de la détention peut également être saisi par le procureur de la République territorialement compétent ou se saisir d’office à tout moment. Il statue dans un délai de 72 heures, par une ordonnance motivée immédiatement exécutoire.

Nicolas TAQUET, juriste