Covid-19 : le président du Conseil régional au secours des entreprises
Le principe constitutionnel de liberté d’entreprendre s’accommode mal avec l’intervention publique en faveur de telle ou telle entreprise. C’est la raison pour laquelle, en temps normal, l’octroi d’aides publiques est encadré et contrôlé. Toutefois, pour faire face à la crise actuelle, le gouvernement vient d’assouplir le régime des aides régionales accordées aux entreprises. Décryptage.
Le cadre des aides régionales aux entreprises
Au titre de l’article L. 1511-2 du CGCT (Code général des collectivités territoriales), c’est en principe le Conseil régional qui est seul compétent pour définir les régimes d’aides et pour décider de l’octroi des aides aux entreprises dans la région. Le vote d’une délibération est donc nécessaire. Lorsqu’il s’agit d’entreprises en difficulté, les modalités de versement des aides et les mesures qui en sont la contrepartie font obligatoirement l’objet d’une convention entre la région et l’entreprise. En cas de reprise de l’activité ou de «retour à meilleure fortune», la convention peut prévoir le remboursement de tout ou partie des aides de la région. Les aides peuvent prendre la forme de prestations de services, de subventions, de bonifications d’intérêts, de prêts et d’avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que les conditions du marché.
Une prérogative désormais aux mains du président du Conseil régional…
L’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales modifie ce régime juridique sur un point essentiel : c’est désormais le président du Conseil régional lui-même qui décide d’accorder ces aides de façon discrétionnaire, et non plus le Conseil régional. Cette modification est un gage de rapidité et d’efficacité. Là où l’octroi d’une subvention nécessitait une réunion et un vote du Conseil régional (ce qui pouvait prendre plusieurs mois) cela peut aujourd’hui se faire en quelques jours seulement.
… mais limitée et extrêmement contrôlée
Toutefois, le gouvernement se garde bien de laisser complètement les mains libres aux présidents des régions.
À bien des égards, ce pouvoir du président reste limité :
- il ne peut qu’accorder des aides d’un montant maximal de 200 000 euros ;
- ces aides aux entreprises ne sont accordées que dans la limite des crédits préalablement ouverts par le Conseil régional et que si elles relèvent du régime d’aides préalablement défini par le Conseil régional (voir conditions imposées).
Cette prérogative n’est que temporaire. Elle cessera à une date fixée par décret et au plus tard le 25 septembre 2020. L’octroi des aides doit respecter les dispositions de l’article L. 1511-2 du CGCT (dont la rédaction d’une convention). De plus, l’exercice de cette prérogative est fortement contrôlé : elle peut être empêchée, retirée ou modifiée par une délibération du Conseil régional. Le président du Conseil régional rend compte des aides versées à la plus prochaine réunion du Conseil et il en informe par tout moyen la commission permanente.
Ces aides sont expressément soumises au contrôle de légalité du préfet qui peut déférer les décisions devant le Tribunal administratif s’il les estime illégales, et, notamment, s’il juge qu’elles sont contraires au droit européen des aides publiques. Ainsi, si cette modification de l’article L. 1511-2 du CGCT semble bienvenue en période de crise sanitaire, elle ne constitue qu’une simple délégation de compétence légale et ne modifie en rien les règles d’attribution des aides aux entreprises.
Nicolas TAQUET, juriste