Chez Toulemonde SAS, le fil haut de gamme se porte bien

La saga familiale des Toulemonde continue à tisser son histoire depuis 1903. L’entreprise a su évoluer au fil du temps et des soubresauts du marché du textile. Un véritable défi pour l’une des dernières fabriques de fil françaises. Avec une spécificité qui fait toute sa différence : travailler pour l’industrie du luxe.

Olivier et Bruno Toulemonde sont la quatrième génération dans l’entreprise.
Olivier et Bruno Toulemonde sont la quatrième génération dans l’entreprise.

 

Olivier et Bruno Toulemonde sont la quatrième génération dans l’entreprise.

Olivier et Bruno Toulemonde sont la quatrième génération dans l’entreprise.

C’est encore dans les locaux originels de l’usine de retordage de fil de coton fondée par leur aïeul que la quatrième génération des Barrois- Toulemonde fabrique les bobines : à Marcq-en- Baroeul, à mi-chemin des anciennes filatures de Roubaix, Lille et Tourcoing. Un emplacement stratégique en 1903, grâce à la création du fameux Grand-Boulevard qui dessert les trois grandes villes, et qui l’est encore aujourd’hui. Il y a bien aussi la nouvelle usine de Bondues, contemporaine celle-là, mais elle est plus petite et n’abrite pas le siège de la société. A Marcq, les ateliers se développent sur 5 000 m2 labyrinthiques et deux niveaux.

Un savoir-faire unique. De la rue, impossible d’imaginer une telle surface et un tel niveau d’activité. Car les machines à bobiner fonctionnent 24 heures sur 24. On y fabrique des fils de coton, de lin et synthétiques destinés aux industries du tissage, de la dentelle, de la broderie, de la confection et à bien d’autres domaines particuliers – matelassage, passementerie, rubans, maroquinerie, reliure – ainsi qu’aux merceries et distributeurs. L’éventail est large, avec une caractéristique : tous ces marchés en recouvrent un, celui du luxe. Le fil de lin pour la maroquinerie d’Hermès est mis en forme ici, celui en coton des fameux tee-shirts Lacoste aussi. Le premier est le fruit d’un savoir-faire très spécifique, puisqu’il est retordu trois fois (pour le rendre plus résistant) avant d’être glacé dans un mélange à base d’amidon de pomme de terre et de cire d’abeille dont la composition reste secrète. “Nous sommes les derniers à retordre le fil de lin de cette façon”, explique Bruno Toulemonde, l’un des dirigeants, avec son frère Olivier. Si le lin est originaire des champs normands ou belges, le coton vient d’Egypte : “c’est le plus beau, le plus fin, avec les plus longues fibres”, ajoute-t-il.
Ce savoir-faire et cette qualité s’appliquent aussi aux produits réservés à l’industrie, avec plus de 1 500 références de coloris, et de multiples possibilités de combinaison comme le fil multicolore ou le guipage. Ces fils partent dans l’Europe entière, destiné aux derniers brodeurs d’Autriche, de Suisse et, plus près de nous, de Cambrai.
Mais il n’y a pas que les produits finis qui sont précieux chez Toulemonde SA. Les machines le sont aussi. La majorité d’entre elles sont d’origine, bichonnées à juste titre comme des pièces rares. Elles sont les dernières en France. Tout comme ces autres machines capables de brûler les poils des fils avant de pouvoir les bobiner, ou celles qui fabriquent des cocons de fil. “Nous investissons régulièrement pour les maintenir en bon état”, souligne Bruno- Toulemonde.

Un nouveau marché du fil. Mais c’est un autre investissement, stratégique celui-là, que les deux frères chefs d’entreprise ont entrepris en 2007 : le rachat de la maison Vraux, auguste fabricant de produits de mercerie lillois depuis 1840. “Nous avons repris tout le personnel et les machines que nous avons réintégrés à Marcq”, explique Bruno Toulemonde. Un sauvetage encore plus digne que celui de Lejaby, dont on parle tant en ce début d’année 2012, puisqu’il est dans la continuité de l’activité. Sauf que Toulemonde SAS n’était pas du tout spécialiste de la mercerie ! “Il a fallu tout apprendre”, raconte le dirigeant. Avec l’aide de la société Sachoux à Versailles, spécialiste de la mercerie haut de gamme, ils remettent au goût du jour (et du luxe !) les anciennes marques fétiches de Vraux : le Fil au Chinois est la première. Si tous les produits proposés sont nouveaux, la matière première est toujours de haute qualité, fabriquée et bobinée à l’ancienne dans les ateliers. Le packaging est entièrement relooké pour raconter une histoire (celle du Chinois et de son fil) et positionner la marque sur le haut de gamme. Les gravures du Chinois (qui datent de la fin du XIXe siècle) sur les petites boîtes en carton ou en métal, les dizaines de coloris et de matières de fil, la variété des supports de fil (bobines en bois, cocons, etc.) font le bonheur des dames, de quoi donner envie de coudre ou de broder à la plus réticente ! Résultats, le Fil au Chinois fait un carton aux Etats-Unis, en Asie et en Australie ! On retrouve la marque au Printemps à Paris, ou chez Liberty à Londres. Les dirigeants marcquois viennent d’éditer un premier catalogue de toute la gamme. Et ils pensent développer une nouvelle marque fétiche de Vraux, avec un nom tout aussi évocateur que la première. “Le marché de la mercerie est petit mais stable depuis des années. Avec le retour du ‘faire soi-même’ et de la qualité durable, il est en train de repartir. C’est le bon moment”, souligne Olivier Toulemonde. Et même si ce nouveau secteur donnait du fil à retordre en plus, ici on sait faire !