Avec l’obtention de l’Indication Géographique Protégée
Calais-Caudry : la dentelle arbore ses racines
La Dentelle de Calais-Caudry obtient une nouvelle reconnaissance avec l’obtention de l’Indication Géographique Protégée (IGP) de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI). Un dossier porté par l’association IG Dentelles de Calais-Caudry et soutenu par la Fédération des Dentelles et Broderie (FFDB). Si l’affaire peut faire penser à une tautologie, elle montre que la profession a besoin d’affirmer encore que la qualité de ses produits tient aux hommes et aux femmes industrieux de la région.
«C’est avec une immense fierté que nous pouvons partager cette nouvelle : la dentelle de Calais-Caudry est désormais homologuée Indication Géographique Protégée (IGP) par l’INPI. (…) Toutes les opérations de fabrication de la dentelle et de préparation des fils doivent être réalisées dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord» a indiqué Christophe Machu, dirigeant du fabricant Solstiss et président, depuis quelques semaines, de la Fédération des Dentelles et Broderies (FDDB).
Cela, protègera-t-il la dentelle tissée de sa concurrente la dentelle tricotée, largement asiatique ? «Probablement pas» indique lucidement Julien Bracq, dirigeant du fabricant éponyme, «mais tout ce qui rassemble la profession, est bon pour la profession. C’est une prise de conscience. Espérons qu’elle ira au-delà de la réflexion. Mais on parle avec les douanes, entre autres, pour mieux protéger nos créations» ajoute le cadre. Car il y a urgence.
Protéger les derniers ?
Il en reste huit. Les derniers qui tiennent encore alors que l’activité de production de dentelle Leavers a diminué des deux tiers dans la dernière décennie. Après la vente de Noyon au Sri-lankais MAS, la liquidation-reprise de Desseilles, la migration du fabricant calaisien Darquer vers Caudry, Calais n’a plus que quatre petits fabricants : Desseilles et Boot (groupe Cochez), Riechers & Marescot (Groupe Holesco) et le singleton Storme. À Caudry, désormais place forte de la filière, Sophie Hallette (Groupe Holesco), Solstiss, Bracq, Beauvillain-Davoine, Laude et Darquer-Méry forment la dernière ligne. Moins de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires, pour moins de 400 personnes.
Les clients lingers-corsetiers, le prêt-à-porter, même la robe consomment moins de Leavers. Sa concurrente dite tricotée a pris la plupart des lignes des clients des dentelliers. Alors la protection basée sur la géographie peut-elle aider ? Elle dit que seules les entreprises précitées peuvent se prévaloir de cette origine et sanctuariser la chaîne de production dans cette appellation. Les concurrents italiens comme Pizval et japonais (les derniers à faire du Leavers) ne pourront pas s’en prévaloir, mais dans les allées du salon international de la lingerie qui se déroule en ce moment à Milan, où seuls deux dentelliers de Caudry exposent, l’origine compte moins que la qualité du produit et du prix. Et Sakae (groupe japonais) vend de la dentelle aux clients lingers depuis des décennies sans se prévaloir d’une origine française.
Conserver les savoir-faire
Le label «géographique» n’est pas une nouveauté dans le secteur. L’ex-chambre syndicale des fabricants de dentelle de Calais avait créé ce label et leurs étiquettes se retrouvaient parfois même sur les produits des clients finaux. Le Label était ensuite passé à la FFDB avant d’être élargi aux fabricants caudrésiens. Avec l’IG, c’est sur le même clou que frappe la profession : l’artisanat local comme gage d’authenticité traditionnelle et de qualité. Le parc des machines Leavers ne compte plus que quelques centaines de métiers dont la plupart ne tournent plus. Pire, le départ d’une génération de tullistes fait craindre pour la pérennité de la production. Une autre urgence que les pouvoirs publics seraient bien inspirés de surveiller.