Artisanat : la formation, clé de voûte de la croissance

Si les carnets de commandes ont été bien remplis en 2024, la moitié de la filière régionale a déclaré une baisse de son chiffre d'affaires. Une situation liée aux difficultés de recrutement, selon Laurent Rigaud, président de la Chambre des métiers et de l'artisanat (CMA) Hauts-de-France. Il souligne la nécessité de continuer à former et accompagner, condition sine qua non à une inversion de la courbe.

Laurent Rigaud, président de la Chambre des métiers et de l'artisanat Hauts-de-France. (c) Léna Heleta
Laurent Rigaud, président de la Chambre des métiers et de l'artisanat Hauts-de-France. (c) Léna Heleta

Une entreprise artisanale sur deux déclare une baisse de son chiffre d’affaires* en 2024. Comment l'expliquez-vous ? 

Laurent Rigaud : On peut relier la baisse du chiffre d'affaires au problème de recrutement (73%* des recruteurs concernés, ndlr) et au manque de visibilité pour se développer. Or quand on ne développe pas, on recule. Rien qu'en apprentissage, 2 000 contrats sont en attente de trouver quelqu'un. Cela devrait interpeller ! J'ai beaucoup de collègues qui réduisent l'activité, en fermant par exemple trois semaines en congés alors que d'habitude, ils ne le font pas. Là où c'est dangereux, c'est que les charges, elles, ne baissent pas. Au contraire, elles continuent à augmenter. Il y a un danger pour l'entreprise, notamment pour le moral des artisans. 

Pourtant, les commandes ont augmenté l'année dernière (+1%)... 

Hormis des secteurs comme le bâtiment où c'est compliqué, il y a une vraie dynamique. Vous ne trouverez pas un artisan qui ne vous dise pas 'je cherche à recruter'. Or l'artisanat est une branche où il faut un savoir-faire. Si on n'arrive pas à le trouver, on fait, par exemple, appel à des sous-traitants, il y a ainsi beaucoup moins de marge, et puis, tout doucement, on glisse. Pour s'occuper des entreprises artisanales, il faut s'occuper de la formation. C'est la première marche. D'autant plus dans la ruralité. Quand vous y supprimez les centres de formation, vous ne formez plus pour demain et la courbe continue à baisser. 

Quels sont les différentiels entre les secteurs de l'artisanat en région ? 

On a chacun notre période. Le bâtiment a du travail, même s'il a de la peine à recruter. Le secteur alimentaire souffre en revanche énormément. Ils ont été très impactés par la crise de l'énergie ; La filière viande en particulier, à cause des prix de la matière première. Les métiers de services, prenez par exemple les coiffeurs : un tiers vont mettre la clé sous la porte. Soit on est très gros, soit très petits. Ceux qui sont au milieu vont souffrir. 

Quelle est la spécificité de l'écosystème artisanal régional ? 

Notre spécificité, c'est que la Chambre des métiers et de l'artisanat (CMA) va partout sur le territoire. Nous avons 40 antennes, avec 21 centres de formation. On forme et on accompagne. C'est notre force. Mais avec les annonces gouvernementales, qui veulent un centre par département, on est en train de détricoter tout ce que l'on a fait pendant 20 ans. Cela commence à se faire sentir dans les entreprises, et va aller en cascade avec leurs sous-traitants… 

Quels sont les leviers politiques pour changer la donne ? 

Le grand message, c'est "laissez-nous notre outil de développement et de formation". Il ne coûte rien à l'État, puisque ce sont les artisans qui paient. Nous avons pourtant démontré que nous savions faire : en 2015, il y avait 120 entreprises artisanales pour 10 000 habitants. En 2024, on est à 222. On crée au moins 7 000 emplois par an. Mais on nous demande de fermer les petits centres de ruralité, de réduire le personnel de la CMA. Sans parler des coûts-contrat (dont la prise en charge par l'État a été revue à la baisse, ndlr). Autre chose très importante, c'est la suppression du stage obligatoire de préparation à l'installation, tel qu'il s'appelait. Je vois des artisans qui ne s'en sortent pas car on ne leur a jamais expliqué la comptabilité, les RH, l'administration, la communication, etc. Une entreprise artisanale a besoin d'être accompagnée ! 

*Source : CMA.

L'artisanat en région

- 133 038 entreprises

- 22 entreprises pour 10 000 habitants

2 grands secteurs : services (42%) et bâtiment (35%)