Artisanat

À Corbie, la brasserie Picardennes affirme son caractère

Installée depuis 2010 à Corbie, la brasserie Picardennes imaginée par Laurent Lepère et Christophe Podigue accueille chaque année le grand public. Mais elle se transforme aussi en exercice pratique grandeur nature pour les étudiants.

Laurent Lepère a fondé Picardennes avec Christophe Podigue (© Aletheia Press / DLP)
Laurent Lepère a fondé Picardennes avec Christophe Podigue (© Aletheia Press / DLP)

Originaire des Ardennes, Laurent Lepère a commencé à brasser au hasard d’une rencontre, avant de parfaire sa technique au sein d’une association. Après un licenciement économique, l’amateur éclairé se pose la question de son avenir professionnel. Il décide de conjuguer activité professionnelle salariée tout en mûrissant le projet d’ouvrir une brasserie artisanale. 

« Avec l’accord de la DRH, j’ai envoyé un mail à toute la structure pour trouver des volontaires pour tester mes brassins. J’avais fait un questionnaire très détaillé sur le goût, le prix, la distribution… Au départ ce n’était pas du tout ça et puis petit à petit on est arrivé à quelque chose d’intéressant », sourit-il.

Même s’il possède de solides bases en matière de brassage, Laurent Lepère préfère suivre un cycle complet de formation dans l’Est autour de la création d’entreprise, le brassage et le risque bactériologique avant de se lancer. 

« Il n’existe pas de diplôme, tout le monde peut être brasseur, ce qui peut nuire à l’image de la brasserie artisanale à qui l’on peut reprocher de manquer de qualité », souligne celui qui a entrepris un état des lieux de la profession avant de s’installer. 

« Lorsque j’ai regardé une carte de France en 2010, j’ai compté environ 330 brasseries artisanales, aujourd’hui, nous sommes environ 3 000 », poursuit-il. Il rencontre Christophe Podigue, son futur associé à l’occasion d’une formation. « Au moment du tour de table, chacun disait où il avait l’intention de s’implanter, nous étions deux à évoquer la Picardie, nous avons donc décidé de faire quelque chose ensemble », se souvient Laurent Lepère.

La Mascotte a reçu de nombreux prix. © Aletheia Press/ DLP

« Il faut de la stabilité et de l'équilibre »

En 2011, ils établissent la brasserie Picardennes – contraction de Picardie et des Ardennes - à Corbie, la zone de chalandise la plus intéressante d’après leurs recherches. Là, ils proposent la Mascotte, une bière qui se décline en blonde, blanche, ambrée et brune. 

« Il faut savoir innover mais pas trop. Dans un premier temps il est important de proposer des choses classiques, d’avoir une bonne assise. Ensuite on peut faire dans l’originalité », détaille le brasseur qui s’évertue à être rigoureux et régulier, deux qualités essentielles selon lui pour élaborer des produits de qualité. 

« Il faut de la stabilité et de l’équilibre. Certains brasseurs font une bière qu’ils aiment, mais selon moi il faut faire avant tout quelque chose qui va plaire aux consommateurs, ce sont eux qui vont acheter votre produit », pointe-t-il.

Patiemment Picardennes se construit un solide réseau de distribution en nouant des partenariats avec des restaurateurs, des épiceries fines ou encore des magasins dédiés aux produits locaux. Une stratégie payante puisque la Mascotte conquiert le grand public, remporte des prix et intègre le réseau Terroir de Picardie. 

« C’est une vraie reconnaissance », reconnaît Laurent Lepère. Avant de temporiser : « Il y a de grands mouvements chez les consommateurs, les goûts évoluent, les modes changent. Les plus jeunes vont chercher des bières fortes pouvant aller jusqu’à 9 ou 11 degrés alors qu’à l’opposé, il y a aussi une tendance qui se développe vers de la bière très peu alcoolisée, voire pas du tout. Il y aussi un gros marché sur le sans gluten ou l’IPA. Il faut faire attention à ne pas se laisser dépasser », note celui qui fournit les Médiévales d’Amiens et de Château-Thierry. 

Outre la vente aux professionnels et aux associations, Picardennes répond également à des demandes de création de bières à façon et à créé une seconde gamme, la Caroline, à destination de la grande distribution.

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

Partager son savoir-faire

Privilégiant un produit artisanal de qualité, non filtré et non pasteurisé, Laurent Lepère avait déjà l’habitude de faire de la pédagogie auprès de ses clients. Une expertise qu’il a décidé, avec Christophe Podigue, de partager avec le grand public. 

D’abord approchés par l’Office de tourisme du Val de Somme, les deux associés ont accueilli dans un premier temps des groupes toutes les semaines avant de ralentir le rythme pour ouvrir finalement leurs portes une fois en juillet et une seconde en août à des groupes de 25 personnes maximum. 

« Généralement la visite se fait en 2 h/ 2 h 30 avec une dégustation à la fin. On parle de la création de Picardennes, de notre travail de brasseur… La première fois ce n’est pas évident, on part un peu dans tous les sens, ensuite, on sait ce qui intéresse ou non les gens », dit encore Laurent Lepère.

Picardennes accueille le grand public mais aussi des étudiants. ©Aletheia Press/ DLP

En plus des CE et des visites de clients professionnels, Picardennes sert également d’exercice pratique à des étudiants suivant un cours autour de la création d’entreprise ou issus du lycée agricole du Paraclet. 

« Là, on est plus du tout sur du grand public, avec le Paraclet on décortique tous les ingrédients, on va vraiment au fond des choses, avec des sessions qui peuvent durer cinq ou six heures. Pareil avec les apprentis entrepreneurs, là on aborde le fonctionnement de l’entreprise, les investissements, la gestion... Il faut casser quelques idées reçues, mais ils ont parfois des questions très complexes, c’est très intéressant », sourit-il.