Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024
« Une immense occasion manquée » pour le zéro déchet
Les organisateurs des Jeux olympiques et paralympiques avaient proclamé une ambition « zero déchet ». Pour l'association Zéro Waste, on est très loin du compte. Un véritable gâchis, alors que les jeux auraient pu avoir valeur d'exemple et faire avancer cette cause. Trois questions à Bénédicte Kjær Kahlat, responsable des affaires juridiques de Zéro Waste France, association écologiste.
La Gazette : « Zéro déchet et zéro plastique à usage unique » proclamait « Notre engagement pour Paris 2024 » du Cojo, Comité d'organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024. Vrai ?
Kjær Kahla : Nous en sommes très loin... Initialement, le Cojo avait fait ces grandes déclarations, mais le discours initial s'est très largement atténué. En novembre dernier, il a annoncé un objectif de division par deux des emballages plastiques à usage unique par rapport aux Jeux de Londres de 2012....Les révélations du journal l’Équipe, en avril dernier, sont peut-être à l'origine de cette volte-face : il a révélé que des bouteilles de plastique ou en verre allaient être distribuées gratuitement aux athlètes et aux arbitres. Or, la loi AGEC [ Anti-gaspillage pour lune économie circulaire], qui fixe des objectifs de réduction des plastiques, interdit cette pratique. Elle impose aux ERP, établissements recevant du public, d'être équipés de fontaines d'eau en libre accès. En matière de distribution gratuite d'eau, le texte prévoit certaines exemptions très encadrées. Le comité organisateur a avancé l'argument de santé publique. Il nous semble de très mauvaise foi : la France n'a pas de problème d'eau potable.
La distribution de bouteilles aux sportifs est-elle la seule pratique problématique ou est-ce l'arbre qui cache la forêt ?
Ce mois de juin, une autre révélation a fuité : la distribution de boissons payantes au public ne sera pas réalisée à partir de fontaines, mais de bouteilles ! C'est autant de déchets en plus. Et même s'ils sont collectés, ils devront être traités ce qui représente un coût écologique. Par ailleurs le Cojo met en avant le fait que les spectateurs disposeront d'éco-cups. Ces gobelets sont supposés être réutilisables lors d'autres événements, mais pour que ce soit réellement le cas, il faudra qu'ils soient standards, visuellement neutres et non à effigie des Jeux. Autrement, l'objet devient un goodie que l'on ramène à la maison. En outre, nous avons une autre crainte : de manière générale, lors des grands événements -sportifs et autres-, on voit ressurgir des pratiques interdites, comme le recours à des gobelets de plastique. De manière empirique, c'est ce que nous avons observé dans les bars aux alentours des stades, lors de la Coupe du monde de rugby.
Quel regard portez-vous sur ces Jeux du point de vue de la cause que vous portez ?
C'est une immense occasion manquée. A l'occasion de cet événement qui a une résonance mondiale, la France aurait pu montrer qu'une autre voie était possible, qu'il était possible de généraliser des pratiques qui existent déjà. Des épreuves de tennis, notamment, se déroulent avec des gourdes. Rappelons que la France a pris des engagements forts : d'ici six ans, par exemple, nous sommes supposés avoir divisé par deux le nombre de bouteilles en plastique mises sur le marché. Mais la manière dont ces jeux sont organisés est incompatible avec ces engagements. Il y a d'ailleurs une certaine ironie à constater que le partenaire de ces jeux initialement annoncés comme « zéro déchet » est Coca-Cola, le plus grand pollueur plastique du monde, selon le collectif Free From Plastic, dont Zéro Waste est partenaire.