Un nouveau président
Présidée par Marc Villain, l’audience solennelle du tribunal de commerce d’Arras s’est déroulée le 12 janvier, en présence d’André Lourdelle, procureur de la République d’Arras, et des représentants des autorités politiques, civiles, administratives, judiciaires et universitaires. Quatre nouveaux juges ont été installés.
Nouveau président, 71 ans, centralien, ancien dirigeant dans de grands groupes industriels (Roquette, Béghin), Marc Villain a succédé à Jean-Pierre Bekaert, atteint par la limite d’âge imposée par la loi. Conformément au Code de l’organisation judiciaire, il lui revenait d’exposer l’activité de la juridiction au cours de l’année écoulée. Il en a souligné quelques tendances. «Sur la lancée du 2e semestre 2016, 2017 a vu diminuer le nombre de déclarations de cessation de paiement, baisse notable au cours du 1er semestre, alors que la fin d’année a enregistré quelques défaillances d’entreprises de taille plus importante. Ces difficultés ont essentiellement affecté des entreprises opérant dans le secteur des équipements, qu’ils soient du secteur industriel ou du secteur du marché de l’habitat particulier ou collectif.» Et de poursuivre : «Le tissu économique semble plus sain, tout en présentant encore des signes de fragilité, notamment au niveau de la reconstitution des marges des entreprises. Sans doute portée par la promesse de reprise, l’activité économique s’est un peu normalisée, se traduisant par une baisse sensible de l’ordre de 25% du nombre d’injonctions de payer ainsi qu’une légère baisse des inscriptions de privilèges et nantissements.» Le président constate que les formalités du registre du commerce sont restées stables en nombre, signe d’une consolidation des entreprises existantes plus que d’une reprise de la création d’entreprise. Le tribunal a été particulièrement actif dans le domaine de la prévention des difficultés des entreprises. Les trois juges chargés de la prévention ont conduit de nombreux entretiens confidentiels avec les dirigeants d’entreprises présentant des signes de difficultés financières (fonds propres négatifs, inscriptions de privilège, nombreuses injonctions de payer, etc.). Suite à ces entretiens ou de leur propre initiative, ces dirigeants ont sollicité l’ouverture de procédures de négociation (conciliation ou mandat ad hoc). Par ailleurs, la récente mise en œuvre par la Région Hauts-de-France du fonds de premier secours en liaison avec les présidents des tribunaux de commerce vise à assurer une aide transitoire aux entreprises sous forme de prêt lors d’accidents de trésorerie. Dans le domaine des procédures de contentieux, «le développement des modes alternatifs de résolution des différends demeure une priorité de notre juridiction. Son acceptation par les parties n’est pas toujours évidente, certaines considérant qu’un délibéré de trois juges est plus à même de les satisfaire que la conciliation à laquelle elles participeraient pourtant activement».
«Le tissu économique semble plus sain, tout en présentant encore des signes de fragilité»
La formation des juges
Le tribunal attache une attention particulière à la formation des juges – les dispositions nouvelles de la loi leur en font l’obligation avant leur prise de fonction –, puis à la formation continue tout au long de leurs mandats successifs. Ainsi, depuis quelques années, chaque juge a la possibilité d’assister à une audience de la cour d’appel de Douai siégeant en chambre commerciale avec assistance au délibéré. «C’est une opportunité intéressante et particulièrement formatrice que de confronter les points de vue des magistrats de cour d’appel à ceux des juges consulaires.» Un plan de formation sera mis en œuvre en 2018 pour accompagner les juges du tribunal. L’aide du ministère public, «avec lequel nous entretenons des rapports constructifs et cordiaux dans la difficile mission des procédures collectives», est appréciée, ainsi que «la rapidité de réponse lors des urgences en matière de traitement des difficultés des entreprises». Le président évoque les conséquences de la décision prise en matière de limite d’âge des juges consulaires dans le cadre de la loi «J21» de modernisation de la justice du XXIe siècle. «Fixée maintenant à 75 ans, cette limite va accélérer le départ des juges avant qu’ils ne puissent épuiser la suite des mandats possibles. Elle va profondément affecter le développement de la courbe d’expérience des juges qui ne prennent, en majorité, la pleine mesure de leur fonction qu’à partir de la troisième année, avant laquelle ils ne peuvent pas accéder aux fonctions de juges des référés ou des procédures collectives.» Ainsi, compte tenu de l’allongement de la vie professionnelle, il est difficile de recruter des femmes et des hommes encore actifs professionnellement pour faire un parcours complet de 14 ans. Les premières années peuvent décourager les juges peu expérimentés face à la charge de travail. «Nous devons nous adapter pour mieux les accompagner et développer les qualités nécessaires à l’exercice de leur fonction.» Occasion pour le président de rendre un hommage appuyé aux juges et à ses prédécesseurs, plus particulièrement à Jean-Pierre Bekaert, et de les remercier pour le travail qu’ils accomplissent. «Ce que nous faisons tous au sein de ce tribunal s’inscrit aussi dans notre ambition de participer, avec les autres acteurs du monde judiciaire, au renforcement de l’image et du rôle des tribunaux de commerce.»
La mission du tribunal de commerce et de ses juges
Après avoir rappelé que «l’objectif premier de ce tribunal est de rendre une justice de qualité qui prenne en compte les spécificités du monde économique, en premier lieu le respect du temps de l’entreprise, le président cite Michel de l’Hospital, fondateur du tribunal de commerce de Paris en 1563 : «Prenez garde, quand vous viendrez au jugement, de n’y apporter point d’inimitié, ni de faveur, ni de préjudice. Si vous ne vous sentez pas assez fort pour commander vos passions et aimer vos ennemis, (…) abstenez-vous de l’office de juger.» Pour conclure : «Ce propos peut servir de guide de déontologie pour tous nos juges tellement il est encore surprenant d’actualité.»