Tribunal de commerce : la prévention, ça existe aussi !
Le 25 février, à la faculté de droit, les chefs d’entreprise sont invités à découvrir le visage moins «répressif» de la juridiction consulaire et des «outils», mal connus, qui permettent parfois d’éviter la cessation de paiement.
Le colloque du 25 février, organisé par le tribunal de commerce de Valenciennes, tient à mettre en lumière les outils juridiques − en particulier «l’entretien de prévention» − qui peuvent permettre à un chef d’entreprise en difficulté d’éviter le pire. Le pire qui commence, parfois, avec la déclaration de cessation de paiements.
Comme l’a dit le procureur de la République, François Pérain, lors de l’audience solennelle de rentrée de ce même tribunal, en faisant allusion à ce colloque : «Le but du colloque est de faire connaître les prérogatives du tribunal en matière de prévention. Beaucoup de chefs d’entreprise en difficulté craignent de se tourner vers la juridiction consulaire. Et quand finalement ils se décident à faire une telle démarche, c’est bien souvent trop tard et l’inexistence de leur fonds de roulement rend la liquidation judiciaire inévitable. Ce colloque aura donc pour objectif de donner de la justice consulaire une image plus exacte et plus apaisée.»
Un dispositif mal connu. Quel est le sujet ? Les chefs d’entreprise connaissent peut-être, déjà, la cellule de veille de la préfecture ou les permanences du CIP, le Centre d’information et de prévention des difficultés des entreprises. Il en existe un pour le Grand-Hainaut, hébergé par la CCI. Les chefs d’entreprise, rappelons-le, y sont reçus à titre individuel, de façon anonyme et gratuite, par un avocat, un ancien juge du tribunal de commerce, un expert-comptable…
Le colloque, lui, entend décrire un autre dispositif préventif, mis en œuvre, lui, par une juridiction qui dispose d’un pouvoir décisionnel. Quatre des participants à cet événement ont expliqué, lors d’une récente présentation, la stratégie préventive développée depuis quelques années par le tribunal de commerce de Valenciennes. Il s’agit de Christophe Delattre, vice-procureur, Arnauld Renard, greffier, Serge Moreau, président du tribunal de commerce, Michel Duquenne, juge. Ils ont insisté sur leurs particularités. D’abord, ils connaissent, via le greffe, toutes les informations financières et juridiques sur les entreprises. Elles sont autant de signaux d’alerte. Ensuite, disent-ils, un chef d’entreprise − à sa demande (une fois sur cinq) ou convoqué par le président sur la base des informations en question (quatre fois sur cinq) − peut être reçu dans les 24 heures, c’est-à-dire dans l’urgence. Enfin, ils soulignent le côté bénévole de ces missions prévues par la loi.
Les chefs d’entreprise n’osent pas. Tous les quatre constatent que les commerçants, artisans, patrons de PME, mais aussi de TPE et de plus grosses entreprises ont souvent du mal à tirer le signal d’alarme ou à se reconnaître en péril. Tous n’ont pas, il est vrai, un service juridique ou une connaissance des rouages complexes et changeants du droit, voire le sang-froid nécessaire. D’autant que la justice commerciale − où cohabitent magistrats professionnels, issus du monde judiciaire, et magistrats consulaires, issus quant à eux du monde économique − n’a pas toujours non plus bonne presse.
La mise en redressement, on le sait, peut sauver une entreprise, mais elle reste douloureuse pour le chef d’entreprise et nuisible à la réputation de sa société. Quant à la liquidation, elle entraîne en général la disparition à la fois des emplois et de l’outil de travail… De quoi avoir peur, mais d’où l’intérêt aussi de la prévention.
Tous les quatre disent comprendre ces moments de solitude, de honte ou de panique à la vue d’un découvert bancaire, d’un huissier, d’une lettre recommandée, ou face à un rachat qui se passe mal ou à une trésorerie malmenée par des factures qui ne rentrent pas.
Ce qu’ils appellent «l’entretien de prévention» est donc là pour créer un moment d’écoute confidentiel, dans le calme, autour des différents choix juridiques qui s’offrent à un chef d’entreprise en difficulté. «Notre but, explique M. Delattre, vice-procureur, mais qui enseigne aussi à l’École nationale de la magistrature, c’est d’éviter la cessation de paiement, le déni, la politique de l’autruche ; c’est d’anticiper… On est là pour éviter que le passif ne se dégrade davantage.»
Et après ? Sur quoi débouche l’entretien de prévention ? Il serait trop long et trop complexe d’entrer dans les détails, mais les représentants du tribunal insistent sur le fait qu’un chef d’entreprise (de bonne foi bien sûr) qui demande à les voir ou les rencontre lors d’une convocation urgente repart avec des pistes et des décisions à prendre. Mais s’il ne fait rien, le ton change et la justice sort alors de ce rôle préventif.
Parmi les dispositifs préventifs s’offrant au chef d’entreprise, citons la conciliation amiable possible, le mandat ad hoc (qui ouvre à des soutiens, expertises, négociations avec les créanciers de l’entreprise), une démarche à faire auprès de ses conseils (avocat, expert-comptable). On peut noter que la procédure de sauvegarde entre aussi dans la prévention, si toutefois le passif peut être sauvé.
C’est donc tout cela qui sera expliqué lors de ce colloque pédagogique qui se déroulera, d’ailleurs, à la faculté de droit de Valenciennes.
Note : Colloque «Prévention des difficultés des entreprises», le jeudi 25 février, de 16h à 19h, à la faculté de droit Les Tertiales, amphi A, rue des Cent-Têtes à Valenciennes (juste à côté du Phénix). Entrée gratuit.
Des chiffres sur l’activité 2015
Le 12 janvier, lors de l’audience de rentrée du tribunal de commerce de Valenciennes, événement très solennel qui fait, également, un bilan de l’année judiciaire écoulée, des chiffres ont été donnés. Christophe Delattre tient à y relever que le nombre des entretiens de prévention (168) est en hausse de 57% ; que les saisines du tribunal par le ministère public ou Parquet (67) le sont également, de 11,67 % ; que le nombre des procédures ouvertes (452, de sauvegarde, redressement ou liquidation) accuse une baisse de 1,95%. Ce dernier chiffre pourrait donner à commenter que l’idée de prévention fait son chemin.
Ce jour-là, Serge Moreau, président du tribunal, a donné d’autres chiffres : 8 000 décisions prises ; 501 affaires nouvelles enregistrées et 521 jugements rendus ; 239 affaires en cours au 31 décembre 2015, «soit moins de six mois de stock» ; 60 arrêts de la cour d’appel de Douai concernant des recours sur des décisions du tribunal (46 arrêts ont confirmé totalement ou partiellement la décision du tribunal, 5 arrêts ont infirmé sa décision, et le solde était constitué de décisions d’irrecevabilité, de caducité ou de péremption d’instance).
Autres chiffres : 452 procédures collectives en 2015 contre 461 l’an passé, soit une diminution de 1,95%. Avec 1 procédure de sauvegarde, 131 procédures de redressement judiciaire, 320 procédures de liquidation judiciaire immédiates. Ces procédures ont concerné 1 275 salariés contre 1 836 l’an passé et 1 749 en 2013. Le tribunal a arrêté cette année 47 plans de sauvegarde et de redressement, ainsi que 8 plans de cession.