Travail : le point sur les dernières mesures
Cinq ordonnances du 1er avril 2020, prises en application de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence sanitaire, intéressant directement le droit du travail, ont été publiées au Journal Officiel. Ces textes ont un aspect pratique qu’il ne faut pas négliger. Explications.
Les missions des médecins du travail recentrées
L’ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 a pour objet d’aménager les conditions d’exercice par les services de santé au travail de leurs missions. Elles vont se recentrer temporairement sur :
– la diffusion des messages de prévention contre la propagation du Covid-19 ;
– l’appui aux entreprises dans la mise en oeuvre des mesures de prévention adéquates (notamment, les guides métier par métier du ministère du Travail) et l’accompagnement de celles amenées à accroître ou adapter leur activité ;
– la prescription d’arrêts de travail en lien avec le Covid-19 et le dépistage des salariés contaminés ;
– les visites d’embauche pour des salariés affectés à des postes à risques ou qui présentent des facteurs de vulnérabilité.
Un décret en Conseil d’État doit préciser les dérogations provisoires qui vont être mises en place dans ce cadre.
Versement de la prime exceptionnelle : 1 000 ou 2 000 euros ?
Les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) sont assouplies, par rapport à celles fixées par l’article 7 de la loi du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui exigeait un accord d’intéressement (Ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020).
Désormais, trois situations doivent être retenues :
– l’entreprise, qui dispose déjà d’un accord d’intéressement a déjà versé la prime Macron «classique» de 1 000 euros maximum cette année. Dans ce cas, la société pourra verser une deuxième prime de 1 000 euros maximum ;
– l’entreprise n’a pas encore versé la prime Macron «classique» et/ou ne dispose pas d’accord d’intéressement. Dans ce cas, le montant de la prime ne pourra dépasser 1 000 euros ;
– l’entreprise n’a pas encore versé la prime Macron «classique» et elle dispose d’un accord d’intéressement. Dans ce cas de figure, le montant de la prime pourra atteindre 2 000 euros maximum.
La date limite pour conclure un accord d’intéressement est reportée au 31 août 2020 (contre le 30 juin 2020 initialement). De même, pour la date limite de versement de la prime Macron.
Qui plus est, elle peut être versée en plusieurs fois.
Pour récompenser plus spécifiquement les salariés employés pendant l’épidémie de Covid-19, un nouveau critère de modulation du montant de la prime peut être retenu par l’accord collectif ou unilatéralement par l’employeur : les «conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19».
Enfin, on relèvera que les accords d’intéressement conclus entre le 1er janvier 2020 et le 31 août 2020 peuvent porter sur une durée comprise entre un et trois ans.
Mesures en matière de formation professionnelle
L’ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 :
– permet la prolongation des contrats d’apprentissage et de professionnalisation, pour tenir compte de la suspension de l’accueil des apprentis et des stagiaires par les centres de formation d’apprentis (CFA) et les organismes de formation depuis le 12 mars 2020 ;
– porte de trois à six mois la durée pendant laquelle un jeune peut rester en formation dans un CFA, dans l’attente de la conclusion d’un contrat d’apprentissage ;
– diffère jusqu’au 31 décembre 2020 au plus tard, la réalisation des entretiens d’état des lieux du parcours professionnel ;
– adapte les modalités relatives à la validation des acquis de l’expérience (VAE) : possibilité, notamment, de validation à distance ;
– et reporte au 1er janvier 2022 les échéances fixées par la loi en matière de certification qualité et d’enregistrement des certifications et des habilitations dans le répertoire spécifique.
Mesures relatives aux instances représentatives du personnel
L’ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 permet notamment la suspension immédiate de tous les processus électoraux en cours dans les entreprises à la date de publication de l’ordonnance. Cette suspension produit, par principe, ses effets à compter du 12 mars 2020. Elle affecte l’ensemble des délais du processus électoral : tant ceux impartis à l’employeur que les délais de saisine de l’autorité administrative ou du juge, en cas de contestation, et ceux dont dispose l’autorité administrative pour rendre une décision. La suspension du processus électoral entre le premier et le deuxième tour, lorsqu’il doit être organisé, ne remet pas en cause la régularité du premier tour, quelle que soit la durée de la suspension.
Les employeurs qui doivent engager le processus électoral devront le faire dans un délai de trois mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Sont concernés, d’une part, ceux dont l’obligation d’engager le processus électoral naît après l’entrée en vigueur de l’ordonnance et, d’autre part, les employeurs qui, bien qu’ayant l’obligation de le faire, n’ont pas engagé le processus électoral, avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
Le texte prévoit aussi des garanties importantes concernant le statut et la protection des représentants du personnel dans l’exercice de leurs mandats, pendant la période de mise en œuvre différée des processus électoraux : à ce titre, en premier lieu, les mandats en cours des représentants élus des salariés sont prorogés jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles. Ensuite, la protection spécifique des salariés candidats et des membres élus de la délégation du personnel du CSE (Comité économique et social), titulaires ou suppléants, ou représentants syndicaux au CSE, notamment en matière de licenciement, est prorogée jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles
Les CSE pourront désormais se réunir par de nouveaux moyens : la visioconférence (jusqu’à présent limitée à trois fois par an), l’audioconférence et même la messagerie instantanée.