«Tout existe, mais ce n'est pas encore assemblé»

Quatre mois après son intronisation, le nouvel homme fort de l’Intercommunalité dresse un état des lieux des quelque 100 communes qui, avec 280 000 habitants, composent la deuxième agglomération des Hauts-de-France après Lille.

Olivier Gacquerre préside la communauté d'agglomération depuis quatre mois
Olivier Gacquerre préside la communauté d'agglomération depuis quatre mois

Le 24 novembre, Olivier Gacquerre, élu en juillet président de la communauté d’agglomération de Béthune-Bruay Artois-Lys romane, a rencontré la presse pour la première fois, au siège de l’Intercommunalité. Le nouveau dirigeant est déjà maire de Béthune depuis 2014. «Depuis la rentrée, je suis le VRP du territoire. J’ai établi des constats avec mes quatre vice-présidents , a-t-il déclaré d’emblée. Première remarque : «Nous avons un problème de positionnement et d’identité. L’Agglo n’est pas assez connue malgré un fort potentiel. Nous n’avons pas encore mis nos histoires en commun.» Et de poursuivre : «Nous vivons de plein fouet la désindustrialisation avec la perte de 15 000 emplois par an.» L’occasion d’évoquer l’après-Bridgestone (voir encadré).

«Aimanter» Lille

Tout au long de sa prise de parole, le nouveau président n’a pas caché son ambition de se rapprocher intelligemment du modèle lillois. «Jadis, Lille voulait attirer des Parisiens. Aujourd’hui nous voulons ‘aimanter’ des Lillois. Le nouvel enjeu est de se connecter à Lille, mais comment ?» Et de citer le rapprochement de Lens et Arras depuis la récente mise à deux voies de la RN17. Pour autant, une rocade entre Béthune et La Bassée, pour se rapprocher de Lille, ne serait pas la panacée : «Il faut trouver une alternative innovante à la voiture. On peut s’orienter vers le transport en commun, à la manière de Daniel Percheron qui créa les RER.» Olivier Gacquerre pousse même le trait en souriant : «Pourquoi pas un téléphérique pour rallier la capitale des Flandres ?» Pour le nouveau président de la Communauté d’agglomération, «la métropole lilloise a besoin de nous, notamment car elle n’a plus de foncier».
Il a aussi été question de mutualiser moyens et services, suivant le sacro-saint modèle de décentralisation lillois : «Comparé à eux, on est des nains dans les sables mouvants et on meurt doucement !» Ce qui soulève des questions… mais n’amène pas encore forcément des réponses. Pourquoi avoir un service communication dans chaque institution du territoire ? Et si on créait un pôle de secrétaires de mairie ? «Les deux tiers de nos communes (ndlr : 62) ont moins de 2 000 habitants. Imaginez le drame quand une employée municipale est soudain absente. J’admire ces maires qui galèrent sans faire parler d’eux.»

«Halte au gaspi !»

Le président a aussi mis l’accent sur la bonne utilisation de l’argent public : «Il manque 6,5 M€ pour boucler le prochain budget. On ne peut plus se permettre de dépenser des fonds pour un projet sans réfléchir aux recettes.» Et de citer en exemple l’implantation, en 2013, de la piste de ski Loisinord sur un ancien terril, à Nœux-les-Mines : «Chaque jour, cette installation coûte 5 000 euros à la collectivité et en ramène 1 000. En plus, il n’y a pas d’ancrage local.» Il a aussi été question du projet avorté de la construction de la piscine de Bruay-la-Buissière. «Le maire a changé d’avis et je respecte sa décision. La commune a déjà perçu 900 000 euros pour cette réalisation. C’est donc une avance pour ses projets à faire financer par l’Intercommunalité.» Quid des autres infrastructures : conservatoire, piscine, dojo pour la pratique des arts martiaux ? «Il faut mettre les équipements en réseau. Côté gestion, la délégation de service public doit parfois être privilégiée à la régie. On ne sait pas tout faire.»

Contrairement à la métropole lilloise, le Béthunois, grâce à son foncier disponible, peut encore accueillir des zones d’activités économiques. © ACT’STUDIO

Tourisme fluvial

Côté loisirs, le nouvel exécutif veut faire la part belle au tourisme fluvial. «Il s’agit d’aménager nos 46 km de halage.» Des contacts ont d’ailleurs été pris avec Voies navigables de France. Revenant sur la réserve foncière du territoire, Olivier Gacquerre est favorable au développement de zones d’activités économiques : «Nous devons proposer des projets clés en main à des investisseurs.» Pour financer ces réalisations, le président a une idée : «vendre d’anciens bâtiments payés et amortis. Louer n’est pas notre métier. Faire du cash financera les futures implantations». Les recettes seront aussi destinées à faciliter l’arrivée de la 5G dans ces lieux : «Les opérateurs de téléphonie ne sont pas très chauds pour investir dans les ZA. On peut les aider. Tout existe, mais ce n’est pas encore assemblé.» Le président rencontrera les maires le 17 décembre. Objectif : élaborer un pack



Rachat du site pour l’euro symbolique

La fermeture annoncée de Bridgestone à Béthune, il y a deux mois, et l’avenir du site ont bien sûr été abordés. L’usine de pneus, qui devait fêter ses 60 ans l’an prochain, emploie 862 personnes. A ce jour, la direction estime le prix des machines à 29 M€ et celui du bâti à 19 M€. L’Agglo pourrait être candidate à la reprise du site mais pour l’euro symbolique, ce qui est loin d’être acquis, d’autant que des accords de confidentialité bloqueraient les négociations. Si le projet de reprise aboutissait, le président Gacquerre se dit «prêt à tout étudier. On pourrait remplacer une usine de 900 personnes par plusieurs de 50 employés». Affaire à suivre…