Sous la pression des autorités, Glovo va salarier ses livreurs en Espagne
Au terme d'un long bras de fer avec les autorités, la plateforme de livraison à domicile Glovo a annoncé lundi changer de modèle économique en Espagne, où ses coursiers, qui exerçaient jusque-là comme travailleurs...
Au terme d'un long bras de fer avec les autorités, la plateforme de livraison à domicile Glovo a annoncé lundi changer de modèle économique en Espagne, où ses coursiers, qui exerçaient jusque-là comme travailleurs indépendants, disposeront désormais de contrats de travail.
"La direction de Glovo a décidé de passer d'un modèle" reposant sur des "travailleurs indépendants à un modèle basé sur le salariat pour ses prestataires en Espagne", a annoncé lundi dans un communiqué l'actionnaire majoritaire de Glovo, le groupe allemand Delivery Hero.
Ce changement de modèle met un terme à l'"incertitude juridique" entourant ses activités, selon le communiqué. Il sera "limité aux activités de Glovo en Espagne" et "devrait avoir un impact d'environ 100 millions d'euros" sur le revenu brut d'exploitation de l'entreprise en 2025, ajoute-t-il.
Cette annonce survient alors que le fondateur et patron du groupe catalan, Oscar Pierre, est convoqué mardi devant un juge d'instruction du tribunal de Barcelone, qui l'a mis en examen pour de possibles pratiques contraires au droit du travail espagnol, selon une source judiciaire.
Glovo est également visé depuis vendredi par une plainte du groupe anglo-néerlandais Just Eat: ce dernier, qui salarie depuis plusieurs années ses livreurs espagnols, l'accuse de "concurrence déloyale" et lui réclame 295 millions d'euros de dommages et intérêts, selon un communiqué.
Lourdes amendes
Fondé à Barcelone en 2014, Glovo est aujourd'hui présent dans 25 pays et dans près de 1.500 villes, selon son site internet. En Espagne, il travaille actuellement avec près de 15.000 personnes, en grande majorité sous statut indépendant, selon une porte-parole de l'entreprise.
Racheté en juillet 2022 par le livreur allemand de repas à domicile Delivery Hero, le groupe catalan était engagé depuis plus de trois ans un bras de fer judiciaire avec le gouvernement de gauche espagnol, qui lui reprochait d'enfreindre la réglementation du pays.
Le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez a en effet fait adopter en mai 2021 une réforme du code du travail afin d'introduire une "présomption de salariat" pour tous les coursiers utilisant les applications de livraison, comme Uber Eats, Glovo ou Deliveroo.
Ce texte pionnier, baptisé "loi Rider", a entraîné l'embauche de milliers de coursiers dans le pays, jusqu'alors considérés comme "indépendants". Mais il s'est également heurté aux réticences de plusieurs plateformes, dont Glovo, accusée de contourner la réforme.
Après l'adoption de cette loi, le groupe catalan avait en effet accepté de salarier les coursiers travaillant pour ses supermarchés en ligne, mais pas ses livreurs de repas, auxquels il avait proposé un nouveau statut censé renforcer leur autonomie.
Cette décision avait conduit le gouvernement espagnol à infliger deux lourdes amendes à la plateforme de livraison, via l'inspection du travail, pour un montant global de 205 millions d'euros. Des sanctions que le groupe catalan a décidé de contester en justice.
Enfin
"Enfin, cette entreprise va régulariser" ses livreurs "et respecter ses obligations", s'est félicitée depuis Bruxelles la ministre communiste du Travail Yolanda Diaz, à l'origine de la "loi Rider". "Aucun groupe technologique, aussi grand soit-il", ne peut "s'assoir sur la démocratie", a-t-elle insisté.
Glovo, qui a envoyé lundi matin un message à l'ensemble de ses coursiers pour les avertir de ce futur changement de régime, a précisé que des discussions allaient être engagées "avec les partenaires sociaux" pour définir les modalités de ce nouveau régime. "Glovo va continuer à parier sur l'Espagne", a promis l'entreprise dans un communiqué.
Le changement de modèle de Glovo a entraîné une forte chute du titre de Delivery Hero, qui s'affichait en baisse de 11% à la bourse de Francfort à 15H30 GMT, à 34,48 euros, les investisseurs craignant qu'il ne rogne fortement les résultats de l'entreprise.
Le statut de travailleur indépendant sur lequel les plateformes de livraison ont fondé leur modèle a été remis en cause dans un nombre croissant de pays ces dernières années. Il a par ailleurs valu de nombreuses amendes aux groupes concernés, notamment en France.
L'Union européenne s'est également emparée du sujet en adoptant le 14 octobre une directive exigeant la requalification comme salariés des personnes travaillant pour les plateformes numériques.
Mais les modalités de ces requalifications restent floues et dépendent des réglementations nationales, alors que le texte était censé mettre en place un cadre européen harmonisé.
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