Rencontre avec Olivier Camau, directeur régional de la Banque des Territoires
«Si les projets sont là, nous avons la capacité de les accompagner»
À l'heure de l'inflation et de la crise
énergétique, Olivier Camau, directeur régional de la Banque des
Territoires, l'un des cinq métiers de la Caisse des Dépôts et
Consignations, l'affirme : la banque publique dispose de fonds pour
financer des projets. Les collectivités locales ont donc tout
intérêt à investir mais sur du long terme.
L'année 2022 a suivi les mêmes
tendances que 2021 : 1,2 Md€ de prêts signés, 61 M€ investis en
fonds propres, 30 M€ engagés dans France 2030... Le moins que l'on
puisse dire, dans un contexte économique complexe, c'est que la
Banque des Territoires a joué son rôle d'accompagnateur et de
financeur des projets des collectivités locales et organismes de
logement social dans les projets d'Action cœur de Ville, d'éclairage
public, de réhabilitation, de transports en commun...
«Avec
des taux d'intérêts bas, les maires
ont longtemps emprunté sur des délais courts. Aujourd'hui, il faut
prendre conscience que la dette est plus longue mais les ressources
financières sont là. La situation financière était bonne au
sortir du Covid et à travers le Plan de Relance, elles
ont bénéficié de nombreux leviers d'investissement»
explique Olivier Camau, rappelant que la Banque des Territoires
finance des projets en mobilisant l'argent des livrets A. L'un des
principaux enjeux des collectivités : le bâti scolaire (écoles,
collèges et lycées) qui représente plus de 50% de leur patrimoine.
Répondre
aux enjeux de logement
En
2022, les prêts consentis par la Banque des Territoires ont permis
de financer la construction
de 7 911 logements sociaux neufs
(+30%) et la réhabilitation de 7 148 logements sociaux et places
d'hébergement. C'est par exemple le cas avec l'accompagnement du
bailleur social Clésence pour la construction de 91 logements à
Crépy-en-Valois (Oise).
Dans
un contexte difficile d'augmentation du coût de construction,
d'augmentation des taux et de plafonnement de l'indice des loyers,
certes les capacités d'investissement se réduisent mais «il
faut maintenir l'ambition car il y a une demande très forte».
Avec l'enjeu pour les bailleurs et la zéro artificialisation nette
des sols, de reconstruire la ville sur la ville. «Nous
les accompagnons sur le financement d'opérations de traitement des
dents creuses en zone urbaine car les coûts sont élevés.»
Avec
ses 10
000 hectares de friches,
les Hauts-de-France
sont le territoire national qui comptent le plus de ces terrains
qu'il faut voir comme des atouts.
La
Banque des Territoires est aussi allée vers des secteurs d'activités
qu'elle ne couvrait pas jusqu'alors : elle est intervenue à hauteur
d'1,5 M€ sur la levée de fonds d'Euratechnologies (24 M€ en juin
2022) et plus spécifiquement pour soutenir la filière de la
cybersécurité. Ou encore de l'entreprise Posos (80), qui développe
une solution de recommandation de prescriptions médicamenteuses.
La
banque publique a aussi beaucoup investi sur l'implantation des
gigafactories : 70 M€ en fonds propres aux côtés d'Envision, 130
M€ auprès de Verkor... «Ce
sont des enjeux stratégiques de souveraineté industrielle. Le
virement de la filière automobile thermique vers l'électrique est
essentiel».
L'eau,
cette denrée rare devenue prioritaire
Parmi les projets portés par la Banque des Territoires en région, une prédominance sur les sujets liés à l'eau : «Il est indispensable d'avoir une meilleure gestion de cette ressource non infinie. Dans les Hauts-de-France, on accuse un retard sur le ré-investissement des enjeux de l'eau, qu'on a trop laissés de côté. Au rythme actuel, si on veut renouveler les infrastructures, il faudrait 150 ans...» Un quart de l'eau qui passe par les réseaux – souvent bien trop vieillissants et en mauvais état – est tout simplement perdu.
La
Banque des Territoires va donc lancer une plateforme pour mieux
accompagner les élus sur ces enjeux cruciaux : «de
nombreuses communes ont des problèmes de qualité de l'eau. Si elles
n'ont pas l'ingénieure, c'est à nous de les accompagner. Certes on
accompagne les gros projets mais on finance aussi le réservoir d'eau
potable d'une petite commune»
souligne Olivier Camau.
L'enjeu est donc à l'accélération, notamment du côté des EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale) qui en ont la compétence. «Nous allons les aider en co-finançant de l'ingénierie pour établir des diagnostics sur les besoins de travaux» poursuit-il. À l'échelle nationale, ce sont 15 M€ qui seront injectés sur ces questions, dont entre 10 et 12% pour les Hauts-de-France. «C'est un chiffre. Si les projets sont là, on va les accompagner car nous avons la capacité de le faire». Le message est on ne peut plus clair.