Législation
Revue de récentes décisions de l’Inpi en matière de droit des marques
Lorsque l’on dépose une marque, toute personne titulaire d’une marque antérieure peut s’y opposer administrativement devant l’Inpi. L’Inpi apprécie alors si le dépôt envisagé constitue la reproduction ou l’imitation de la marque antérieure. Ce qui conduit au rejet ou non du dépôt. L’exercice simple en apparence recèle des subtilités insoupçonnées pour le profane. Panorama.
Il ne suffit pas de dire que l’on est influenceuse sur Instagram pour bénéficier d’un passe-droit sur la protection de sa marque. Kylie Jenner, célèbre star de télé-réalité de la galaxie Kardashian dont le nom est déposé comme marque, entendait s’opposer à l’exploitation de la marque Kylie Wigs notamment car cette dernière venait marcher sur ses plates-bandes sur Instagram dans la vente de produits cosmétiques.
L’Inpi répond à l’influenceuse que les conditions d’exploitation sur les réseaux n’entrent pas en ligne de compte. Seules les marques telles que déposées doivent porter à confusion. Ainsi, on ne peut confondre Kylie Jenner avec Kylie Wigs1. Par contre, montrer que sa marque bénéficie d’une forte notoriété confère des droits. Kylie Jenner eut-elle fait valoir la notoriété de sa marque sur Instagram que son opposition eut prospérée. Certainement. Telle la célèbre marque Lime, dont on trouve encore pour quelques mois les trottinettes en libre-service dans les rues parisiennes et dont la notoriété lui a permis d’empêcher l’enregistrement de la marque LME.
L’Inpi
concède que les marques ne se ressemblent pas, mais qu’à
l’évidence la forte connaissance de la marque par le public lui
confère un pouvoir distinctif fort.2 Parfois,
nul besoin de faire état de sa notoriété pour obtenir le rejet
d’une marque. La société Tiktok
a ainsi obtenu le rejet de la marque Taktak.
Il est vrai que les sonorités T-K T-K sont si proches que le
consommateur ne peut que si méprendre3.
Le déposant de Taktak a
omis que l’Inpi a précédemment décidé que T-Toc
imite Tiktok4.
L’art
de s’approprier le dictionnaire
Plutôt que les jeux de mots, le plus simple reste d’ouvrir le dictionnaire dans certains cas. Comment se réserver l’exclusivité d’un nom commun ? Simplement, en choisissant dans le dictionnaire un mot qui n’a rien à voir avec les produits ou services vendus sous ce nom. Par exemple, le mot "copine" pour des vêtements et accessoires de mode pour les femmes.
L’Inpi
rappelle que ce mot, très commun, est arbitraire pour désigner de
tels produits. Ce qui autorise le titulaire de la marque antérieure
Cop Copine
à s’opposer à l’enregistrement de la marque À mes
copines pour des produis
identiques ou similaires5. Même
chose pour la marque Absolue
de la société L’Oréal pour désigner des cosmétiques. Dans le
dictionnaire, le mot "absolue"
ne désigne pas des cosmétiques, donc la société L’Oréal peut
s’en réserver l’usage pour de tels produits. La
société L’Oréal peut même s’opposer à l’enregistrement de
la marque Absoluskin
pour ces mêmes produits, parce que le mot "skin"
est compris en français comme le mot "peau".
La peau
étant la destination des produits cosmétiques, il n’est pas
distinctif pour ces produits6. En
conclusion, pour choisir une bonne marque, il n’est pas
indispensable d’avoir un nom
célèbre sur les réseaux
sociaux. Parfois, en ouvrant le dictionnaire on trouve des perles
avec lesquelles
il suffit de travailler la notoriété.
1 Inpi, 9 mars 2023, OP22-3524
2 Inpi, 6 mars 2023, OP22-3012
3 Inpi, 7 février 2023, OP22-3418
4 Inpi, 31 janvier 2022, OP21-1122
5 Inpi, 2 février 2023, OP22-3276
6
Inpi, 10 mars 2023, OP22-3166