Réseau Entreprendre® Nord : créer pour enrichir les territoires
Privé depuis deux ans de sa soirée annuelle qui intronise les nouveaux membres, le Réseau Entreprendre® Nord a pu enfin renouer avec la tradition le 3 mai dernier à Lille Grand Palais. Soixante lauréats sont entrés dans la toute nouvelle promotion.
Trente-sept entreprises pour soixante lauréats : la promotion 2021 ne s'est pas laissée appesantir par le Covid et a témoigné de sa dynamique d'entreprendre. Les porteurs de projets ont d'ores et déjà levé plus d'1,4 million d'euros, créé ou sauvegardé 512 emplois et en prévoient 1 088 d'ici trois ans. Même si l'on peut déplorer le nombre encore trop faible de femmes – elles ne sont que cinq dans cette nouvelle promotion –, force est de constater que les lauréats ont envie que leurs projets soient plus durables, plus impactants et ancrés dans les territoires. Zoom sur quatre d'entre eux.
Mariloo, créée par Marion Desprez
et Mehdi En Asseri : mettre en valeur la beauté des lieux publics
Cela résonne comme une évidence, pourtant personne n'y avait pensé auparavant. Et si les lieux détenus par les collectivités, aussi insolites qu'ils puissent être, pouvaient accueillir en quelques clics des événements familiaux ou B to B ? C'est le pari qu'ont fait Marion Desprez et Mehdi En Asseri en créant Mariloo en 2019.
«En
cherchant un lieu pour organiser mon anniversaire, je me suis rendu
compte que 90% des communes de France ont du patrimoine qu'elles
mettent à la location mais qu'il est souvent difficile de savoir
quand et comment les contacter», explique le porteur de projet. Quand on sait qu'il y a presque 35
000 communes en France, autant dire que le portefeuille est large...
Surtout, cela représente chaque
année 2,5 milliards d'euros de recettes pour les collectivités.
Une manne financière encore trop peu exploitée pour les communes,
qui font face à des baisses constantes de dotations et pourraient,
par ce biais, générer de nouvelles recettes.
De
la salle des fêtes au monument national, en passant par des musées,
des phares ou des monastères... ces lieux sont attractifs et
recherchés, mais reste encore à faire rencontrer l'offre et la
demande. «Notre
volonté, c'est de permettre aux collectivités de développer les
locations de leurs lieux publics et de mettre en valeur l'agent de la
collectivité qui sera en charge de l'outil. Souvent, les maires ont
de la difficulté à amortir le coût de ces équipements parce
qu'ils sont sous-utilisés. On permet aux territoires d'être plus
visibles tout en faisant vivre les acteurs locaux grâce à des
événements sur leurs communes», explique Marion Desprez.
Mariloo
vient d'ailleurs de signer une convention avec l'AMRF (Association
des maires ruraux de France) afin que les les maires des communes de
moins de 3 000 habitants puissent adhérer au service de
l'entreprise. «Les
Français peuvent se réapproprier les lieux pour lesquels ils
contribuent via leurs impôts», poursuivent les créateurs.
Si
le pays est composé de bon nombre de villes de petite taille,
moins d'une commune sur deux dispose d'un site Internet. Via Mariloo,
elles bénéficient donc d'une visibilité, en s'affranchissant des
éléments chronophages : rédaction des contrats, signature
électronique, parution d'une grille tarifaire...
Une
centaine de communes sont déjà adhérentes dans les Hauts-de-France,
avec la volonté de se développer partout sur le territoire national
ainsi que dans d'autres pays européens. «C'est
aussi ça l'écologie : utiliser l'usage du patrimoine existant», renchérit Marion Desprez. Mariloo est implantée à EuraTechnologies
et compte une dizaine de salariés.
A
Tourcoing, la reprise de Corri Servais par Cédric Hamel
Derrière
l'entreprise tourquennoise de robinetterie industrielle, un
savoir-faire de plus de
100 ans et
aujourd'hui un effectif de 32 salariés, dont 20 en production. Parmi
les clients de Corri Servais, des grands noms de l'industrie, de
l'énergie, de la chimie et de la pétrochimie. Spécialisée dans
les environnements vapeur et à très haute pression, Corri Servais
fabrique des robinets en acier carbone pouvant peser entre 20 kilos
et 3 tonnes, capables de supporter jusqu'à 500 degrés de
température et 120 bars de pression.
«Chaque
produit est testé. Le zéro fuite, c'est hyper important chez nous.
Je veux défendre le savoir-faire français ; nous ne faisons que du
sur-mesure. D'ailleurs, 99% de nos commandes, c'est un seul robinet
!», explique Cédric
Hamel, qui a repris l'entreprise en mars 2021.
Sa
mission ? Remettre de la R&D dans une industrie en pleine
transition énergétique et transmettre les savoir-faire. «Le
meilleur moyen de faire connaître nos savoir-faire, c'est de les
faire découvrir. A mon arrivée, j'ai fait parler de l'entreprise
auprès des écoles pour reconnecter notre industrie aux lieux de
formation.»
En
2021, la PME a réalisé un chiffre d'affaires 6,4 M€ et ambitionne
les 7 millions pour 2022. «La
tension sur les marchés de l'acier rend les choses compliquées, mais on avait anticipé le stock de barres que l'on usine.»
En 2021, Corri Servais a enregistré une croissance de 23%, pour une
majorité de l'activité réalisée en France.
L'EPICC
à Roubaix : redonner une chance aux jeunes décrocheurs
Elle
fait partie des trois uniques associations labellisées par Réseau
Entreprendre®
Nord depuis sa création en 1986. L'Ecole de production industrielle
de couture et de confection (EPICC) se veut alternative au lycée
professionnel et au CFA pour des jeunes qui ne trouvent pas leur
place dans le système traditionnel. Et elle peut compter sur son
dynamique directeur, Pierre Delannoy, qui n'en est pas à son coup
d'essai. Il a déjà créé un premier établissement en mécanique à
Lens, qui, depuis, a fait des émules puisque les
Hauts-de-France comptent six établissements
de ce type, bientôt neuf en septembre prochain.
«Rien
que sur Roubaix, on compte chaque année 700 jeunes décrocheurs.
L'apprentissage nécessite de la mobilité mais aussi un
savoir-être en entreprise, qui peuvent être des freins pour
certains. On a voulu créer un lieu unique : à la fois une école et
une entreprise." Si
ce type d'établissement existe depuis 150 ans – avec un berceau
historique à Lyon –, c'est encore récent dans les Hauts-de-France.
Il en existe une cinquantaine sur le territoire national. Le but est clair :
se rapprocher des bassins d'emplois et proposer des formations en
lien avec les activités économiques.
«Pendant
deux ans, j'ai rencontré près de 150 personnes pour valider le sens
du projet. Il faut savoir que sur la MEL, il manque 300 postes en
confection textile ; 3 000 dans les cinq ans à venir. Il y a un vrai
enjeu», souligne
Pierre Delannoy. L'EPICC propose de la formation professionnelle en
répondant à des demandes de vrais clients, un accompagnement en
enseignement général et un accompagnement global (individuel et
collectif).
«On
fait du français et des maths, mais pas de façon différente : c'est
toujours lié aux métiers, pour apporter du sens. En fait, à
l'EPICC, on fait pour apprendre.»
Depuis octobre 2021, une classe de six jeunes a déjà été
constituée, avec un objectif d'ici deux ans d'une trentaine de
jeunes formés sur une année. «Notre
gros enjeu, c'est de réexpliquer les métiers. Aujourd'hui on a des
machines à commande numérique que l'on peut gérer depuis son
smartphone. Il y a un panel de métiers dans le textile, qu'il
s'agisse de la mode mais aussi du textile technique ou médical.
Aujourd'hui on travaille avec Lemahieu, Sylvie Thiriez, Promod ou
encore La Vie est belt. La
demande de main-d'œuvre est telle que les ateliers n'arrivent pas à
tout produire.»
Grâce
à des fonds publics de la Région au titre de la taxe
d'apprentissage, du ministère du Travail, et de la production
facturée au client, l'EPICC demande symboliquement 15€ par mois en
fonction des besoins des familles. Un vrai tremplin qui suscitera des
vocations dans des métiers pour lesquels les savoir-faire ne doivent
pas se perdre dans le temps pour pouvoir perdurer.