Cafés, bars, restaurants
Quel régime juridique pour les terrasses implantées sur la voie publique ?
«Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public». L’article L. 2122-1 du CG3P (Code général de la propriété des personnes publiques) pose le principe selon lequel l’occupation du domaine public, qu’il s’agisse d’un trottoir ou d’une place, pour y installer une terrasse, nécessite une Autorisation d’occupation temporaire (AOT) du propriétaire, le plus souvent la commune. Un régime juridique très particulier est applicable à ces autorisations. Explications.
La délivrance d’une AOT
Avant
d’effectuer sa demande, le pétitionnaire s’assurera des règles
régissant ces autorisations. En effet, de plus en plus de communes
établissent des «chartes» pour les terrasses,
possédant une véritable force contraignante. Ces chartes
réglementent parfois les dimensions, les couleurs ou même les
matériaux devant être utilisés pour leur construction. La demande
doit être faite auprès de la personne publique concernée, le plus
souvent la commune.
Bien
que l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 ait imposé la mise
en œuvre d’une procédure de mise en concurrence, lorsque l’AOT
délivrée a pour objet une exploitation économique, la simple
installation d’une terrasse située au droit d’un café, bar ou
restaurant fait exception à cette règle. En effet, l’article
L. 2122-1-3 du CG3P
dispose que «L'autorité compétente peut ainsi délivrer
le titre à l'amiable, notamment (…), lorsqu'une seule personne est
en droit d'occuper la dépendance du domaine public en cause».
L’autorisation délivrée peut prendre la forme d’une convention
ou, plus souvent, d’un arrêté.
Le paiement d’une redevance
L’article
L. 2125-1 du CG3P dispose que «Toute occupation ou
utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à
l'article L. 1 [ du
CG3P]
donne lieu au paiement d'une redevance». La redevance due
tient compte des avantages procurés au titulaire de l'autorisation.
Le prix est fixé en fonction de l’étendue de la terrasse, de la
durée d'utilisation (annuelle ou saisonnière) et de la valeur
commerciale de la rue considérée. Le montant est fixée dans
l’arrêté constituant le titre ou dans la convention.
En
principe, la redevance est payable d'avance et annuellement.
Toutefois, selon l’article L. 2125-4 du CG3P, «le
bénéficiaire peut, à raison du montant et du mode de détermination
de la redevance : 1° Etre admis à se libérer par le versement
d'acomptes ;2° Etre tenu de se libérer par le versement de la
redevance due, soit pour toute la durée de l'autorisation si cette
durée n'excède pas cinq ans, soit pour une période quinquennale
dans le cas contraire». En cas de retard dans le paiement
de ces redevances, les sommes restant dues sont majorées
d'intérêts moratoires au taux légal.
La révocation d’une AOT
L’article
L. 2122-3 du CG3P dispose que «L'autorisation
mentionnée à l'article L. 2122-1 présente un caractère précaire
et révocable». A ce principe de précarité et de
révocabilité sont attachées trois conséquences. D’abord,
l’autorisation d’occupation domaniale, même délivrée pour une
durée déterminée et même si elle est conventionnelle, est
précaire et révocable à tout moment dans l’intérêt du
domaine occupé. A
fortiori, il n’y a aucun droit au renouvellement d’une
autorisation venue à échéance. La notion «d’intérêt
du domaine occupé» est large et recouvre un vaste panel
de situations : intérêt patrimonial, manifestation culturelle
nécessitant le retrait de l’autorisation, travaux publics.
Bien
entendu, dans le cas de retrait de l'autorisation avant le terme
prévu, pour un motif autre que l'inexécution de ses clauses et
conditions, la partie de la redevance versée d'avance et
correspondant à la période restant à courir est restituée au
titulaire. Toutefois, le retrait d’une AOT du domaine public
n’ouvre droit à aucune indemnité au profit du
permissionnaire évincé dès lors que ce retrait repose sur un motif
légitime (CE. 6 mai 1932, Taillandier).
Enfin,
le permissionnaire évincé dans l’intérêt du domaine public ne
bénéficie
d’aucune
garantie procédurale:
«il
ne résulte d’aucun principe général du droit que l’autorité
gestionnaire du domaine public doive respecter une procédure
contradictoire lorsqu’elle prend dans l’intérêt de ce domaine
une mesure qui ne revêt pas le caractère d’une sanction»
(CE.16
juin 1995, Achache et autres, n° 145085).
En
revanche, dès lors que la révocation d’une AOT s’analyse, non
pas comme un acte pris dans l’intérêt du domaine, mais comme une
mesure de sanction de son titulaire, alors non seulement le retrait
doit être motivé, mais plus encore, être précédé d’une
procédure contradictoire permettant au titulaire de l’autorisation
de discuter les motifs de la mesure qui le frappe.
Ainsi,
le fait pour l’occupant de ne pas respecter les prescriptions du
titre, justifie une décision d’abrogation qui peut alors
s’analyser en une sanction, en fonction des faits d’espèce (voir
par exemple : CE. 6 oct.1997, n°172904, Virgili et a ; CE.12
déc. 1997, n°160141, Ville de Cannes).