Quand la dentelle de Calais inspire le monde médical

Allier des propriétés techniques innovantes à de l’impression 3D : Lattice Medical pourra, d’ici quelques années, révolutionner le quotidien des patientes qui, grâce à une bioprothèse résorbable, pourront vivre avec un sein entièrement reconstruit par leurs propres tissus cellulaires.

L'impression de la prothèse en 3D dure entre 30 et 40 minutes.
L'impression de la prothèse en 3D dure entre 30 et 40 minutes.

Fruit de la recherche du CHRU de Lille, Lattice Medical a été créée en octobre 2017 par quatre fondateurs : Julien Payen, président, issu des matériaux textiles, Pierre Guerreschi, chirurgien plasticien à Roger-Salengro, Philippe Marchetti, biologiste et coordinateur de la banque de tissus du CHRU de Lille, et Pierre-Marie Danzé, biochimiste et médecin à la banque des tissus du CHRU de Lille. «Nous voulons répondre à un besoin : utiliser la propre graisse de la patiente pour une reconstruction mammaire, avec une régénération des cellules dans le cadre d’un cancer du sein», explique Julien Payen. Si ce type de technique est déjà utilisé dans certaines opérations d’orthopédie, Lattice Medical a poussé l’innovation encore plus loin en s’inspirant des propriétés de la dentelle de Calais-Caudry. L’implant aide à la régénération des cellules graisseuses de la patiente. Il est constitué de deux matériaux bio résorbables imprimés à 100% en 3 D : un support de la graisse inspiré de la dentelle de Calais-Caudry et une coque qui forme le volume à reconstruire, adaptée à la morphologie de la patiente. «Pendant deux ans, nous avons testé plusieurs supports textiles. Le textile stabilise le tissu adipeux. Si les essais sont concluants, nous serions les premiers à imprimer une prothèse en polymère biocompatible et résorbable», explique Julien Payen. La graisse, prélevée sur la patiente, est positionnée sur le support, en forme de dôme, qui guide la reconstruction tissulaire pendant trois à six mois. Parallèlement, la bioprothèse va se résorber lentement jusqu’à disparaître entre six et douze mois. Après une première preuve de concept réussie en 2014 et un financement de la Région, les quatre fondateurs sont passés à la vitesse supérieure avec un programme de recherche baptisé MATTISSE, le nom trouvé pour cette prothèse révolutionnaire.

Lever des fonds pour commencer les essais cliniques

Incubée à Eurasanté en 2017, Lattice Medical mobilise actuellement une dizaine de personnes. En pleine levée de fonds, l’objectif à trois ans est de lever 5 millions d’euros pour finaliser la conception de la prothèse. D’ici fin 2018, trois personnes devraient rejoindre l’équipe, notamment en mécanique et impression 3D, en biologie ou en conseil réglementaire. «D’ici 2021-2022, nous espérons avoir le marquage CE, délivré par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament), qui nous permettra de mettre sur le marché la prothèse. Compte tenu des antécédents des prothèses mammaires PIP, nous n’avons pas le droit à l’erreur. Il faut démontrer la valeur ajoutée de la prothèse. Les essais cliniques feront le basculement vers l’achat auprès des praticiens hospitaliers. C’est évident, il faudra former les chirurgiens.» Contrairement aux prothèses silicones qui nécessitent une chirurgie de remplacement tous les dix ans, la prothèse MATTISSE nécessite une opération unique. Un réel avantage pour la patiente mais aussi pour les établissements hospitaliers contraints à réduire leurs coûts. Une première levée de fonds de 2 millions d’euros est prévue pour cette année – les contacts avec des fonds régionaux ont d’ores et déjà été pris. Une phase de test a aussi été amorcée sur la plateforme de crowdfunding toulousaine Wiseed, avec déjà plus de 300 votants pour un montant espéré de 800 000 € (la campagne dure jusqu’au 20 mars prochain).

«D’ici 2021-2022, nous espérons avoir le marquage CE qui nous permettra de mettre sur le marché la prothèse»

Vers une usine agile en impression 3D

L’équipe de Lattice Medical, qui devrait bientôt s’agrandir.

Pour l’instant en test avec plusieurs machines d’impression 3D – dont une régionale, provenant de l’entreprise roubaisienne Dagoma –, Lattice Medical caresse le rêve d’avoir une salle blanche, véritable plateforme d’impression 3D. S’il ne faut qu’entre 20 et 40 minutes pour imprimer MATTISSE, Julien Payen espère, d’ici quelques années, disposer d’«une petite usine très agile», capable de répondre aux demandes des établissements et des praticiens. Les ambitions de développement sont claires : proposer des produits en propre, mettre à disposition un plateau technique pour fournir des services d’ingénierie médicale et fournir des licences à des spécialistes qui s’attaqueront aux marchés internationaux, notamment l’Europe, les Etats-Unis et le Brésil. En fonction des levées de fonds et de l’avancement des essais cliniques, une première patiente pourrait bénéficier des prothèses MATTISSE en 2023.

 

Professionnels de santé, à vous d’innover !

Terminé l’appellation «Concours des professionnels de santé» ! Place aux «Trophées des Hauts-de-France pour l’innovation des professionnels de santé» (THIPS), portés par Eurasanté. Lancés depuis le 19 mars, ils récompenseront les meilleures idées par un accompagnement de dix jours et sont ouverts à l’ensemble des professionnels établis en région : les salariés d’établissements de soins, les professionnels de santé libéraux, les internes et étudiants des professions de santé. Les candidatures sont à déposer sur thips-eurasante.fr.