Quand l'agriculture des Hauts-de-France concilie innovation, respect de l'environnement et rentabilité...
Comme beaucoup de secteurs, l’agriculture est en pleine mutation. Que ce soit pour assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition ou concilier agriculture durable et rentabilité, le monde agricole se tourne de plus en plus vers l’innovation, transformant les défis à relever en opportunités de se développer.
Produire mieux avec moins : c’est sans doute un des enjeux majeurs de l’agriculture aujourd’hui. Un enjeu qui passe par des solutions et méthodes innovantes, respectueuse de l’environnement. La présentation de quelques-unes d’entre elles fut d’un des temps forts des Rencontres régionales de la recherche et de l’innovation.
Colliers connectés et ferme verticale
La carte de l’innovation, Maurine Tracol et Coline Bourgin-Bretin, toutes deux filles d’agriculteurs et étudiantes à UniLaSalle, l’ont jouée, en imaginant un collier (ou bracelet) connecté pour bovins et équidés, baptisé "Trace-Tout". Une idée qui a germé suite aux nombreuses mutilations de chevaux en 2020 : «Il n’existait pas d’outils permettant d’assurer la gestion des troupeaux dans les pâtures», explique Coline Bourgin-Bretin.
Avec "Trace-Tout", conçu en collaboration aves des vétérinaires et éleveurs, les agriculteurs peuvent monitorer en continu leurs troupeaux à distance. Le collier est équipé d’un GPS, suit la température corporelle de l’animal, mesure sa fréquence cardiaque et prévient les maladies gastriques.
L’agriculteur peut également visualiser les entrées et sorties de l’animal grâce à des clôtures virtuelles. L’ensemble des données est ensuite collecté via une application mobile. «Le gain de temps est considérable pour l’agriculteur. Le bien-être animal était aussi une de nos priorités. 'Trace-Tout' facilite également le travail des vétérinaires ruraux», poursuit l’étudiante. Ce qui n’était au début qu'un projet scolaire s’est mué en projet professionnel, et les deux jeunes femmes sont suivies depuis trois mois par un agro-business angel, qui les aide sur la partie technique. Le premier prototype sera prochainement prêt, les premiers tests sont prévus courant 2022.
Autre exemple d’innovation, dans un autre registre : la ferme verticale Jungle et ses 20 tours produisant 160 tonnes de végétaux par an. «Être en environnement contrôlé permet d’apporter aux végétaux uniquement ce dont ils ont besoin pour se développer, sans pesticides», explique Gilles Dreyfus, président et cofondateur de la ferme verticale basée à Château-Thierry.
Ce système de production, qui reproduit les conditions réelles de croissance des plantes, permet également de réduire l’apport en eau de 95 à 98% et d’optimiser les cycles de croissance, plus courts que dans la nature ou en serre. «Le monde évolue, les consommateurs ont de nouveaux besoins et de nouvelles envie. 'Jungle' apporte une réponse complémentaire aux problématiques actuelles de l’agriculture», observe Gilles Dreyfus.
Concilier productivité et excellence environnementale
Projet national lancé par trois instituts techniques (Terres Inovia, Arvalis-Institut du végétal et l’Institut technique de la betterave - ITB) et décliné sur cinq plates-formes en France (dont une à Estrées-Mons), "Syppre" a, quant à lui, pour but de mettre sur pied des systèmes innovants qui répondent à trois objectifs : la productivité physique, la rentabilité économique et l’excellence environnementale.
«Sur la plateforme picarde, nous testons deux systèmes pour améliorer la fertilité des sols, en jouant sur la rotation des sols ou en apportant de l’engrais organique par exemple. L’objectif de 'Syppre', c’est d’atteindre l’excellence environnementale, en ne dégradant ni la qualité, ni la productivité de l’exploitation. Il s’agit d’un projet de longue haleine, mené avec un réseau d’agriculteurs pour dupliquer les bonnes pratiques», note Nicolas Latraye, ingénieur régional développement Hauts-de-France de Terres Inovia.
«L’idée, c’est de créer de la valeur»
Créée en janvier 2018 par Vindicien Delcourt et Félix Bonduelle, "Javelot" propose une solution globale pour le stockage à destination des agriculteurs, coopératives et négoces agricoles. À la clé : un gain de temps non négligeable, la qualité du stockage et de substantielles économies. «L’idée, c’est de créer de la valeur, d’autant que les contraintes sont en augmentation. Il y a un vrai besoin aujourd’hui d’optimiser le stockage, ce qui passe entre autres par le numérique, qui permet de réaliser des économies d’énergie - d’environ 25% -, et de ne plus utiliser d’insecticides de stockage. 'Javelot' réduit de 90% leur utilisation», précise Félix Bonduelle.
La France produit 70 millions de tonnes de grains, "Javelot" en équipe aujourd’hui plus de 3 millions de tonnes, soit 4 à 5% du stockage national surveillés grâce aux capteurs de Vindicien Delcourt et Félix Bonduelle, qui comptent «très vite» atteindre les 15 à 20%, en misant notamment sur l’innovation : "Javelot" a imaginé avec Arvalis un piège à insectes connecté, pour les détecter le plus tôt possible grâce à l’intelligence artificielle.
Dernière illustration de méthodes innovantes qui fleurissent en Hauts-de-France avec Osiris agriculture : «Nous travaillons sur un projet de robotique agricole, 'Oscar', appliqué aux cultures d’industrie et qui concerne en particulier l’irrigation, très chronophage et énergivore», explique Henri Desesquelles fondateur avec ses deux frères de la toute jeune start-up créée il y a sept mois. Le prototype – breveté – qu’ils ont conçu permet d’économiser 30% d’eau et d’optimiser la trajectoire dans le champ. Les dix premiers robots devraient être commercialisés dans la région en 2023.