Droit

Petits meurtres entre associés : Prévention et litiges

L’association Avec Mon Avocat Lorraine vient d’organiser, le 19 mars, une nouvelle édition de ses Masterglass. Thème passé au crible : la prévention des litiges entre associés. Décryptage réalisé par Maître Alexia Cadix et Maître Étienne Gutton.

Maître Alexia Cadix et Maître Étienne Gutton étaient aux commandes du Masterglass du 19 mars de l’association Avec mon Avocat Lorraine sur le thème de la prévention des litiges entre associés.
Maître Alexia Cadix et Maître Étienne Gutton étaient aux commandes du Masterglass du 19 mars de l’association Avec mon Avocat Lorraine sur le thème de la prévention des litiges entre associés.

Les litiges entre associés peuvent être préjudiciables à leurs intérêts, mais également à ceux de la société. Ils peuvent générer des blocages nécessitant l’intervention d’un Juge. À l’exception de la société civile qui peut permettre à l’associé de se retirer, en cas de désaccord, un associé n’a aucune obligation légale de céder ses Titres. Le pacte d’associés fournit des mécanismes de résolution des conflits et des procédures pour gérer les situations de désaccord entre associés. Si rien n’est prévu en amont et que le litige survient, il existe malgré tout des solutions.


La prévention : le pacte d’associés

Au cours de la vie d’une société, certains associés peuvent sortir du capital, et d’autres y entrer. Afin de préserver la bonne entente, il est préférable de fixer les règles de fonctionnement et de sortie dès la constitution de la société ou lors de l’intégration de nouveaux associés. Certes, les statuts régissent la vie de la société mais ils lient tous les associés, de sorte que les relations ne sont pas individualisées. Le pacte d’associé permet de contourner la rigidité des statuts et de régler plus spécifiquement les relations entre certains associés.

Précis, flexible et confidentiel, le Pacte est essentiel au bon fonctionnement d’une société quel que soit sa forme juridique.

Si certaines formes sociales comme les SAS reposent sur une grande liberté contractuelle, le Pacte est un vrai complément pour les sociétés à la structure plus contraignante comme les SARL. Il offre la possibilité d’adapter les règles de fonctionnement de l’entreprise en fonction des circonstances ou des besoins des associés. Le pacte d’associé vient compléter les statuts et infléchir les règles légales ou les clauses statutaires. Il peut être modifié à tout moment à l’unanimité des associés concernés par un simple avenant. Il s’agit d’un acte juridique efficace, car il organise les rapports entre les associés, définit leurs droits et anticipe les éventuelles difficultés. Il s’avèrera utile également lors d’une levée de fonds ou l’entrée de nouveaux associés pour protéger les intérêts des nouveaux investisseurs comme des associés fondateurs.

La rédaction d’un pacte est libre

Il est possible de prévoir différentes clauses en fonction des attentes des associés et de leurs souhaits. Les principales clauses sont celles relatives au pouvoir, à l’actionnariat, à la répartition des bénéfices et à la sortie des associés. Le pacte d’associés à la valeur juridique d’un contrat. Il ne lie que les parties signataires et il est inopposable aux tiers. Sa valeur peut être remise en question s’il est jugé comme ayant un intérêt contraire à celui de la Société. En cas de non-respect du pacte, le juge pourra accorder des dommages-intérêts, ordonner une exécution forcée de l’obligation non respectée, rompre le pacte ou ordonner la sortie forcée quand elle est prévue au pacte.


Résolution des litiges

Même en l’absence d’un pacte d’associés, des mécanismes de résolution des litiges peuvent néanmoins être actionnés concernant les droits politiques des associés, le fonctionnement de la société ou les agissements d’associés ou de dirigeants.

Les droits politiques des associés

Le droit à l’information des associés leur permet de collecter des informations sur la gestion de la société soit à l’occasion de la réunion d’une assemblée générale (droit de communication préalable), soit à tout moment en interrogeant les dirigeants. Dans les sociétés civiles, les associés peuvent consulter au siège social tous les documents établis par la société (livres et documents sociaux, contrats, factures, correspondance) et en prendre copie. Les associés peuvent provoquer la tenue d’une assemblée générale et en fixer l’ordre du jour dès lors que le dirigeant n’en a pas pris l’initiative après mise en demeure et désignation d’un mandataire ad hoc à cette fin par le Juge. Lorsqu’il existe des présomptions sérieuses d’irrégularités portant sur une opération de gestion déterminée, un ou plusieurs associés, représentant au moins 10 % du capital social dans les SARL et 5 % dans les Sociétés par actions, peuvent demander en justice la désignation d’un expert chargé de présenter un rapport sur cette opération.

Fonctionnement de la société : la désignation d’un administrateur provisoire

La désignation d’un administrateur provisoire par le Juge à la demande d’un ou plusieurs associés permet de protéger les intérêts de la société et de faire intervenir un tiers au litige bénéficiant de la légitimité d’une désignation en justice. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle destinée à remédier à une situation de crise aigüe rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent ou bloquant son fonctionnement. L’administrateur provisoire est choisi sur la liste des administrateurs judiciaires, sa mission est à durée déterminée et porte sur les pouvoirs de gestion de la société et peut le cas échéant être précisée pour une action spécifique dictée par la situation, et notamment la recherche d’une issue amiable au conflit entre les associés. Le dirigeant en place se trouve dessaisi de ses pouvoirs.

Le contentieux judiciaire lié aux agissements des associés ou des dirigeants

Le tribunal peut être saisi en cas d’abus de majorité ou de minorité ou encore d’égalité. Au cas où la décision adoptée par le ou les associés majoritaires est contraire à l’intérêt social et prise dans l’unique dessein de le ou les favoriser au détriment des autres associés. L’abus de majorité pourra être sanctionné par la nullité de la décision prise par l’assemblée générale outre d’éventuels dommages-intérêts. Les cas d’abus de minorité ou d’égalité concernent le blocage par un associé qui adopte une attitude contraire à l’intérêt général de la société, en entravant une opération essentielle pour celle-ci, dans l’unique dessein de favoriser les intérêts de l’associé minoritaire au détriment des autres. Dans ce cas, le juge peut désigner un mandataire ad hoc chargé d’exercer le droit de vote de l’associé coupable d’abus de minorité et de voter dans le sens des décisions conformes à l’intérêt social. Le tribunal peut également être saisi d’une action en responsabilité du dirigeant. Cette action peut être engagée par un associé aux fins d’indemnisation de son préjudice propre, mais elle est généralement délicate à faire prospérer. Elle peut être engagée également par un associé pour le compte de la société, aux fins d’indemnisation du préjudice subi par cette dernière du fait des actes contestés du dirigeant. Les dommages-intérêts obtenus seront alors alloués à la société. Le cas particulier des sociétés civiles permet à leurs associés de demander en justice leur retrait pour «justes motifs». Cette notion est appréciée par le Juge au regard de la situation personnelle de l’associé mais il ne peut s’agir de simple convenance personnelle. Le juste motif pourra être retenu par exemple lorsque les associés majoritaires refusent systématiquement de distribuer des dividendes sans justification tirée de l’intérêt social, ou en l’absence récurrente de communication d’informations. En conclusion, le pacte d’associé n’est pas obligatoire mais il est fortement recommandé pour prévenir puis résoudre les litiges. Les associés seront également bien inspirés d’inclure dans leurs statuts une clause de médiation qui renforcera les chances de résolution amiable des litiges entre associés. La médiation est d’ailleurs le sujet de l’un des prochains masterglass de l’Association Avec mon Avocat Lorraine prévu le 2 octobre prochain.

Maître Corinne AUBRUN-FRANCOIS

Avec Mon Avocat Lorraine