Pérou: Fujimori est mort "sans demander pardon", déplorent les familles de victimes

"Alberto Fujimori est parti sans que justice ne soit rendue et sans demander pardon", déplorent les familles des victimes du régime du défunt président péruvien, condamné à 25 ans de...

Un homme passe devant les Unes des journaux illustrant la mort de l'ancien président péruvien Alberto Fujimori (1990-2000), à Lima, le 12 septembre 2024 © CRIS BOURONCLE
Un homme passe devant les Unes des journaux illustrant la mort de l'ancien président péruvien Alberto Fujimori (1990-2000), à Lima, le 12 septembre 2024 © CRIS BOURONCLE

"Alberto Fujimori est parti sans que justice ne soit rendue et sans demander pardon", déplorent les familles des victimes du régime du défunt président péruvien, condamné à 25 ans de prison pour crimes contre l'humanité. 

L'ancien homme fort du Pérou entre 1990 et 2000 est décédé mercredi à 86 ans à son domicile de Lima, après avoir été soigné pour un cancer de la bouche.

Le pays a annoncé des funérailles nationales et déclaré trois jours de deuil jusqu'à samedi, date de l'enterrement de l'ancien dirigeant autant adulé, pour ses succès en matière économique notamment, que décrié pour ses violations des droits humains.

En 2009, Alberto Fujimori a été condamné à 25 ans de prison pour avoir commandité deux massacres perpétrés en 1991 et 1992 par des escadrons de la mort dans le quartier de Barrios Altos, à Lima, (15 morts dont un enfant) et à l'université de la Cantuta (dix morts).

Après 16 années passées en prison, il avait été libéré en décembre 2023 pour raisons de santé, malgré l'objection de la justice interaméricaine. L'ancien dirigeant d'origine japonaise était poursuivi aussi pour l'assassinat en 1992 par des soldats de six paysans soupçonnés d'être liés à la guérilla maoïste du Sentier lumineux.

"Il est parti sans demander pardon aux familles", témoigne en pleurs Gladys Rubina, soeur d'une des victimes du massacre de Barrios Altos. Sa mort "ne change rien pour moi, je ressens toujours une douleur au fond de moi", ajoute la femme de 56 ans. 

"Sa mort ne met pas fin à la peine, ni ne l'absout. Fujimori restera l'assassin et le principal responsable de la disparition de nos proches", estime Carmen Amaro dont le frère, un étudiant de 25 ans de l'université de la Cantuta, a été brûlé après avoir été exécuté d'une balle dans la tête et enterré dans une fosse commune par des militaires.

Conscience très sale

Ces assassinats ont été commis par un escadron de l'armée, connu officieusement sous le nom de groupe Colina. Il était chargé des "opérations spéciales" du renseignement dans le cadre de la lutte contre les guérillas d'extrême gauche, a estimé la justice.

"Il ne s'est jamais excusé pour ses crimes, il n'a jamais payé de réparations civiles, il a plutôt profité des derniers mois de l'Etat en demandant une pension indue", déplore Gisela Ortiz, dont le frère fait aussi partie des victimes de la Cantuta. 

"Fujimori est parti avec la conscience très sale", affirme auprès de l'AFP la vice-présidente de l'Association des familles des personnes assassinées et persécutées, Adelina Garcia. 

Fait marquant cette semaine, l'absence de manifestation dans les rues, les critiques contre l'ancien président se concentrant sur les réseaux sociaux avec des déclarations de groupes de défense des droits humains rappelant son passé autoritaire, la corruption de son gouvernement et son bilan en matière de droits humains.

Le président de la Commission vérité et réconciliation (CVR), qui a enquêté sur les années de violence politique dans le pays (1980-2000), a ainsi déploré la décision du gouvernement de décréter un deuil national. 

"Ce qui dérange le plus (les défenseurs des droits humains), c'est l'attitude des agents de l'Etat qui, au lieu de défendre la démocratie et la justice, décrètent trois jours de deuil national", explique à l'AFP le philosophe Salomon Lerner Febres, qui dirigeait à l'époque la CVR, dissoute en 2003.

Le conflit interne des années 1980 et 1990 a fait quelque 69.000 morts et 21.000 disparus au Pérou, civils pour la plupart, selon la Commission.

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