Permis de conduire : sa perte peut-elle conduire au licenciement ?
Un salarié s’est vu retirer son permis de conduire et cela a des répercussions sur son activité car il était amené à utiliser souvent, voire quotidiennement, son véhicule. L’employeur envisage donc de rompre son contrat de travail du fait de ce retrait de permis. En a-t-il le droit ?
Permis suspendu ou retiré pendant le temps de travail
Si la suspension ou le retrait du permis de conduire a eu lieu pendant le temps de travail, le salarié peut faire l’objet d’une mesure disciplinaire, laquelle doit être proportionnée. Les fonctions exercées par le salarié doivent nécessiter l’utilisation d’un véhicule soumis à la détention d’un permis de conduire (VRP, chauffeur routier, livreur, ambulancier, etc.). De surcroît, la perte de la possibilité de conduire doit constituer un trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise. L’employeur doit donc nécessairement justifier qu’il subit un préjudice du fait de la suspension ou du retrait du permis du salarié concerné. Selon les circonstances qui entourent ce retrait ou cette suspension, le licenciement pour cause réelle et sérieuse ou faute grave peut être envisagé. Par exemple, la faute grave pourra être retenue si le permis de conduire d’un chauffeur routier a été retiré ou suspendu pour cause de conduite en état d’ivresse pendant les heures de travail. Cette infraction l’ayant privé de son droit de conduire pour 15 mois (Cour de cassation, chambre sociale, 15 novembre 1994, n° 93-41.897). À noter que si l’employeur estime que son salarié ne mérite pas un congédiement pur et simple, il peut suspendre simplement son contrat de travail le temps que l’intéressé récupère son permis. Il est également important de vérifier les dispositions de sa convention collective. Elles peuvent être plus favorables pour le salarié et prévoir par exemple, une obligation de reclassement (tel est notamment le cas des transports routiers).
Permis suspendu ou retiré en dehors du temps de travail
Le fait que le salarié ait fait l’objet d’une suspension ou d’un retrait de son permis de conduire en dehors de l’exécution du contrat de travail, dans le cadre de sa vie personnelle donc, ne peut pas constituer une faute. En effet, selon la Cour de cassation, le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l’exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance de ses obligations découlant de son contrat de travail et ce, même si ses fonctions impliquent la conduite d’un véhicule (Cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 2013, n°12-16.878). Dès lors, l’employeur ne peut envisager de rompre le contrat de travail du salarié que dans le cas où la possession du permis de conduire est nécessaire à l’exercice de ses fonctions. Le licenciement envisagé ne pourra être qu’un licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison du trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise, qui devra être bien sûr explicité précisément dans la lettre de notification du licenciement. L’employeur doit en effet démontrer que la perte du permis de conduire du salarié, amené à effectuer des déplacements, l’empêche d’effectuer son travail et qu’il subit de ce fait un préjudice. Si les fonctions du salarié impliquent nécessairement la conduite d’un véhicule, il est conseillé de prévoir une clause dans son contrat de travail selon laquelle :
- la détention du permis de conduire est indispensable ;
- le salarié s’engage à informer son employeur en cas de retrait ou de suspension de son permis de conduire.
A contrario, l’employeur ne peut donc pas envisager un licenciement lorsque le permis de conduire n’est pas nécessaire à l’exercice des fonctions et que le salarié a la possibilité de se rendre au travail par d’autres moyens (Cour de cassation, chambre sociale, 4 mai 2011, n° 09-43.192). Enfin, si la suspension ou le retrait du permis de conduire résulte de raisons médicales et que le salarié est reconnu inapte à conduire par le médecin du travail, l’employeur devra d’abord essayer de le reclasser. Si le reclassement s’avère impossible, il pourra alors le licencier pour inaptitude.
Carole Anzil
Auteur pour les éditions Tissot
Chronique réalisée dans le cadre de l’association Réso Hebdo Éco – www.reso-hebdo-eco.com