Entretien avec Jean-Marc Morel, responsable du pôle social/RH et associé RSM, réseau mondial d’audit-conseil
Organiser le travail pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques
Télétravail, RTT, congés… Un panel de solutions s’ouvre aux DRH pour atténuer l’impact potentiel des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) sur le quotidien des salariés et l'organisation des entreprises. Le gouvernement incite les employeurs franciliens et proches des sites de compétition qui le peuvent à mettre en place le télétravail pendant les Jeux, même si ce mode de fonctionnement reste optionnel et libre à chacun. Entretien avec Jean-Marc Morel, responsable du pôle social/RH et associé RSM, réseau mondial d’audit-conseil.
Quelles
sont les alternatives possibles pour les entreprises en termes
d’organisation du travail pendant les JOP ?
Il
y a d’un côté les entreprises dont l’activité est directement
liée et impacté par les JO. C’est le cas, par exemple, du secteur
de la restauration. Pour ces entreprises, la loi du 19 mai 2023
permet d’ajuster leurs besoins en personnel pour faire face au
surcroît de travail et répondre à la demande économique. Elle
permet, par exemple, de suspendre
les jours de repos ou d’autoriser le travail le dimanche. Autre cas
de figure, celui des entreprises qui ne sont pas directement
impactées par les JO, mais dont les accès ou les trajets vont être
impactés ou rendus compliqués par les Jeux. Le gouvernement pousse
ces entreprises à mettre leurs salariés en télétravail pour
éviter qu’il y ait trop de monde dans les transports. Mais cela
reste au bon vouloir de l’entreprise.
Que
se passe-t-il concrètement pour les entreprises directement
impactées par les Jeux ?
Suite à la loi du 19 mai 2023, les décrets de novembre 2023 prévoient des éléments particuliers pour que les entreprises situées dans les communes d’implantation des neuf sites de compétition (Paris, Villeneuve-d’Ascq, Nice, Saint-Etienne, Marseille, Bordeaux, Châteauroux, Lyon, Nantes), et dans les communes limitrophes ou situées à proximité de ces sites, puissent mettre en place des dérogations au repos dominical. Cette souplesse est donnée à toutes les entreprises qui vont devoir travailler avec les JO. Mais celle-ci ne s’appuie que sur du volontariat.
Néanmoins, il ne s’agit pas de bafouer le droit du
travail : il y a tout un formalisme à respecter. Ainsi,
l’obtention au préalable d’une autorisation préfectorale est
nécessaire. Autorisation qui ne peut valoir que pour une période
comprise entre le 15 juin et le 30 septembre 2024. En contrepartie,
les établissements doivent attribuer au salarié un repos
compensateur un autre jour par roulement et lui offrir une
contrepartie financière. Concrètement, l’accord est donné à
l’employeur par écrit et le salarié peut revenir à tout moment
sur sa décision, à partir du moment où il prévient son employeur
dix jours avant. Par cette mesure, le gouvernement veut, entre
souplesse pour les entreprises et sécurité pour les salariés, à
la fois que les entreprises soient au rendez-vous et protéger les
salariés. Beaucoup de garde-fous ont été mis en place.
Quid des autres entreprises situées à proximité de sites olympiques ?
Dans le texte d’origine du Code du travail, le recours au télétravail est possible seulement pour des causes exceptionnelles comme le Covid, des intempéries ou des grèves, tout en devant respecter un certain formalisme. Les entreprises doivent anticiper et réfléchir dès maintenant pour savoir si elles se situent dans une zone qui sera impactée par les JO ou non, pour qu’elles puissent continuer à tourner et organiser le travail en conséquence.
Je conseille aux
chefs d’entreprise d’anticiper dès maintenant la question du
télétravail ou de la prise de congés, si l’entreprise doit se
retrouver en sous-activité totale. Si tout le quartier de
l’entreprise se retrouve bloqué pendant x jours du fait d’une
épreuve et que celle-ci
doit fermer à ce moment-là, mieux vaut l’anticiper et jouer avec
le panel d’outils qui s’offre à elle – congés, RTT,
télétravail… Les entreprises doivent donc se renseigner sur les
épreuves prévues, car tous les lieux ne sont pas impactés pendant
toute la durée des Jeux.
Quant au télétravail, il doit être encadré par le biais d’une charte, d’une note de service ou d’un avenant à un accord spécifique aux JO. Soit un accord du type «De telle date à telle date, dans le cadre des JO par rapport aux problématiques de transport que pourront rencontrer les salariés, on accorde la possibilité aux salariés dont le métier permet de faire du télétravail et qui sont suffisamment autonomes pour le pratiquer de faire du télétravail, à condition toutefois de respecter les rendez-vous clients, l’obligation de travailler le jour, le droit à la déconnexion, des jours de roulement, etc».
L’idée est de se concerter au préalable avec les salariés pour trouver un accord et les faire adhérer au principe, au risque sinon de voir la motivation ou l’ambiance se dégrader. Il revient à l’employeur de fixer des règles du jeu claires et de prévenir que si celles-ci ne sont pas respectées, un retour au bureau pourra être envisagé. Ces règles doivent être à la fois simples et claires pour être bien comprises par l’ensemble des collaborateurs.
Trop souvent les chefs d’entreprise et les RH déplorent que le télétravail ne marche pas, car il n’est pas suffisamment encadré dans les entreprises. Le télétravail ne doit pas être assimilé par les salariés à des jours de congés ; il y a souvent confusion entre les deux. A noter que le salarié peut refuser de faire du télétravail, mais il devra, dans ce cas, le justifier.