Nouvelle dynamique pour l'hydrogène décarboné en Hauts-de-France

Des bus à hydrogène à Bruay-la-Buissière en plein cœur du bassin minier, une expérimentation Gestion des réseaux par l’injection d’hydrogène pour décarboner les énergies (GRHYD) dans le Dunkerquois – premier démonstrateur Power to Gas en France – ou encore la mise en œuvre d’un écosystème hydrogène vert intégré sur le territoire de Douaisis Agglo : les actions pour développer la filière d’un hydrogène décarboné fleurissent depuis quelques années en Hauts-de-France. Suivant ainsi les orientations du Plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique établi au niveau national en juin 2018, le projet de programmation pluri-annuelle de l’énergie prévoyant de remplacer à l’horizon 2028 de 20 à 40% l’hydrogène "gris" (produit par reformatage des énergies fossiles) par de l’hydrogène décarboné.

La feuille de route établie par l’exécutif régional a vocation à accompagner «l’avenir d’une filière qui permettra la création de nombreux emplois locaux tout en ayant un impact majeur sur la transition énergétique et la qualité de l’air», avec la volonté de s’appuyer sur des écosystèmes économiques territoriaux, pour favoriser les dynamiques locales – privées comme publiques –, en circuit court.

« être leader et exemplaire sur les enjeux de décarbonation»

«Nous allons actualiser cette feuille de route dans les prochaines semaines, pour qu’elle soit finalisée d’ici la fin de l’année, parce que plus jamais ce sujet est d’actualité. La Région a comme ambition d’être leader et exemplaire sur les enjeux de décarbonation, concrétisés par rev3, toutes nos politiques sont imprégnées par cette question de la transition énergétique et sociétale, rappelle Frédéric Motte, président de la Mission rev3 et conseiller régional délégué à la Transformation économique de la région. Nous revisitons l’ensemble de notre fonctionnement : à compter de juin, toutes les délibérations seront assorties d’un encart expliquant en quoi elles concourent aux enjeux de ces transitions. C’est une vraie lame de fond, dans laquelle nous devons entraîner les communes, les citoyens et les entreprises.»

Le développement de cette filière hydrogène, alternative aux énergies fossiles, répond aussi à l’urgence climatique, en intégrant une chaîne complète de production, conditionnement, distribution et valorisation d’hydrogène 100% d’origine renouvelable dans les applications finales, grâce à un potentiel de réduction des émission de gaz à effets de serre pour les transports ou l’industrie considérable.

«Ce nouveau mode appelle des réseaux intelligents en capacité de s’adapter aux évolutions locales de production et de consommation en s’appuyant sur des capacités locales de stockage. Les Hauts-de-France constituent un territoire propice au développement de l’hydrogène avec de nombreux acteurs impliqués sur l’ensemble de la chaîne de valeur. La Région Hauts-de-France s’intéresse à ce vecteur énergétique qu’est l’hydrogène depuis 2005, avec la plate-forme Hydrogène, énergie, environnement et transports (HEET) notamment, elle a soutenu de nombreux projets, dans les domaines de la recherche, de la R&D, ainsi que des démonstrateurs et plus récemment des projets opérationnels de production et de mobilité» peut-on lire dans l’actuelle feuille de route, dont le but est d’établir une stratégie concrète et pragmatique et qui s’inscrit dans la dynamique rev3.

Passer à l’hydrogène décarboné, une nécessité pour les grosses industries

Si la Région mise autant sur l’hydrogène décarboné, c’est notamment parce que les technologies de fabrication, par des procédés non émetteurs de CO₂, sont de plus en plus accessibles et «permettent d’envisager à horizon de quelques années la mise sur le marché d’hydrogène décarboné compétitif».

Une nécessité au vu des trajectoires réglementaires fixées par l’Europe en matière de diminution des pollutions liées aux transports et avec la hausse de la taxe carbone, qui incitent les industriels à rechercher des solutions pour réduire les émissions de CO₂ liées à leurs activités, les constructeurs de véhicules à proposer des moyens de transports faiblement émetteurs de CO₂ et les filières du bâtiment à développer l’équipement énergétique en hydrogène des bâtiments et logements.

«L’entreprise qui n’intègre pas rev3 et la transition énergétique va mourir, elle ne trouvera plus d’argent auprès des banquiers, ni de collaborateurs et clients», prédit Frédéric Motte. La Région a identifié six domaines d’intervention prioritaire : l’énergie, la décarbonation de l’industrie, la mobilité, la rénovation immobilière, l’agriculture/ agroalimentaire et l’économie circulaire. Et se penche également sur la question de la distribution de cet hydrogène décarboné.

«Nous sommes relativement prudents et réservés sur l’automobile à hydrogène, l’alternative électrique fonctionne bien, il faut faire des choix, et aller à l’essentiel, en l’occurrence l’industrie et les transports lourds. Nous devons travailler de concert avec les collectivités pour définir la façon dont acheminer l’hydrogène sur certains secteurs comme l’autoroute A1, le Canal Seine Nord Europe ou le front de mer», précise Frédéric Motte. Des projets devraient émerger dans moins de cinq ans dans plusieurs territoires où son concentrées de grosses entreprises : le Dunkerquois, le Valenciennois, la Vallée de la Bresle, le Compiégnois.

«Notre région est peut-être LA région du mix énergétique : première en méthanisation, sur le gaz de mines et en nombre de projets et investissements financiers sur l’hydrogène. L’hydrogène est une des solutions possibles, qui a un gros avantage : il peut être stocké», appuie le président de la Mission rev3, convaincu qu’il faut décarboner les très grosses industries des Hauts-de-France.

«Le 4 juillet prochain se tiendra à Dunkerque une première réunion, un "Parlement de l’hydrogène" qui mobilisera les forces vives intéressées, avec la venue d’un représentant de Bruxelles qui donnera la vision de l’Europe sur ce sujet», révèle Frédéric Motte. Pour le conseiller régional, le développement de l’hydrogène décarboné doit dépasser les frontières de l’Hexagone, «nous travaillons actuellement avec six autres régions européennes – les deux régions belges, les trois hollandaises et la Rhénanie-Westphalie en Allemagne, pour structurer la filière et les corridors pour se partager l’hydrogène», illustre-t-il.

L’Europe travaille sur la question des corridors nord-sud, de gros projets pourraient voir le jour avec l’Afrique du Nord et l’Espagne, l’hydrogène qui y serait produit serait acheminé vers l’Allemagne, et une des canalisations identifiées pour traverser la France passerait par Valenciennes.

«La démarche de la Région est unique, volontariste et ambitieuse sur cet enjeu de développement durable et économique pour atteindre la neutralité carbone. Il y a tout un écosystème qui se met en place en Hauts-de-France, c’est une vraie belle dynamique», conclut Frédéric Motte.