Entretien avec Hubert Tondeur, président de l'Ordre des experts-comptables Hauts-de-France

«Nos métiers, bien que traditionnels, sont en pleine mutation»

L'Ordre des experts-comptables Hauts-de-France organise pour la deuxième fois son Campus régional en 100% digital, du 28 juin au 9 juillet prochains. Au programme, des actualités fiscales et sociales, des ateliers de formation au management et au digital, mais aussi des démonstrations de solutions innovantes en partenariat avec EuraTechnologies.

"Nous allons nous mettre en perspective sur des thématiques technologiques et managériales", explique Hubert Tondeur, à propos du Campus digital. © Aurélie Evrard
"Nous allons nous mettre en perspective sur des thématiques technologiques et managériales", explique Hubert Tondeur, à propos du Campus digital. © Aurélie Evrard

La Gazette Nord-Pas-de-Calais : Durant 15 jours, les participants au campus virtuel vont pouvoir se former mais aussi bénéficier de démonstrations de solutions innovantes.

Hubert Tondeur, président de l'Ordre des experts-comptables Hauts-de-France : En effet, d'un côté, un point technique sur les actualités fiscales, sociales et sur notre exercice professionnel, avec un focus particulier sur l'examen de conformité fiscale – une nouvelle mission pour notre profession sur cet exercice 2021.

De l'autre, des ateliers sur l'attractivité, la digitalisation de nos cabinets et le management de nos équipes. Nous traitons ces sujets depuis quelques années déjà, mais avec la COVID et la facture électronique, tout s’accélère sur le plan du digital. Nous présentons une nouveauté, le lancement d'une plateforme digitale de recrutement, en partenariat avec la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes. L'objectif ? Bénéficier de davantage de visibilité, via un outil permettant d'échanger et de réaliser des entretiens en visioconférence. D'ores et déjà, une centaine de cabinets est référencée.

Les cabinets d'expertise-comptable doivent-ils donner une nouvelle image de la profession ?

Il nous faut changer les méthodes de recrutement pour se rapprocher des jeunes qui cherchent à faire des stages ou de l'apprentissage, sans oublier celles et ceux qui souhaitent changer d'activité ou d'environnement professionnel.

Et c'est un travail d'ensemble : il ne s'agit pas de travailler uniquement sur le recrutement mais aussi sur l’image de nos cabinets et le management de nos équipes. Faire savoir que nous sommes au cœur de l’économie et de la digitalisation.

C'est-à-dire ?

Communiquer sur les réseaux sociaux, sur le web, mais aussi mieux comprendre nos clients et leurs attentes. Nous avons face à nous des start-up en développement, avec des outils et des terminologies différentes : il est indispensable de s'approprier les éléments de langage pour pouvoir les accompagner. D'où un atelier sur les business models et les plans de financement des start-up (le 7 juillet de 9h à 10h15 et le 8 juillet à 16h30), sans oublier la présentation du partenariat avec EuraTechnologies – avec lequel nous avons signé une convention en 2020 – et l'incubateur FALC (le 30 juin à 18h30).

L'année 2020 aura également été l'occasion de signer un autre partenariat avec Pôle emploi. Trouver des talents est une nécessité pour le renouvellement de la profession ?

Recruter, c'est aussi trouver des personnes en recherche d'évolution professionnelle. Ce partenariat avec Pôle emploi nous permet de transmettre nos demandes pour que localement, il soit possible de trouver les profils qui nous correspondent le mieux. Et nous comptons sur les réorientations professionnelles pour trouver les profils correspondant à nos nouveaux besoins.

"La profession continuera d'exister mais sous des formes différentes"

Certains profils sont-ils particulièrement en tension ?

D'une manière générale, les métiers du chiffre sont des métiers sur lesquels on éprouve de la difficulté à recruter, que ce soit en cabinet comme en entreprise. Nos métiers, bien que traditionnels en apparence, sont en pleine mutation, au cœur des mutations technologiques et des besoins de l’économie. Rappelons-le, les experts-comptables ont été les premiers à porter l'informatique dans l'entreprise avec la comptabilité, ont été les canaux de diffusion des aides COVID et ont assuré la remontée des problématiques des entrepreneurs pendant cette période de crise sanitaire.

Nous sommes dans une révolution technologique et relationnelle : travailler sur les processus pour mieux accompagner et conseiller nos clients. Cela demande une expertise importante, une maîtrise conceptuelle des tâches exécutées par la machine pour mieux d’apprécier et en tirer les conclusions en terme de conseil.

Dans ce contexte, la profession connaîtra une profonde mutation avec des conditions d’exercice différentes et certainement sur des métiers différents.

Nos objectifs ? Proposer de nouveaux services basés sur le digital, pour mieux conseiller et accompagner nos clients. Nous étions dans la production relationnelle, nous devons «intégrer» le digital pour être phygital… Plus de digital pour plus d’automatisation et plus d’accompagnement.


"Autant la massification des aides était indispensable, autant les débrancher va nécessiter un ciblage", souligne Hubert Tondeur.

Après l'arrêt quasiment total de l'économie en mars dernier et depuis peu, la reprise, comment analysez-vous cette année 2021 et celles à venir ?

Il est encore tôt pour tirer un bilan alors que les aides sont encore présentes. Mais l'arrêt de ces aides devra se faire progressivement, en fonction des secteurs d'activité et de l'évolution de la crise sanitaire. Autant la massification des aides était indispensable, autant les débrancher nécessite un ciblage. Pour autant, la reprise économique est là, avec le retour de la consommation et de la demande.

Comment ressentez-vous le moral des chefs d'entreprise ?

Le moral est plutôt bon car la consommation est là, le carnet de commandes se remplit, le gouvernement reste présent et les experts-comptables apportent des solutions…

Un chef d'entreprise, par nature, a toujours envie d'investir. Et le plan de relance régional va en ce sens. Ces investissements sont nécessaires pour les entreprises, qu'elles soient industrielles ou de service. Mais certains marchés restent en tension à cause d'une augmentation du coût des matières premières et donc du coût de production. Je pense notamment à la plasturgie et à la métallurgie. C'est inquiétant car ces entreprises ont des chemins de remboursement de dettes réalisables mais sont inquiétées par la chute des marges.