Michel Guérard, génie de la gourmandise minceur

Michel Guérard, décédé dans la nuit de dimanche à lundi, est un chef landais qui a révolutionné la gastronomie dans les années 1970 avec la nouvelle cuisine, dont il est l'un des chefs de file, et...

Le chef Michel Guérard, triplement étoilé au guide Michelin depuis 1977, pose dans la cuisine de son restaurant Les Prés d'Eugénie, à Eugénie-les-Bains, dans les Landes le 28 novembre 2008 © PIERRE ANDRIEU
Le chef Michel Guérard, triplement étoilé au guide Michelin depuis 1977, pose dans la cuisine de son restaurant Les Prés d'Eugénie, à Eugénie-les-Bains, dans les Landes le 28 novembre 2008 © PIERRE ANDRIEU

Michel Guérard, décédé dans la nuit de dimanche à lundi, est un chef landais qui a révolutionné la gastronomie dans les années 1970 avec la nouvelle cuisine, dont il est l'un des chefs de file, et inventé un nouveau répertoire savoureux de "cuisine minceur".

"C'était un très grand chef visionnaire, qui avait su s'adapter au département avec tous les producteurs, éleveurs et gaveurs et rendait hommage à ce patrimoine dans sa carte. Il va manquer à la France", a indiqué à l'AFP son ami le chef étoilé Jean Coussau.

Trois étoiles Michelin depuis 1977, premier chef français à avoir fait la Une du magazine américain Time, il est considéré par certains critiques et nombre de ses pairs comme l'un des cuisiniers les plus talentueux du XXe siècle.

Son credo: "changer les gestes en cuisine" pour alléger en gras et en sucre, "mais en gardant le goût comme ligne de force, avec son corollaire immédiat qui est le plaisir".

Chou farci ou cassoulet et même, pourquoi pas, un Paris-Brest en remplaçant la crème avec des blancs battus en neige "et juste une touche de crème fouettée": "en se donnant un peu de mal, on peut faire des choses assez formidables qui sont équilibrées et hypocaloriques", affirmait le cuisinier.

Michel Guérard dit avoir été inspiré par l'observation à Eugénie-les-Bains (Landes), avant de s'y installer en 1974, de curistes attablés devant de "pauvres carottes râpées et un bout de jambon".

Né le 27 mars 1933, ce fils de bouchers, originaire de la vallée de Seine si souvent peinte par Monet, doit abandonner très tôt ses études. Alors qu'il rêvait d'être médecin, il fait son apprentissage en pâtisserie à Mantes-la-Jolie.

"Une vie passionnante et passionnée", dit-il de son parcours, celui d'un enfant qui "a eu la +chance+ d'avoir connu la guerre et d'avoir eu faim et froid pour permettre ensuite de relativiser tout le reste".

Meilleur ouvrier de France à 25 ans, il exerce ses talents au Crillon puis au Lido, où il découvre qu'"au fond, un restaurant, c'est une scène de théâtre".

En 1965, il achète à la bougie le "Pot-au-feu", un petit bistrot nord-africain d'Asnières, en banlieue parisienne. Après des débuts difficiles, il y fait venir le Tout-Paris avec sa "salade folle", devenue "gourmande", alliant copeaux de foie gras et vinaigrette, mariage impensable à l'époque.

Maigrir de plaisir

Une première étoile Michelin tombe en 1967, suivie d'une deuxième trois ans plus tard.

Exproprié du "Pot-au-feu" en 1972, il multiplie les projets, aidant notamment la chanteuse Régine à ouvrir des clubs à Moscou puis New York. 

Deux ans plus tard, il s'installe dans la station thermale de la famille de sa jeune épouse Christine, héritière de la Chaîne thermale du soleil.

Apôtre du "bien manger", il s'ingénie à faire "maigrir de plaisir". Il se fait connaître alors du grand public par deux succès d'édition: "La grande cuisine minceur" (1976) et "La cuisine gourmande" (1978), traduits dans une quinzaine de langues, puis grâce à des émissions à la télévision.

Michel Guérard propose par exemple le confit byaldi, une piperade de poivrons, de tomates, de courgettes et d'aubergines grillés couverte d'un trait de vinaigrette, popularisée par le chef américain Thomas Keller jusqu'à devenir le plat phare du film d'animation "Ratatouille" (2007).

Au mépris de la polémique, Guérard a longtemps travaillé comme consultant pour le groupe Nestlé.

En 2013, il fonde son "Ecole cuisine de santé", l'Institut Michel Guérard, dans son fief d'Eugénie-les-Bains avec l'idée d'apporter sa contribution à la lutte contre les maladies chroniques de la vie moderne (obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires, etc.)

"Si la cuisine était nobélisable, ce serait notre premier prix Nobel", soulignait en 2022, lors d'un hommage, Michel Sarran son élève, le chef toulousain aux deux macarons Michelin. 

"Les aînés m'ont raconté cette blague: +Tu vas manger chez Guérard, n'oublie pas ton ordonnance+. On le raillait un peu mais c'est lui qui avait raison. Il suffit d'ouvrir n'importe quel magazine, on ne parle que de ça aujourd'hui", résumait-il. 

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