Observatoire régional du logement neuf par le Cecim

Logement neuf dans les Hauts-de-France : vers une crise de l'offre ?

Année perturbée pour le logement neuf en Hauts-de-France : chute significative des réservations, ventes en berne, allongement de l'écoulement de l'offre... Le Cecim* Nord a fait état d'un observatoire régional inédit pour 2020, signe d'un immobilier en plein bouleversement.

L'immobilier neuf : l'offre peine à répondre aux nombreuses demandes. (c)AdobeStock
L'immobilier neuf : l'offre peine à répondre aux nombreuses demandes. (c)AdobeStock

Moins 36% pour les réservations nettes, moins 19% pour les mises en vente, mais une offre disponible en hausse de 7% qu'il faut cependant tempérer : « C'est un effet de stock. Rapidement, cette offre sera consommée », prévient Sébastien Beurel, vice-président du Cecim Nord, mettant l'accent sur la particularité amiénoise par rapport aux autres villes des Hauts-de-France, qui subit un recul de plus de 50% – avec une chute vertigineuse des résidences gérées, passées de 652 en 2019 à 327 en 2020 – alors que le marché avait atteint son paroxysme ces dernières années, porté par l'investissement privé.

Le Schéma de cohérence territoriale (Scot) de Lille concentre à lui seul 85% des réservations du Nord, soit 62% des volumes de réservations de logements neufs des Hauts-de-France, en recul de 8% par rapport à 2019. « Les réservations nettes avaient augmenté de 5% en 2019, pour chuter de 35% en 2020 (soit 500 logements de moins sur Lille). Les mises en vente ont diminué de 13% également. L'offre disponible avait déjà baissé l'an dernier de 24%, en-dessous du niveau des réservations ; elle remonte aujourd'hui de 15% du fait de la baisse des réservations », explique Vincent Catrice, directeur de Dubois promotion et vice-président du Cecim.

Un allongement de l'écoulement de l'offre

Sur le collectif comme sur l'individuel groupé, la chute des réservations est de 35%, à la fois pour les utilisateurs et les investisseurs. Loi ELAN, réglementation relative aux zones humides, loi d'artificialisation des sols, mais aussi période d'élections municipales... autant de nombreuses contraintes qui ne vont pas dans le sens de la production de maisons individuelles groupées (qui représentent seulement 13% de la production de logements neufs). 

Ce qui n'est pas sans inquiéter le Cecim : « Compte-tenu des délais d'instruction et des recours, on peut craindre que le délai d'écoulement, passé à douze mois pour l'individuel et à 19 mois pour le collectif, ne soit insuffisant pour recréer une offre pour les années à venir. » Rien qu'en 2020, 40 000 ventes ont été perdues sur les Hauts-de-France et 14 000 projets de logements n'ont pas abouti. Les demandes de permis de construire ont baissé de 21,5% entre janvier 2020 et janvier 2021.

Néanmoins, certaines zones affichent de belles progressions comme Roubaix et la couronne Sud de Lille (à eux seuls, ces territoires concentrent 37% des réservations du Scot de Lille). Du côté des prix, on peut s'attendre à une incidence de 5 à 10% de la crise sanitaire sur le coût des travaux : pression foncière, pénurie de terrains, Covid-19... Autant de paramètres qui devraient donc avoir une conséquence, en bout de chaîne, sur le prix de vente. Actuellement, le prix moyen du collectif au mètre carré est de 3 616 euros sur la MEL, en augmentation de 3%, une augmentation du même acabit que sur les autres métropoles françaises.

Jean-Michel Sede, président du Cecim Nord, voit tout de même des signes positifs : « La demande des particuliers reste soutenue et les taux d'intérêt sont bas... Ces indicateurs sont favorables pour la reprise, mais le coût du foncier reste élevé et il y a une acceptation moindre de la densification urbaine pour les habitants. Les nouvelles opérations vont permettre de soutenir le marché, mais la principale problématique de 2021 sera la reconstitution de l'offre. »

Un frein post-électoral ?

Doit-on craindre une pénurie de logements pour 2021 et 2022 ? Janvier 2021 a vu une augmentation de 30% du nombre de réservations ; encore faut-il que les travaux puissent ensuite être mis en œuvre. Philippe Depasse, président de la Fédération des promoteurs immobliers (FPI) Hauts-de-France, ne cache pas son inquiétude : pour lui, le problème vient d'ailleurs. 

« La difficulté à reconstituer l'offre est indépendante de la crise sanitaire. On pensait que les élus seraient présents pour nous accompagner dans la relance, mais il y a un vrai frein post-électoral. Les maires sont préoccupés par la crise, mais nous sommes dans une situation paradoxale : l'État nous demande d'arrêter de construire en périphérie et les maires, dans leurs villes, veulent des espaces de respiration. » Un vrai casse-tête, donc, pour les acteurs de l'immobilier neuf.

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L'immobilier ancien a connu une belle reprise depuis septembre 2020. (c)AdobeStock

L'immobilier ancien tire son épingle du jeu

Si l'immobilier neuf souffre beaucoup de la crise, il n'en est pas de même pour l'immobilier ancien qui a observé une reprise dynamique à partir de septembre 2020. « Les volumes ont résisté, même si le Nord a affiché une baisse de 4,6% en 2020, et le Pas-de-Calais, -0,2% », détaille Me David Benveniste, de la Chambre interdépartementale des notaires du Nord-Pas-de-Calais. 

Les maisons anciennes sont les biens qui attirent le plus d'acquéreurs. « Depuis un an, les prix flambent : dans le Nord, les maisons affichent une progression de +9% et +8,3% pour les appartements, bien plus que les tendances nationales (respectivement +6% et +6,6%). Les prix augmentent partout, mais on remarque que Paris n'est plus la locomotive de l'immobilier. Les grands gagnants sont les villes moyennes de périphérie. » Un marché de pénurie avec une offre qui a du mal à suivre la demande et qui dépendra de l'évolution de la crise même si les taux d'intérêt jouent en faveur des acquéreurs.

À l'heure où les Français misent sur l'épargne et se réfugient dans la sécurité de l'investissement immobilier, Emmanuel Chambat, président de la FNAIM, ne cache pas ses interrogations : « Il y a déjà une pénurie sur l'offre locative depuis 2019. Pour y pallier, il faut pouvoir produire et interpeller les pouvoirs publics, sinon on va perpétuer cette crise. L'année 2021 verra probablement un rééquilibrage des prix, selon les dispositifs fiscaux en vigueur. » La profession ne s'attend donc pas à un rebond d'activité pour 2021. Reste aux acteurs de l'immobilier à se renouveler pour pallier cette situation sans précédent.

* Centre d'études de la conjoncture immobilière