Licenciement d’un salarié protégé : le principe du contradictoire prolongé
Une récente décision du Conseil d’État relative à la procédure de licenciement d’un salarié protégé est passée relativement inaperçue (1). Pourtant, l’apport est important puisque la Haute Juridiction prolonge l’application du principe du contradictoire aux décisions prises sur recours, contre la décision de l’inspecteur du travail.
En vertu de l’article L. 2421-3 du Code du travail, lorsque
l’employeur souhaite procéder au licenciement d’un salarié légalement investi
de fonctions représentatives, il est tenu d’adresser une demande en ce sens à
l’inspection du travail dont dépend l’établissement. L’article R. 2421-11 du
même code prévoit que l’inspecteur du travail procède à une enquête
contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire
assister d’un représentant de son syndicat. Concrètement, ce principe signifie
que l’inspecteur du travail est dans l’obligation de mettre le salarié à même
de présenter des observations écrites ou orales lors d’un entretien.
L’inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de deux mois à compter
de la réception de la demande. Le silence gardé pendant plus de deux mois vaut
décision de rejet. Conformément aux dispositions du Code des relations entre le
public et l’administration, l’employeur ou le salarié concerné peuvent former
un recours hiérarchique, c’est-à-dire auprès du ministre du Travail, à
l’encontre de la décision de l’inspecteur du travail. Naturellement, tel sera
le cas du salarié qui souhaite contester l’accord donné par l’inspection du
travail ou de l’employeur qui souhaite contester le refus d’accord, qu’il soit
implicite ou explicite.
En cas de recours hiérarchique, une nouvelle procédure contradictoire doit-elle être mise en œuvre ? Conformément aux articles L. 121-1 et L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration, les décisions qui « refusent une autorisation » sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable. Ces décisions ne peuvent intervenir qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Dans sa décision du 10 juillet dernier, le Conseil d’État s’est fondé sur ces dispositions pour estimer que « le ministre chargé du Travail, saisi d’un recours contre une décision autorisant ou refusant d’autoriser le licenciement d’un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits – à savoir, respectivement, l’employeur ou le salarié protégé – à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l’ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision ». La logique du Conseil d’État est imparable… mais contraignante pour l’administration. Elle constitue une sorte d’arme à double tranchant, bénéficiant largement à la personne tirant parti de la décision de l’inspection du travail. Concrètement deux situations sont envisageables. Lorsque l’inspection du travail a donné son accord pour le licenciement d’un salarié protégé, si le salarié concerné forme un recours hiérarchique, le ministre sera dans l’obligation de mettre à même l’employeur de présenter des observations. D’un autre côté, cela signifie également que lorsque l’employeur désire former un recours hiérarchique à l’encontre d’un refus de l’inspection du travail, le ministre sera tout autant tenu de permettre au salarié de présenter des observations. Dans les faits, cette obligation du ministère se matérialisera par l’envoi d’une simple lettre rappelant à son destinataire son droit à présenter des observations écrites ou orales dans un certain délai. Au-delà de la délicate question de l’équilibre entre les droits des employeurs et ceux des salariés, le Conseil d’État affiche sa volonté de renforcer les droits acquis, aux uns comme aux autres.
(1) CE, 10 juillet 2019, n° 408644