"Liberté" ou "droit" à l'IVG: qu'est ce que ça change?

Emmanuel Macron veut sanctuariser la "liberté garantie" des femmes à recourir à l'interruption volontaire de grossesse: en quoi cette formulation, compromis politique retenu dans le texte qui a passé une première étape à l'Assemblée mercredi, diffère-t-elle...

L'Assemblée nationale lors d'une séance de questions au gouvernement, le 24 octobre 2023 à Paris © Thomas SAMSON
L'Assemblée nationale lors d'une séance de questions au gouvernement, le 24 octobre 2023 à Paris © Thomas SAMSON

Emmanuel Macron veut sanctuariser la "liberté garantie" des femmes à recourir à l'interruption volontaire de grossesse: en quoi cette formulation, compromis politique retenu dans le texte qui a passé une première étape à l'Assemblée mercredi, diffère-t-elle d'un "droit à l'IVG" préconisé par les féministes?

Pourquoi la "liberté garantie"?

Le projet de loi prévoit d'insérer à l’article 34 de la Constitution que "la loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse".

Avec la formule "liberté garantie", l'exécutif tente de trouver une voie médiane entre l'Assemblée, qui avait adopté fin 2022 un texte LFI pour garantir "l'effectivité et l'égal accès au droit à l'IVG", et le Sénat, qui avait adopté une version modifiée évoquant la "liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse".

Dans son avis sur le projet de loi constitutionnelle du 12 décembre, le Conseil d'Etat considère que "la consécration d'un droit à recourir à l'interruption volontaire de grossesse n'aurait pas une portée différente de la proclamation d'une liberté".

"Le mot +garanti+ vise à créer un bouclier protecteur qui protège le droit à l'IVG tel qu'il est défini aujourd'hui (délais, remboursements...)", a indiqué à l'AFP le rapporteur du texte Guillaume Gouffier-Valente (Renaissance).

Qu'en pensent les associations féministes?

Elles réclamaient initialement un "droit à l'IVG" mais elles acceptent le compromis comme "le seul chemin possible vers un vote", selon la Fondation des Femmes.

L'avis du Conseil d'Etat les a "rassurées" car "il donne aux termes +liberté+ et +droit+ la même valeur constitutionnelle", précise Albane Gaillot, chargée de plaidoyer au Planning familial. Le mot "garanti" est une demande des féministes "pour donner plus de poids", ajoute-t-elle.

"Plus qu'un symbole, c'est une garantie contre un retour en arrière", souligne-t-elle, jugeant que l'IVG devient un "droit fondamental". 

"Une femme qui aura des difficultés dans son département à obtenir une IVG pourra même se prévaloir de l'inscription de l'IVG dans la Constitution pour saisir le tribunal administratif", conclut-elle.

Que disent les opposants?

Pour Alliance Vita, au contraire, "inscrire l’avortement dans la Constitution menace gravement d’autres libertés". L'association anti-IVG craint que cela pourrait ouvrir la voie "à terme" à une "suppression par le législateur de la clause de conscience des soignants sur l’IVG, ou encore des délais limitant l'avortement".

Une assurance pour l'avenir?

La formulation retenue "signifie qu'aucune loi ne pourra dire explicitement que la femme n'a pas la liberté de recourir à l'IVG", selon Laureline Fontaine, professeure de droit constitutionnel à la Sorbonne Nouvelle Paris 3.

Mais "le texte ne dit rien sur les conditions dans lesquelles cette liberté s'exerce. C'est à la loi de le dire", rappelle-t-elle.

Toutefois, selon les constitutionnalistes, tout dépendra de l'interprétation du Conseil constitutionnel s'il doit se prononcer sur une loi sur l'IVG.

"Cela augmente les chances que, si demain une majorité parlementaire défavorable à l'IVG tente d'en changer les conditions - délai, remboursement -, le Conseil constitutionnel se sente fondé à censurer cette loi. Mais on ne peut pas dire avec certitude qu'il le ferait", décrypte Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public à l'université Paris Nanterre.

"Si une loi change les délais légaux pour une IVG, le Conseil constitutionnel pourrait la juger conforme. Mais il pourrait aussi dire qu'elle n'est pas conforme, en argumentant qu'à l’époque où la Constitution a été modifiée, le délai était de 14 semaines", confirme Mme Fontaine.

"Pour cela, il pourra regarder les débats au Parlement pour saisir quelle était l'intention du Constituant: s'il entendait par exemple maintenir les conditions dans lesquelles l'IVG est pratiquée aujourd'hui", poursuit-elle. Le "constituant" étant en l'occurrence les parlementaires qui seront réunis en Congrès, début mars si est respecté le calendrier espéré par Emmanuel Macron.

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