Les trésors cachés de Renescure

Aujourd’hui, mieux vieillir est une des préoccupations des Français, très sensibles à leur bien-être mais aussi aux messages gouvernementaux des programmes nationaux nutrition santé : les fameux «Manger cinq fruits et légumes par jour» ou «Pour votre santé, bougez plus». La conséquence se retrouve directement dans l’assiette avec une consommation d’aliments bénéfiques et nutritionnellement sains.

Les graines, lavées et nettoyées, prêtes pour le conditionnement.
Les graines, lavées et nettoyées, prêtes pour le conditionnement.

Parmi ces aliments, les graines germées produites par Wostin’1 à Renescure. Et, plus précisément, les pousses de soja. C’est dans une ancienne laiterie qu’un atelier de production de pousses de soja à destination de l’industrie de la conserve a été racheté par François Bonduelle il y a plus de 15 ans. Dès le départ, il investit dans la valorisation de l’outil, de façon à améliorer la qualité des pousses récoltées pour séduire de nouveaux clients. Mais, surtout il mise sur le frais, à une époque où le «bien manger» ne faisait pas encore vraiment partie des habitudes alimentaires avant d’exploser littéralement aujourd’hui…

 

D.R.

Les graines, lavées et nettoyées, prêtes pour le conditionnement.

Petite graine deviendra grande. «Une multitude de graines comestibles peuvent être germées : le poireau, le radis, le pois chiche… Mais chez Wostin’ nous faisons pousser la reine des graines germées car la plus consommée : la graine de haricot mungo, communément appelée, une fois germée, pousse de soja. Nous nous approvisionnons en semences en Asie car c’est là-bas que l’on trouve les meilleures semences. On laisse germer la graine, qui se développe, et on récolte les pousses de soja», détaille le dirigeant. Et ce, dans des salles de pousses où est reproduit un climat très spécifique : 90% de taux d’humidité, une eau à 22° et une température de 26°. La graine pousse dans le noir le plus complet, ce qui lui permet de grandir sans feuille. «C’est grâce à l’humidité que la graine germe et grâce à l’obscurité qu’elle s’allonge. Au bout de six jours, elle atteint 7 cm et est prête à être récoltée. Notre culture n’est pas tributaire des aléas climatiques, ce qui nous permet de garantir à nos clients une qualité constante.» Plus de 1 000 tonnes de semences sont ainsi importées chaque année, donnant naissance à 7 000 de pousses de soja !

 

D.R.

Wofoo, les pousses de soja en sachet.

Les pousses en sachet : «Wofoo». Wostin’ distribue ses produits vers deux types de marchés : les industriels et la grande distribution, auprès de laquelle l’entreprise vend les sachets de pousses sous la marque «Wofoo». Un marché naissant sur lequel François Bonduelle s’est positionné il y a six ans et qui représente aujourd’hui 30% de son activité : «Notre process innovant de germination nous permet d’être vendus dans l’îlot central du rayon fruits et légumes primeurs, là où il y a beaucoup de trafic. Le soja frais en sachet est un produit nouveau et sa consommation s’accélère. Les gens voyagent et s’ouvrent à d’autres cuisines. Ils veulent aussi mieux vieillir et, par conséquent, le végétal tient une place importante dans leur alimentation. La pousse de soja est naturellement riche en fibres et en vitamines.» Mais qui dit produit frais, et de surcroît élevé dans des conditions de chaleur et d’humidité, dit normes sanitaires drastiques. Ce produit sensible est soumis à des contraintes bactériologiques. Wostin’ a donc été à l’origine, en 2011, de la charte «Qualité-sécurité-engagement des producteurs» qui garantit la sécurité de ses produits. De plus, l’entreprise est certifiée ISO 22 000 depuis 2013. «Notre engagement dans une politique qualité est très fort alors que nous ne sommes qu’une PME de 25 salariés», poursuit François Bonduelle. En 2013, Wostin’ affiche un chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros. Et puisque qualité rime aussi avec proximité, un projet innovant a réuni, à Renescure, des industriels et des agriculteurs. Explications…

Usine du futur ? Fruit d’une réunion de bonnes idées, un projet d’usine de méthanisation va voir le jour en juillet 2014, initié par deux agriculteurs et Wostin’, rapidement rejoints par des industriels. «Wostin’ utilise beaucoup de chaleur et d’eau chaude. Il y a deux ans l’entreprise a réalisé un bilan carbone qui a mis en évidence que le premier poste de CO2 est la consommation de gaz fossile pour la production d’eau chaude. Comment faire autrement ?» s’interroge le dirigeant. C’est alors qu’il rencontre Jean-Damien Devynck et Julien Wyckaert, deux agriculteurs éleveurs dont les exploitations sont situées à Renescure, dans le même village que Wostin’. Ensemble ils font germer une ingénieuse idée de collaboration…

 

D.R.

François Bonduelle, dirigeant de Wostin’ et Jean-Damien Devynck, éleveur. Derrière eux, l’usine de méthanisation.

Agriculteurs mais pas seulement ! L’équation est simple : les vaches produisent du fumier et Wostin’ a besoin d’eau chaude. Pourquoi ne pas imaginer une usine de méthanisation, productrice de biogaz et donc utile à tous dans un périmètre de quelques kilomètres ? «On avait envie de faire évoluer notre métier pour ne pas rester simplement agriculteurs éleveurs. Dans le digesteur (une sorte de grosse cuve, ndlr), on incorpore tous les jours des matières : des déjections animales, des tontes de pelouse ou des cultures intermédiaires, mais aussi des épluchures de légumes, comme celles de l’usine de Bonduelle (elle aussi à Renescure, ndlr). Le digesteur est chauffé à 38°, les matières sont mélangées, brassées et on en récupère 80% de gaz», détaille Jean-Damien Devynck. La bactérie méthanogène – qui permet la création de gaz – est naturellement présente dans le lisier produit par les vaches. Et la combinaison avec les matières végétales de l’industrie permet la production de biogaz. Ce dernier peut être revendu sous forme d’électricité à EDF, utilisé comme substitution d’engrais chimique pour l’épandage et, enfin, réinjecté dans les industries, par exemple chez Wostin’ pour la production d’eau chaude. «A terme, je fermerai ma vanne de gaz et améliorerai de façon importante le bilan carbone de l’entreprise», espère François Bonduelle. Le projet, baptisé “Agri Flandre énergie”, a nécessité un important investissement de deux millions d’euros et sera opérationnel en juillet prochain. «Avec un retour sur investissement estimé à huit ans», précise Jean-Daniel Devynck. Autre nouveauté, l’utilisation d’un biofiltre pour neutraliser les odeurs afin de ne pas risquer d’importuner les riverains du village. Si pour notre pays il s’agit d’un projet novateur, en Europe ce n’est plus le cas. A titre de comparaison, l’Allemagne, championne du titre, possède entre 7 000 et 8 000 unités de méthanisation contre… 70 en France. Il reste donc du chemin à parcourir, mais les conséquences sur la planète sont réelles : pour l’unité de méthanisation de Renescure, sur un an, 455 tonnes de CO2 seront économisées, et donc non relâchées dans la nature. «C’est un projet local qui va valoriser les déchets locaux, que ce soit ceux de Wostin’ ou ceux de l’usine Bonduelle», poursuit l’éleveur agriculteur, devenu en quelque sorte “énergiculteur” !

1.Entreprise accompagnée par les acteurs du réseau J’innove en Nord-Pas-de-Calais, finaliste du Trophée de l’innovation en 2010 pour son sachet «Wofoo».