Quick commerce
Les règles d’urbanisme applicables aux «dark stores» clarifiées
La livraison expresse à domicile des commandes passées via une application dédiée, ou quick commerce, est généralement assurée par des coursiers, depuis des «dark stores», souvent d’anciens magasins transformés pour l’occasion en entrepôts. Leur implantation nécessite une clarification juridique, notamment d’un point de vue du droit de l’urbanisme. Le gouvernement a récemment publié un guide destiné aux collectivités, «en vue de de favoriser un développement équilibré de cette nouvelle forme de commerce».
Quelle qualification juridique pour les «dark stores» ?
Le Code de l’urbanisme prévoit désormais cinq «destinations», précisées à l’article R. 151-28 par 21 «sous destinations», elle mêmes définies par l’arrêté du ministre du Logement et de l'Habitat durable du 10 novembre 2016.
Si le bâtiment se situe dans une commune dont le plan local d’urbanisme (PLU ou PLUi) est «alurisé», (référence à la loi ALUR, c’est-à-dire dont l’élaboration ou la révision «normale» a été prescrite à compter du 1er janvier 2016), deux situations sont à distinguer :
- soit le dark store n’est pas destiné à l’accueil d’une clientèle : il relèvera, alors , de la destination «autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire», et plus précisément de la sous destination «entrepôts» ;
- soit le dark store prévu peut accueillir une clientèle, parce qu’il possède un comptoir (pour le click & collect, par exemple) ou que ses horaires d’ouverture sont clairement définis : il relèvera, dans ce cas, de la destination «commerce et activités de service» et de la sous destination «artisanat et commerce de détail», «y compris si l’activité de livraison reste prédominante», précise le guide.
Si le bâtiment se situe dans une commune dont le PLU ou le PLUi ne serait pas «alurisé», il doit être uniquement fait référence aux neuf anciennes destinations que comportait alors le Code de l’urbanisme. Dans pareil cas, en principe, ce seront les destinations «entrepôt» ou «commerce» qui seront applicables pour les pétitionnaires. Toutefois, sous l’empire de ces anciennes règles d’urbanisme, les auteurs d’un plan pouvaient, comme c’est par exemple le cas à Paris, préciser les définitions des activités concernées : il est alors nécessaire de se reporter aux définitions données dans le règlement du PLU.
Quels outils de réglementation ?
Ces règles de qualification juridique étant précisées, le gouvernement offre aux collectivités une véritable «boîte à outils» leur permettant de réglementer l’implantation ces dark stores.
Le guide rappelle que, conformément à l’article R. 151-9 du Code de l’urbanisme, les auteurs d’un plan peuvent prévoir, dans le règlement graphique, des zones dans lesquelles certaines activités seront soumises à conditions, ou tout simplement interdites. Dans le même sens, sur la base de l’article L. 151-16 du Code de l’urbanisme, le règlement peut, dans les zones U et AU, «identifier et délimiter les quartiers, îlots et voies dans lesquels est préservée ou développée la diversité commerciale.
De plus, sur la base des articles L. 151-6 et L. 151-7 du Code de l’urbanisme, les classiques OAP (orientations d’aménagement et de programmation) peuvent également être mobilisées afin, par exemple, de prévoir «un pourcentage d’opérations destinées à la réalisation de commerces» ou de «soumettre à conditions l’implantation de dark stores».
En outre, a plus grande échelle, le guide rappelle que les schémas de cohérence territoriale (SCoT) doivent obligatoirement contenir, depuis la loi du 22 août 2021, un «document
d'aménagement artisanal, commercial et logistique» pouvant, lui aussi, être utilement mobilisé pour maîtriser ce phénomène.
Quels outils de sanction pour la méconnaissance de ces règles ?
Le guide élaboré par le gouvernement rappelle des truismes en matière de pouvoir de sanction des autorités d’urbanisme. Notamment, que l’autorité en charge peut «sanctionner l’implantation d’un dark store en contrariété avec des règles de procédure [inexistence d’une autorisation] (cf encadré) ou avec des règles de fond [méconnaissance d’une disposition]».
Dès lors qu’il a connaissance d’une infraction aux règles de fond ou de procédure, le maire a l’obligation de dresser un procès-verbal (PV) de constat d’infraction qu’il doit transmettre au procureur de la République. De plus, après transmission du PV, les articles L. 481-1 à L. 481-3 du Code de l’urbanisme permettent au maire de mettre en demeure le responsable, soit de mettre son installation en conformité avec les règles d’urbanisme applicables, soit de déposer une demande d’urbanisme. Cette mise en demeure, qui peut être accompagnée d’une astreinte d’un montant de 500 euros par jour de retard, doit être précédée d’une procédure contradictoire.
De même, si les travaux continuent, après avoir dressé le PV, le maire peut, en cas de méconnaissance de règles de fond, prendre un arrêté interruptif de travaux. En cas de construction sans autorisation, il sera même tenu de prendre un tel arrêté. Là encore ces arrêtés doivent être précédés d’une procédure contradictoire.
Enfin, l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme prévoit qu’après transmission d’un PV de constat d’infraction au procureur de la République, le tribunal correctionnel peut sanctionner le gérant d’une amende comprise entre 1 200 euros et 6 000 euros par m2 de surface construite, ou jusqu’à 300 000 euros. Ainsi, face à l’essor de ce «commerce rapide», notre droit semble pourvu de tous les mécanismes nécessaires à sa régulation.
Quelle demande d’autorisation pour l’ouverture d’un «dark store» ?
Une personne désirant ouvrir un dark store, dans un bâtiment déjà existant, doit préalablement saisir la commune d’une demande d’autorisation dans laquelle il faut indiquer le projet de changement de «destination» du bâtiment. En vertu de l’article R. 421-14 du Code de l’urbanisme, cette demande portera sur un permis de construire s’il est prévu de modifier «les structures porteuses ou la façade du bâtiment». Seule une déclaration préalable sera nécessaire, dans tous les autres cas.