Les outils de la transmission d’entreprise
Qui mieux que le notaire peut accompagner la réflexion du chef d’entreprise sur la transmission de son patrimoine professionnel ? Il dispose pour l’organiser de techniques éprouvées.
Chaque année, environ 8 000 entreprises disparaissent avec le décès de leur animateur, faute de repreneur. Pour chacune d’elles, ce sont les salariés, les savoir-faire, les brevets, les compétences, un écosystème entier de clients, fournisseurs, sous-traitants et d’emplois induits, que l’entreprise recèle qu’il convient de sauvegarder. C’est aussi souvent la trésorerie qui aura été sagement accumulée pour financer des investissements ou des opérations de croissance externe qu’il convient de préserver. C’est enfin la situation patrimoniale et familiale du dirigeant qu’il convient d’anticiper et d’organiser. Pour l’aider à atteindre ses objectifs, le notaire dispose d’outils qu’il convient souvent de combiner.
LA FISCALITÉ EN CAS DE DONATION
Le dispositif fiscal est certes complexe, mais très incitatif. Il repose sur deux mécanismes que sont les engagements de la loi Dutreil et le paiement différé et fractionné des droits de mutation à titre gratuit en 15 ans.
La loi Dutreil suppose la constitution d’un noyau d’associés qui souscrivent divers engagements, en pratique au nombre de quatre :
– «collectif» souscrit seul par l’entrepreneur dirigeant, ou avec plusieurs associés, de conserver les titres pendant au moins deux ans ; c’est le «point d’entrée» dans le dispositif à partir duquel une donation peut être réalisée. Notons que pour l’imprévoyant, dans certains cas, cet engagement peut être réputé acquis ou posthume ;
– «individuel» souscrit par les donataires, de quatre ans à compter de la fin de l’engagement collectif, qui peut intervenir par donation (en nue-propriété ou en pleine propriété) ou succession ; c’est l’engagement de stabilité du capital ;
– «de direction» souscrit pour la durée de l’engagement collectif puis trois ans après la transmission ; c’est l’engagement de maintien de la gouvernance ;
– «d’information» annuelle, par l’entreprise et les associés concernés, de l’administration fiscale permettant à cette dernière de s’assurer du respect des conditions attachées au dispositif.
Ces règles respectées, la transmission pourra bénéficier d’une double incitation :
1 – d’un abattement sur la valeur de l’entreprise de 75%.
2 – d’une réduction des droits de donation de 50% pour les donations consenties en pleine propriété seulement avant 70 ans. Le coût fiscal de la transmission est alors plafonné à 6% quelle que soit la valeur de la société.
Naturellement, si le chef d’entreprise souhaite conserver les dividendes des titres transmis, il peut n’en transmettre que la nue-propriété, tout en s’en réservant l’usufruit. À 70 ans, le taux de fiscalité s’établit alors à 7% maximum de la valeur de la société. La contrepartie, pour l’entrepreneur demeuré usufruitier, est d’accepter de voir ses droits de vote réduits aux seules décisions relatives à l’affectation du résultat.
Les droits de donation – s’il en existe encore ! – peuvent être acquittés en quinze ans : cinq années de paiement différé, suivies de dix années de paiements semestriels fractionnés.
Ce mécanisme permet alors aux dividendes futurs de l’entreprise, qui seront versés au donateur ou aux donataires, de financer le coût de sa propre transmission. Le taux d’intérêt, fixe pendant cette période, peut être ramené à 0,6% par an.
LES OUTILS JURIDIQUES
En parallèle, des outils juridiques existent pour accompagner la transmission d’entreprise. En effet, si la fiscalité peut accompagner un projet de transmission de l’entreprise, encore faut-il d’abord et avant tout que celui-ci préserve l’équité familiale. Dans les faits, l’exercice n’est pas toujours aisé. Un enfant peut avoir vocation à reprendre, tandis que ses frères ou sœurs se seront accomplis par ailleurs, ou n’en auront pas la capacité ou la volonté. Comment alors préserver les équilibres lorsque l’entreprise représente la majeure partie du patrimoine familial ?
Le notaire pourra ici s’appuyer sur un triptyque efficient qui permet de concilier les différents objectifs : donation-partage avec le bénéfice du pacte «Dutreil», holding de reprise et soulte pour désintéresser les enfants non-repreneurs.
La donation-partage dispose des vertus équilibrantes qui sont bien connues mais prennent toute leur mesure en matière d’entreprise. Une fois transmise, la société peut en effet voir sa valeur évoluer, positivement ou non, dans des proportions significatives. L’absence de rapport à la succession du donateur, et le gel des valeurs induits par la donation-partage, deviennent alors précieux. A défaut, l’enfant bénéficiaire de la donation est contraint de rapporter à la succession du donateur les parts reçues pour procéder au partage familial… mais à la valeur au jour du décès !
Une donation-partage d’entreprise peut même intégrer un salarié méritant que le chef d’entreprise veut, au moment de passer le relais, récompenser.
Une soulte peut être prévue à la charge de l’enfant qui reprend l’activité afin de dédommager ses frères et sœurs qui n’ont pas vocation à poursuivre. Pour des questions de structuration patrimoniale et de déductibilité des intérêts, les titres reçus peuvent ensuite être apportés à une holding créée par le repreneur. Cette holding pourra s’endetter auprès d’une banque pour régler immédiatement la soulte. Ce schéma, ménageant de nombreux objectifs familiaux, s’opère dans une relative neutralité fiscale puisque, sous réserve naturellement d’en respecter les règles, il n’entraîne pas la remise en cause du dispositif Dutreil. Il peut dans certains cas rendre exigibles les droits admis en différé et fractionné pour les enfants non-repreneurs.
MANDAT À EFFET POSTHUME
Une ultime question anime fréquemment l’entrepreneur : qui pour s’occuper de l’entreprise en cas d’accident intervenant avant sa transmission ? Le mandat à effet posthume est naturellement tout indiqué pourvu de s’assurer que, combiné à des dispositions statutaires adaptées, il permettra bien au mandataire de réaliser sa mission.
LE RÉSEAU TRANSMETTRE ET REPRENDRE
Depuis mars 2015, l’Agence France Entrepreneur (AFE), l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA), Bpifrance Financement SA, CCI – Entreprendre en France, le Conseil national des barreaux, le Conseil supérieur du notariat et le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables sont unis dans le cadre du «Réseau Transmettre & Reprendre» pour favoriser la transmission et la reprise d’entreprises en France.
Principal objectif : desserrer les freins à la transmission des entreprises, pour le maintien et la dynamisation du tissu économique français et de l’emploi. Les membres mutualisent leurs moyens et énergies dans le but d’accompagner les entreprises et les entrepreneurs lors de cette étape importante que constitue la transmission-reprise.
Le «Réseau Transmettre & Reprendre» a pour mission principale de fédérer des moyens et agir pour favoriser la Transmission – Reprise en France, sous quatre formes principales :
– développer l’information auprès du public par la réalisation d’outils pratiques communs (fiches, guide, contenu web…) et l’organisation d’événements tels que des salons, conférences…
– mutualiser entre les membres du Réseau les sources d’information sélectionnées par le comité de pilotage.
– promouvoir des formations communes/transversales et adaptées auprès des professionnels membres du Réseau.
– être force de propositions auprès des pouvoirs publics pour favoriser et faciliter la transmission et la reprise d’entreprises.
Avec le concours de Maître Hubert MROZ, membre de l’Institut notarial de l’entreprise et des sociétés (Ines) de la Chambre interdépartementale des Notaires du Nord-Pas de Calais
Plus d’infos sur www.notaires.fr/fr/entreprise/transmission-reprise/transmettre-et-reprendre-une-entreprise