Les nouvelles cours criminelles départementales, sans jury populaire, jugées constitutionnelles
Le Conseil constitutionnel a confirmé vendredi que les nouvelles cours criminelles départementales (CCD), composées uniquement de magistrats professionnels contrairement aux cours d'assises...
Le Conseil constitutionnel a confirmé vendredi que les nouvelles cours criminelles départementales (CCD), composées uniquement de magistrats professionnels contrairement aux cours d'assises, étaient conformes à la Constitution.
Cette décision balaye les arguments de leurs détracteurs qui dénonçaient une rupture d'égalité par rapport aux accusés jugés par un jury populaire.
Les cours criminelles départementales ont été généralisées en janvier 2023 pour juger en première instance les crimes punis de peines pouvant aller jusqu'à 20 ans de réclusion, des viols essentiellement.
Les "Sages" estiment que leur création "n'a pas instauré de discriminations injustifiées" puisque, par rapport aux personnes renvoyées aux assises, elles jugent des faits de "nature" différente et des accusés dans une "situation différente", pas en récidive, notamment.
S'il y a bien une "différence de traitement" dans les règles de vote, seulement trois voix sur cinq en CCD, au moins sept voix sur neuf aux assises, cela se justifie "par une différence de situation tenant à la composition respective de ces deux juridictions". En l'espèce: cinq magistrats professionnels pour les CCD, six citoyens tirés au sort accompagnés de trois magistrats pour les assises.
Le Conseil constitutionnel répondait à plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) soulevées par les avocats de deux accusés, l'un dans une affaire de viol aggravé et l'autre dans un dossier de vol à main armée.
Tradition historique
A l'audience, le 15 novembre, ils étaient soutenus par une grande partie des représentants de la profession d'avocats, le Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche) et l'association "Sauvons les assises", déjà opposés à la réforme au moment de son examen au Parlement.
Les requérants faisaient aussi valoir que la "tradition historique" de faire juger par un jury populaire les "crimes de droit commun", à quelques exceptions près comme celles du terrorisme, devait être reconnue comme un "principe fondamental reconnu par les lois de la République", à valeur constitutionnelle.
Cet argument a aussi été rejeté par le Conseil constitutionnel qui relève que le "principe de l'intervention du jury en matière criminelle" comporte plusieurs exceptions et que la catégorie "de droit commun" n'est "définie par aucun texte".
Eric Dupond-Moretti, réticent à cette réforme lorsqu'il était encore avocat, l'avait portée une fois devenu ministre de la Justice. Il assurait en décembre 2022 que ces cours permettaient d'arriver au procès "six mois plus vite". Elles éviteraient également la tendance à ce que les dossiers de viols soient requalifiés en délit pour être jugés par un tribunal correctionnel.
"Sur les huit premiers départements expérimentés (à partir de 2019, NDLR), 60% de crimes ont été jugés en plus grâce aux cours criminelles départementales", fait aussi valoir la Chancellerie.
"Le bilan est catastrophique, aucun des objectifs n'a été atteint", a fustigé Agnès Hauciarce-Rey, bâtonnière du barreau de Bayonne, tandis que sa consoeur Karine Bourdié dressait un nouveau réquisitoire contre des "audiences expédiées en deux coups de cuillère à pot, auxquelles on voudrait nous contraindre" pour des "raisons financières".
Dès janvier 2023, le Conseil national des barreaux, l'institution qui représente les avocats, s'était opposé à la généralisation des CCD, "non par défiance vis-à-vis des magistrats, mais par attachement à l'égalité de traitement des justiciables et au jury populaire", a expliqué vendredi à l'AFP son président Jérôme Gavaudan.
"La profession d'avocat mettra tout en oeuvre" pour que "les droits de la défense" et "des victimes soient garantis" devant ces juridictions et que "l'oralité y garde une place majeure", a-t-il ajouté.
Par ailleurs, pour l'avocat Guillaume Arnaud, les jurys populaires représentent une "porte d'entrée" pour "que notre justice soit comprise". Il a rappelé que les États généraux de la justice avaient alerté en juillet 2022 contre "une méfiance délétère vis-à-vis du pouvoir judiciaire".
344P2LH