Les experts-comptables de justice réunis à Lille pour débattre

Après un précédent rendez-vous au Havre en 2022, le prochain congrès de la Compagnie Nationale des Experts-Comptables de Justice aura lieu au Casino Barrière de Lille du 12 au 14 octobre prochains. S'intégrant notamment dans le cadre de la réforme de la justice souhaitée par la Chancellerie, les travaux des experts de justice s'inscrivent dans l’œuvre collective de justice.


Christian Herlin, commissaire général du congrès de Lille et président de la section autonome d'Amiens, Douai et Reims.
Christian Herlin, commissaire général du congrès de Lille et président de la section autonome d'Amiens, Douai et Reims.

Présidée par Christian Herlin – également commissaire général du Congrès de Lille – la section régionale regroupe les adhérents experts inscrits auprès de trois cours d'appel : Amiens, Douai et Reims. « Nous avons choisi de réaliser un travail d'introspection de notre activité d'expertise afin d'établir un état des lieux pour évaluer nos forces et faiblesses et réfléchir ainsi à des pistes d'amélioration et de modernisation de nos pratiques », expliquent Christian Herlin et Jean-François Darrousez, respectivement commissaire général et rapporteur général du Congrès de Lille.

Des missions d'expertises civiles, administratives ou pénales

La section régionale compte actuellement une trentaine de membres. L'idée directrice du congrès sera de valoriser le travail des experts et de la compagnie et ainsi, d'en faire écho auprès de l'ensemble des acteurs du monde économique. « Il faut éviter la solitude de l'expert. Nous pourrions développer de nouveaux outils. Une des pistes pressentie pourrait être la création d'un statut d'expert référent, afin qu'un expert confronté à des difficultés de toute nature, dans le cadre de sa mission, puisse trouver une écoute et un appui », suggèrent-ils.

Le 13 octobre, trois tables rondes jalonneront la journée : à 11h15, « L'expert de justice, le professionnel le plus qualifié pour éclairer les magistrats et les parties », à 14h, « Les outils de l'expertise et leur utilisation par les experts» et à 15h45, «Le temps et le coût de l'expertise ».

« Un sondage a été réalisé début 2023 auprès de 400 experts-comptables de justice, qui dessine des axes de réflexion : comment mieux répondre aux attentes de la justice dans les meilleures conditions d'assurance de probité et de transparence ? Comment améliorer notre contribution à la résolution des litiges et éclairer au mieux les magistrats », complètent-ils.

Seront présents à ce congrès des chefs de Cours, Magistrats, avocats, universitaires, etc... autant de professionnels qui viendront échanger sur ces thématiques.


Entretien avec Olivier Péronnet, président de la Compagnie Nationale des Experts-comptables de Justice

Olivier Péronnet, président de la Compagnie Nationale des Experts-Comptables de Justice, qui tient congrès à Lille en octobre.

La Gazette : Comment les professionnels peuvent-ils devenir expert-comptable de justice ?

Olivier Péronnet : Pour être expert-comptable de justice, il faut donc être inscrit sur une liste de cour d'appel, éventuellement ensuite, demander à être agréé par la Cour de cassation. Il est nécessaire d'avoir les diplômes requis et de pouvoir faire valoir une expérience voire une notoriété au travers de publications par exemple. La Compagnie regroupe 400 experts-comptables de justice, ce qui en fait la plus importante compagnie des professionnels du chiffre. Nous sommes constitués de 14 sections – dont celle d'Amiens, Douai, Reims pour les Hauts-de-France – qui couvrent l'ensemble de la métropole et de l'Outre-Mer.

Quelles sont les principales missions de la CNECJ ?

Elle fait le lien avec l'institution judiciaire. Elle intervient par exemple dans l'instruction des dossiers d'inscription auprès des cours d'appel et organise des échange avec les magistrats. Elle publie les actes de ses congrès annuels, et des brochures techniques pour aider les experts mais aussi les parties et leurs conseils. Elle définit une déontologie pour mettre en œuvre l’obligation d'indépendance et d'objectivité car la mission de l’expert judiciaire ou de partie vise à donner une information ou un éclairage au juge.

Nous avons créé un institut de formation, CNECJ Formation, qui dispense, au bénéfice des experts-comptables de justice, de modules de formation qui permettent de se tenir aux meilleurs strandards professionnels possibles, de suivre l'actualité de la jurisprudence et de s'améliorer sur des techniques sur diverses thématiques de nos métiers. L'audience de CNEJC Formation a vocation à s'élargir aux collaborateurs qui ne sont pas encore experts-comptables de justice ainsi qu'aux avocats ou d'autres professions.

Sur quels types de contentieux un expert-comptable de justice peut-il être mandaté ?

C'est très divers. Cela peut être sur l'évaluation de préjudice suite à un sinistre industriel, à une rupture contractuelle, une pratique anticoncurrentielle... mais aussi sur des contentieux d'évaluation de conséquences de dommages, contractuels ou civils ou encore des évaluations de droits sociaux, ou encore des cas de mise en oeuvre de garanties de passif.

En clair, nous apportons aux parties un processus qui garantit l'égalité des armes au juge, un éclairage technique qui lui permet de prendre une décision.

Du 12 au 14 octobre prochains, vous vous réunissez à Lille autour du thème «La CNECJ : des experts du chiffre et de l'économie au service de la justice du XXIème siècle». Selon vous, quels sont les prochains défis de votre profession ?

Le besoin d'experts du chiffre s'est considérablement accru tant en contentieux que sur des modes alternatifs de règlement des différends : il y a un réel besoin de tiers de confiance. C'est exactement le titre de notre congrès : avoir une légitimité technique, une indépendance réelle et une capacité à procéder de façon rapide permette de répondre le mieux possible aux besoins de la justice du XXIème siècle.

A Lille, nous allons également faire un point sur le travail technique et les perspectives. Le besoin d'élaboration d'une doctrine claire est illustré par l'initiative de la cour d'appel de Paris avec les fiches méthodologiques qui ont une très large diffusion désormais.

Nos propres brochures et notre institut de formation visent à animer et relayer celles-ci pour améliorer l’efficacité et la rapidité de la justice.

Notre collaboration est active pour trouver des solutions ; on pense à la consultation qui peut permettre de donner plus vite un avis au juge, et de calibrer la mission pour intervenir dans un délai compatible avec les enjeux du procès.

Le digital est-il une solution pour justement, éviter une justice trop longue ?

Ce qui est certain, c'est que le digital est présent à tous les niveaux, entre les juridictions, les parties, les experts et les avocats. La plateforme Opalexe, sous l'égide du Ministère de la Justice, permet à tous de communiquer de façon sécurisée.

Cela nous fait gagner du temps, assure une communication non contradictoire et permet de procéder aux actes judiciaires. En tant qu'experts, nous devons être à la pointe dans l'utilisation de tous les outils de base de données financières.

De façon plus générale, quelle est votre vision de la situation économique post-Covid ?

Suite au Covid, on a pu observer le contentieux des professionnels du tourisme et de la restauration, avec les assureurs suite aux fermetures pour des raisons administratives. Le nombre de défauts des entreprises durant cette période s'est réduit, grâce aux aides. En revanche, depuis quelques mois, on observe une accélération des cas de difficultés et de défaut.

Quelle réponse pouvez-vous apporter à ces difficultés ?

Toutes les missions des contentieux dans le cadre de transactions continuent d'être présentes même si ca s'est ralentit avec l'inflation. Pour les entreprises en difficulté, le mot d’ordre c’est d’aller rapidement pour faire le bon diagnostic et trouver les solutions adéquates.