Les entrepreneurs des quartiers en difficulté optimistes

Le ministère de la Cohésion des territoires a affirmé son ambition de réduire l'écart entre le taux de chômage des quartiers en difficulté et celui national. La création d'entreprise constitue un élément de réponse pour l'Adie, association qui accompagne les créateurs d'entreprise dans ces quartiers, et dresse leur portrait dans une récente étude.

Michel Lalande, Xavier Bertrand, Damien Castelain, Jean-Louis Borloo, Guillaume Delbar... les personnalités régionales étaient venues en nombre.
Crédit photo Victor Mahieu
Michel Lalande, Xavier Bertrand, Damien Castelain, Jean-Louis Borloo, Guillaume Delbar... les personnalités régionales étaient venues en nombre. Crédit photo Victor Mahieu

44% d’entre eux sont… des femmes. En octobre, l’Adie (Association pour le droit à l’initiative économique), spécialisée dans le micro-financement et l’accompagnement des entrepreneurs exclus du système bancaire, a publié une étude sur les entrepreneurs des QPV, quartiers prioritaires de la politique de la ville. L’enjeu est de taille au regard de la situation de l’emploi dans ces quartiers qui comptent 5,5 millions d’habitants : en 2015, le taux de chômage  s’y élève à 26,4% chez les 15 à 64 ans, et grimpe jusqu’à 35,9% chez les 15 à 29 ans, d’après le  rapport 2016 de l’Observatoire national de la politique de la ville. Des taux largement supérieurs aux moyennes nationales, qui font de la création d’entreprise un enjeu central de la politique de la ville, d’après l’Adie. De fait, en 2015, le précédent gouvernement avait mis sur pied  l’AFE, Agence France entrepreneur (anciennement l’APCE, Agence pour la création d’entreprise, ndlr), pour favoriser le développement économique dans les territoires en difficulté, notamment en favorisant la création d’entreprise. Le 17 octobre, Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, a réaffirmé l’objectif de réduction du taux de chômage entre les quartiers prioritaires et la moyenne nationale durant le quinquennat, devant la commission «politique de la ville» de l’Association des maires de France (AMF).

Sept antennes en Hauts-de-France

L’Adie est déjà présente dans ces quartiers, avec des centres d’accueil. En 2016, l’association y a financé 3 483 personnes, dont 2 604 pour un micro-crédit professionnel, avec un montant moyen de 4 000 €. Cela représente 23% des personnes financées par l’association. Son  étude dresse leur portrait : tout d’abord, le niveau de précarité des personnes accompagnées par l’Adie dans les QPV est plus élevé que la moyenne des entrepreneurs accompagnés par l’association. Par ailleurs, près de huit entrepreneurs sur dix le sont à plein temps. Les autres cumulent la création d’entreprise avec une autre activité professionnelle, comme un emploi salarié, le plus souvent à temps partiel.

Le chômage n’est pas la seule motivation à créer une entreprise

Du côté des motivations, la moitié des personnes accompagnées par l’Adie évoquent le chômage comme raison du démarrage de leur propre activité. Mais ce n’est pas, et de loin, leur seule motivation : neuf sur dix citent aussi une aspiration à l’indépendance. Ils entendent également exercer un métier qui leur convient et donner un sens à leur vie. Dans leur démarche, 46% d’entre eux déclarent avoir rencontré des difficultés pour trouver des financements. Plus largement, une large majorité (57%) précisent ne pas avoir trouvé d’autre aide que celle de l’Adie pour créer leur entreprise. Parmi les personnes accompagnées par l’association, près de sept sur dix estiment qu’ils y ont reçu de bons conseils, et 81% jugent important d’avoir trouvé une antenne de l’association près de chez eux. Par ailleurs, 70% des entrepreneurs pensent que créer sa propre entreprise dans les quartiers n’est pas plus compliqué qu’ailleurs. Un environnement auquel ils tiennent : 78% d’entre eux déclarent aimer leur quartier. D’après l’étude, la création de l’entreprise est vue comme un motif de fierté pour 79% des entrepreneurs accompagnés qui travaillent dans leur quartier de résidence, une proportion qui monte à 93% lorsqu’ils travaillent hors du quartier. L’activité de ces sociétés est souvent ouverte sur le territoire. Si pour les trois quarts, elles sont créées dans le quartier de résidence de leur fondateur, 69% des entrepreneurs exercent leur activité auprès d’une clientèle en dehors de cette zone. Autre particularité, ils sont 85% à être optimistes quant à l’avenir et 71% d’entre eux pensent développer leur entreprise dans les 12 prochains mois. Avec un effet d’entraînement, d’après l’Adie, puisque la moitié de ces personnes déclarent avoir influencé amis ou famille, pour qu’ils se lancent à leur tour dans l’aventure… L’organisme a pour objectif d’augmenter de 30% le nombre d’entreprises qu’elle accompagne ou finance dans ces quartiers d’ici 2020, notamment en ouvrant huit nouvelles antennes dans les deux prochaines années.

Des «emplois francs» pour les QPV

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron pour résorber le chômage des quartiers en difficulté, le dispositif des «emplois francs», visant à accorder à une entreprise une prime à l’embauche d’un habitant issu de l’un des 200 QPV, devrait être expérimenté à partir d’avril 2018, selon un amendement au projet de loi de finances 2018 adopté fin octobre en commission à l’Assemblée nationale. Selon le texte déposé par des députés de LREM, 20 000 emplois francs seraient testés à partir de 2018, pour un financement de 64 millions d’euros. Pour évaluer et éventuellement ajuster le dispositif avant sa généralisation en 2019, quelques zones géographiques pilotes seront délimitées. «On va fonctionner sur un appel à projets pour déterminer les territoires qui bénéficieront de l’expérimentation», a expliqué à l’AFP Matthieu Orphelin, l’un des députés à l’origine de l’amendement. Selon le texte, le montant de la prime serait fixé à 15 000 € pour un contrat à durée indéterminée, réparti sur trois ans, soit «une exonération totale des charges». Pour un CDD, elle serait de 5 000 €, étalée sur deux ans. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, favorable à l’expérimentation, a préconisé des mesures d’accompagnement au dispositif. Lors de sa venue à Roubaix et Tourcoing les 13 et 14 novembre derniers, le président de la République a confirmé que la métropole lilloise ferait partie des territoires retenus pour expérimenter les emplois francs dès avril 2018, avec la Seine-Saint-Denis, l’agglomération Val de France, le Grand Paris Sud, la métropole de Marseille, l’agglomération d’Angers et l’agglomération de Cergy-Pontoise. Une nouvelle qui a réjouit Damien Castelain, président de la MEL : «Je me réjouis que la MEL soit retenue pour expérimenter la nouvelle génération d’emplois francs. Ce dispositif (…) est utile car il vient apporter des solutions en dehors des quartiers. On sera attentifs à tous les ‘emplois francs’, dans nos quartiers où les taux de chômage sont très importants.» Ce dispositif, budgété à hauteur de 180 millions d’euros sur trois ans, doit permettre l’embauche de 12 000 à 25 000 personnes en emplois francs l’an prochain, selon les chiffres évoqués par l’Élysée.

Emmanuel Macron dans les Hauts-de-France pour parler politique de la ville

Lundi 13 et mardi 14 novembre, le président de la République est venu dans la région, d’abord à Roubaix puis à la Plaine Images. Après une visite d’Ankama (groupe indépendant de création numérique, spécialisé dans le domaine du divertissement et devenu incontournable dans le monde du jeu vidéo avec le jeu en ligne Dofus), Emmanuel Macron s’est voulu rassurant : «Personne ne perdra, dans les communes concernées par la politique de la ville, le moindre crédit sur 2018. Les quelques collectivités qui auraient pu perdre seront compensées.» Il a également confirmé le maintien des contrats aidés dans les territoires en difficulté. Appelant à une «mobilisation nationale pour les villes et pour les quartiers» et à un investissement accentué dans les quartiers, il a souligné l’engagement fort de Xavier Bertrand dans l’apprentissage – «ici, l’apprentissage est en train de refonctionner» – et propose de «mettre les branches professionnelles au cœur du dispositif, en facilitant les règles». Pour favoriser l’entrepreneuriat, l’agence France entrepreneurs sera repositionnée «pour en faire une banque publique d’investissement, en simplifiant l’accès au micro-crédit. Aller plus loin, c’est décider d’encourager les startup comme vous le faites ici», a souligné Emmanuel Macron pendant son discours à la Plaine Images, lieu créatif et innovant où sont installées une centaine d’entreprises.

 

«Personne ne perdra le moindre crédit sur 2018»

 

«Je vous donne rendez-vous dans deux ans pour avoir des résultats concrets»

 

Créée il y a 15 ans, Ankama, dirigée aujourd’hui par Anthony Roux, emploie 300 salariés à la Plaine Images.

Emmanuel Macron a profité sa visite à la Plaine Images pour signer le livre d’or du site tourquennois. ©Victor Mahieu

 

Michel Lalande, Xavier Bertrand, Damien Castelain, Jean-Louis Borloo, Guillaume Delbar… Les personnalités régionales étaient venues en nombre.
©Victor Mahieu