Le tribunal de commerce de Lille métropole, nouvelle juridiction consulaire

Le décret n°2012-1048 du 13 septembre 2012 modifie l’annexe 7-2 du livre VII du code de commerce (partie réglementaire). Le nombre des juges et des chambres du tribunal de commerce de Lille métropole est fixé. Se trouvent ainsi supprimés les tribunaux de commerce de Lille et de Roubaix-Tourcoing. Ceux-ci continueront à rendre la justice jusqu’au 31 décembre 2012 tandis que la nouvelle juridiction débutera au 1er janvier 2013. Les modalités des élections pour la composition de cette juridiction unique sont prévues, le corps électoral étant modifié. Ces élections auront lieu au cours du dernier trimestre de la présente année. Explications.

La carte judiciaire est très importante pour les tribunaux de commerce comme pour les autres juridictions. L’importance de ces juridictions est extrêmement variable. Il n’y a évidemment aucune comparaison entre le tribunal de commerce de Paris et les tribunaux de commerce situés dans des régions ayant une commercialité beaucoup plus faible. Les tribunaux de commerce les plus importants sont évidemment, outre la région parisienne, ceux des grandes métropoles régionales. Le tribunal de commerce de Lille métropole figurera désormais parmi les cinq premiers tribunaux de commerce de France.

La situation dans le Nord a toujours été, à ce sujet, particulière. Il y a une très grande ville, celle de Lille, mais celle-ci est extrêmement proche de deux autres villes également importantes : Roubaix et Tourcoing. Cette situation est unique en France. De plus en plus, Lille métropole deviendra l’entité unique à prendre en considération. Il restera évidemment, comme tel a été le cas pour le tribunal de Lille métropole, à étudier le point de chute précis. L’accord intervenu pour le tribunal est très prometteur pour l’avenir et l’éventuelle concentration d’autres institutions. Le décret énonce que le siège du tribunal de commerce de Lille métropole se situera sur le territoire de Tourcoing. Cette précision a été donnée uniquement pour des raisons administratives. Il est clair que le centre Mercure dépasse largement par son importance, par la connaissance du public les divisions administratives entre Lille, Roubaix et Tourcoing.

Une première en France. On sait que l’histoire des tribunaux de commerce est extrêmement ancienne. Le tribunal de commerce le plus ancien est celui de Lille. Puis, a été créé, au XIXe siècle, le tribunal de Roubaix par un décret impérial de 1869 ainsi qu’à la même époque le tribunal de commerce de Tourcoing. En 1985, les tribunaux de commerce de Roubaix et de Tourcoing ont fusionné. Très rapidement s’est posée la question de la situation des deux juridictions au sein d’un même ensemble économique. L’initiative a été prise, entretenue, encouragée par plusieurs personnalités qui seront à très juste titre et à n’en pas douter citées et remerciées par les autorités et personnalités présentes lors de l’installation de cette juridiction nouvelle. C’est la première fois en France qu’une telle opération voit le jour, il n’en existe pas d’autre exemple de cette importance.

Le contexte économique et juridique évolue rapidement. L’essentiel est représenté par la mise en oeuvre très rapide du règlement communautaire européen qui implique une juridiction unique à propos de certaines difficultés économiques d’entreprises. Ce règlement a déjà été appliqué par les tribunaux de commerce jusqu’à présent de Lille et de Roubaix-Tourcoing, notamment. Il est clair que cette situation, qui est la plus novatrice depuis des siècles, entraîne des conséquences au niveau de l’implantation et du fonctionnement de ces tribunaux. Ceux-ci doivent être capables, par leur compétence et leur importance, de traiter des dossiers non seulement difficiles économiquement, socialement, juridiquement mais également extrêmement sensibles. Il n’est que de citer l’affaire Eurotunnel pour le tribunal de commerce de Paris ou encore l’affaire Doux qui porte sur des milliards d’euros. Il faut également ajouter que les investisseurs français, mais peut-être surtout étrangers, sont sensibles au tribunal de commerce compétent, non seulement en cas de difficultés mais aussi pour les litiges commerciaux. Ceux-ci ont également profondément changé de nature. Il n’est plus guère question d’un litige entre un commerçant de détail et un autre commerçant dans leurs aspects locaux. Il est aujourd’hui question de réglementation tout à fait nouvelle, relative aux modalités de concurrence entre des groupes importants et, entre autres, à l’abus de position dominante. Ce sont là, à titre d’exemple, des domaines pour lesquels une très petite juridiction est inadaptée.

Des suppressions. Cette décision a été prise en parfaite entente avec toutes les autorités judiciaires mais également administratives ou politiques. Ceci explique la longueur du processus de création. Il y a quelques années a été instituée auprès du ministère de la Jus-tice une commission chargée d’examiner la situation de tous les tribunaux de commerce du Nord et du Pas-de-Calais. Il en est résulté quelques suppressions. Il y a aujourd’hui dans le Nord et le Pas-de-Calais les tribunaux de commerce renforcés, notamment celui de Boulogne-sur-Mer compétent désormais sur Saint-Omer et Calais, d’Arras compétent sur Arras mais aussi sur Béthune, le tribunal de grande instance à compétence commerciale de Béthune ayant été supprimé. On compte également le tribunal de commerce de Valenciennes ayant désormais compétence sur le tribunal de grande instance à compétence commerciale d’Avesnes-sur-Helpe. Le processus d’élagage des diverses juridictions commerciales est, du moins de notre point de vue, achevé. Il faut ajouter que le taux de “judiciarisation” dans le Nord- Pas-de-Calais est l’un des plus faibles de France. Des comparaisons ont été faites et elles sont significatives. Il faut enfin ajouter que la cour d’appel de Douai ayant compétence sur environ quatre millions d’habitants est la quatrième de France !

Toutefois, on peut penser qu’il y aura d’autres avancées sur le plan communautaire. En effet, face au tribunal de Lille métropole, il y a, par exemple en Belgique, un éclatement des juridictions évident. On compte un tribunal de commerce à Mouscron, un autre à Tournai et un troisième à Mons. Tout ceci est dans la partie wallonne de la Belgique. Dans la partie flamande, on recense les tribunaux de Courtrai et d’Ypres. Autrement dit, dans un ressort assez concentré, on trouve cinq tribunaux de commerce. Il est clair que le tribunal de Lille métropole représente un pôle judiciaire tout à fait attractif et d’une beaucoup plus grande importance. Il est peu question en Belgique, pour le moment du moins, de réaliser une telle concentration consulaire. Il n’y a d’ailleurs pas actuellement d’exemple dans la communauté européenne d’un processus de rapprochement par une technique autre que celle du règlement ou de la directive qui présente nécessairement une autre nature. Il reste que dans le Nord- Pas-de-Calais, le tribunal de commerce de Lille métropole représentera environ 60% de l’activité judiciaire et commerciale régionale. Les autres juridictions sont pour autant solides, importantes, structurées. Il n’y a apparemment aucune difficulté susceptible de résulter de cette juxtaposition. Il peut en résulter, toutefois, une influence différente sur le plan doctrinal des décisions prises de part ou d’autre. C’est logique et normal, et ceci contribue à la richesse de la jurisprudence commerciale dans le Nord-Pas-de-Calais et de son influence sur l’ensemble de la France. Il y aura peut être également une attractivité économique plus forte mais cette tendance sera de toute manière faible.