Le tiers-lieu, cet espace de coopération nourri par ses usagers
La Compagnie des tiers-lieux, tête de réseau des tiers-lieux en Hauts-de-France, milite pour que chaque habitant de la région dispose d'un tiers-lieu à moins de 20 minutes de chez lui. Ces endroits qui se définissent par leur hétérogénéité sont aussi éclectiques que fédérateurs pour les citoyens.
Quand on pénètre dans les anciens couloirs de l'Institution Sainte-Marie de la rue Maracci à Lille, c'est à la fois désertique et foisonnant d'idées. Il faut dire que l'ancien établissement scolaire a d'abord été squatté pour être racheté par Habitat et Humanisme en 2019. Après des travaux qui débuteront en 2023 – pour une livraison en 2025 –, le lieu deviendra un espace d'une soixantaine de logements mixtes.
En attendant, il a été rebaptisé «Au
fil de soi» et regroupe
des personnes qui travaillent dans l'associatif, l'écologie et
l'économie sociale et solidaire. Au rez-de-chaussée et au sous-sol,
le cabinet O Architecture partage les murs avec le collectif des
Boîtes à vélo. A l'étage, des associations d'entraide, mais aussi
des entreprises sociales et solidaires (à l'image de la Consignerie,
née il y a un et demi et qui compte aujourd'hui sept salariés) et
des collectifs d'artistes en résidence.
Un vivier permanent de projets
Pour l'instant, seuls 1 000 m2
sont occupés par le tiers-lieu (sur les 4 000 m2 de
l'établissement) qui a vocation à être pérennisé après que le
bâtiment ait retrouvé une seconde vie. «Nous
avons deux ans jusqu'au début des travaux pour organiser le
tiers-lieu, mais un autre s'installera ensuite», explique Natacha Mérigond, animatrice coordinatrice.
Pour
Habitat et Humanisme, propriétaire des lieux, l'enjeu est double :
éviter que le lieu ne soit laissé à l'abandon, amortir les charges
tout en générant du lien entre les habitants du quartier. «Il
y a une inspiration du collectif, des personnes en recherche
d'alternatives. Un tiers-lieu est une réponse pour le territoire», estime Natacha Mérigond.
Faire
émerger les espaces dans les collectivités
«Nous
accompagnons les structures pour faire cohabiter différentes
activités car le concept de tiers-lieu est encore méconnu. L'idée,
c'est de ne pas laisser un lieu vide et de faire du développement
local. Ici, à Lille, on joue un peu un rôle de démonstrateur», explique Sébastien Plihon, coordinateur régional du collectif La
Compagnie des tiers-lieux, pour poursuivre : «Un
tiers-lieu ne se se définit pas ! Je dirai que c'est un regroupement
d'activités qui n'ont rien à voir ensemble. Mais c'est surtout un
espace de coopération entre usagers.»
En
France, on compterait 3 000 tiers-lieux (contre 1 800 en 2018), dont
150 en Hauts-de-France, un territoire porteur, notamment sur la MEL
: «Nous avons lancé
un appel à projets avec des financements allant jusqu'à
40 000 € en frais de fonctionnement
pour répondre à un besoin d'usagers, constitués en collectif. On
mène également des actions auprès des communes», explique Magali Roger, chargée de mission innovation sociale et
médiation numérique à la MEL.
Si
la MEL fait figure de pionnière dans la politique des tiers-lieux –
avec notamment l'installation de la Coroutine à Lille il y a 12 ans,
suivie du MutuaLab –, le territoire entend bien poursuivre la
dynamique : La Cofabrik à Lille, la Coopérative Baraka à Roubaix,
Tranquille Emile à Hem... Chacun d'entre eux propose au moins deux
des sept activités éligibles à un financement de la MEL :
coworking, atelier partagé, accompagnement de projet, médiation
numérique, fablab, living lab et un modèle économique (boutique,
conciergerie, équipement culturel...)
Sortir
des villes
Pour
autant, il manque encore une signalétique commune pour faire de
ces tiers-lieux des endroits identifiés par les métropolitains.
L'objectif de l'Etat est clair : faire émerger 300 tiers-lieux sur
le territoire national, avec la création en 2019 de France
tiers-lieux et du Conseil national des tiers-lieux. Autre défi pour
la MEL : sortir du milieu urbain pour exporter
les tiers-lieux dans les campagnes.
C'est par exemple le cas en Nouvelle-Aquitaine, où deux tiers des
tiers-lieux sont situés dans des communes rurales.
«On
souhaite que les habitants aient un tiers-lieux à moins de 10
minutes de chez eux. On travaille avec des villes comme Marquillies,
Houplines, Fournes-en-Weppes ou encore Wervicq-Sud. Avec la Compagnie
des tiers-lieux, on éduque les communes pour impulser les projets
car la municipalité devra être partie prenante des projets», poursuit Magali Roger.