Le Medef plaide pour une Europe qui revienne aux sources
Simplification, fonds souverain pour soutenir l'industrie... Le Medef présente 30 propositions pour une Europe jugée indispensable, même s'il la critique régulièrement.
Une ETI strasbourgeoise commercialise ses solutions dans l'Europe entière grâce à la certification harmonisée dans son domaine d'activité. Dans les Hauts-de France, une autre réalise des recherches aux USA car les règlements européens ne les autorisent pas... Autant de témoignages recueillis par Fabrice Le Saché, vice-président du Medef en charge de l'Europe auprès d'adhérents de l'organisation patronale, consultés en vue des élections européennes de juin prochain. Le 9 avril, à Paris, Fabrice Le Saché présentait les « 30 propositions pour une Europe qui entreprend », avec Patrick Martin, président du Medef.
Parmi les propositions, « huit réponses urgentes » ont été identifiées. Nombre d'entre elles répondent au grief récurent d'une Europe jugée trop administrative. Le Medef en appelle à un « choc de simplification ». « Il ne s'agit pas de dire que toutes les réglementations sont inutiles, mais il existe une véritable dérive », avance Fabrice Le Saché. A la clef, plusieurs problèmes : celles-ci sont souvent assorties d'obligations de reporting « qui transforment le chef d'entreprise en agent administratif », selon Fabrice Le Saché. Le coût de leur application peut aller jusqu'à obérer la rentabilité d'un projet. Au chapitre de la simplification, le Medef – à l'instar de la CPME, Confédération des petites et moyennes entreprises- prône aussi l'instauration d'un « test PME », afin d'évaluer sur celles-ci l'impact de mesures, avant adoption de textes. Le sujet intéresse aussi les grandes entreprises, les obligations qui leur sont faites se répercutant sur les PME.
Dans les deux cas, ces sujets ne constituent pas une nouveauté dans l'agenda européen. En septembre 2023, dans son discours sur l'état de l'Union, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, avait proposé des mesures pour alléger la charge administrative des entreprises et les obligations de reporting durable. « Nous n'y sommes pas », commente Patrick Martin. Le test PME est actuellement inclus dans le « SME relief package », qui sera examiné par le Parlement élu en juin prochain.
Douze milliards d'euros
D'autres propositions du Medef dessinent une Europe pro-active et stratège, qui stimule l'économie sur le territoire, sur différents plans. A commencer par celui financier avec la création d'un « fonds souverain européen » axé sur des technologies stratégiques ( deeptech, pharmacie, industrie verte...). Il serait doté de 12 milliards d'euros (quelque 10% du budget de l'UE), pour un effet levier escompté à hauteur de 200 milliards d'euros d'investissements privés.
En outre, une revitalisation du marché de la titrisation permettrait d'attirer des capitaux étrangers. « Nous avons besoin d'une industrie financière plus compétitive », souligne Fabrice Le Saché.
Autres mesures proposées, le doublement du budget du Conseil européen de l'innovation, la création de diplômes européens et la poursuite de la négociation des accords de commerce, « une urgence », plaide Patrick Martin. Un « Buy European Act » qui comprendrait des critères environnementaux et sociaux, permettrait de soutenir le Made in Europe. A rebours de ces actions volontaristes, le Medef plaide pour l'adoption du principe de la « neutralité technologique », dans le cadre de la directive bas carbone. « Il ne revient pas à la Commission de déterminer le chemin technologique à emprunter », estime Patrick Martin. Le sujet de l'automobile - une industrie qui occupe 13 millions de personnes en Europe- est à cet égard emblématique, avec la fin actée des véhicules neufs à moteur thermique pour 2035. Pour le président du Medef, « L'Europe a pris des décisions environnementales sans étude d'impact économique ». Plus globalement, « Il existe une propension des institutions à vouloir tout gérer dans le moindre détail, sans laisser la place à l'innovation, au marché. Que l'Europe veuille déterminer quelles seront les technologies pertinentes dans dix ans, alors que des solutions nouvelles émergent, nous paraît malsain », déplore Patrick Martin.
« Les chefs d'entreprise ont observé le Brexit »
En dépit de ces critiques, « nous avons la conviction profonde que l'Europe constitue la solution », affirme le nouveau président du Medef. Il a fait de l'échelon européen l'une des priorités de son mandat et travaille à renforcer l'influence du syndicat patronal à Bruxelles. Fabrice Le Saché est également président de la Commission PME et Entrepreneuriat de Business Europe qui représente les intérêts de plus de 40 fédérations nationales de l'industrie et des employeurs. Et la nouvelle directrice générale du Medef, Garance Pineau, n'est autre que l'ancienne conseillère sur les questions européennes d'Emmanuel Macron, à l’Élysée. Car pour Patrick Martin, « L'Europe dispose de tous les moyens pour tenir son rang » et par le passé, elle a démontré son caractère « indispensable » face aux crises violentes (sanitaire).
De fait, sur le plan économique, avec 16 000 milliards de dollars, l'Europe se situe au troisième rang en terme de PIB mondial derrière les USA (25 000 milliards ) et la Chine (18 000 milliards), rappelle le Medef. Le PIB de la France s'élève à 2 700 milliards de dollars. Alors, dans un contexte international géopolitique et économique toujours plus tendu, « la thèse d'un repli de la France sur elle même nous paraît malencontreuse et voué à l'échec. (… ) Il n'y a pas de débat sur cette conviction, l'Europe est la bonne maille. Mais il existe une forme d'insatisfaction, voire de rancœur à cause d'une forme de dérive. A l'origine, la construction européenne est un projet économique », pointe le président du Medef. Cette insatisfaction ne bascule-t-elle pas dans l’euroscepticisme chez les chefs d'entreprises ? « Les chefs d'entreprise ont observé le Brexit, un cas de sortie de l'Europe qui n'a pas vraiment eu les résultats escomptés », note Fabrice Le Saché.