Immobilier d'entreprise : le marché est en train de se figer

Coup d’arrêt sur l’immobilier d’entreprise dans la région en 2023 ? La question est posée car malgré une année 2022 jugée encore dynamique sur un lissage annuel, le ralentissement général ressenti un peu partout dans l’Hexagone n’épargne pas la Lorraine. Les deux places fortes, Nancy et Metz avec leurs disparités et particularités propres, semblent être entrées dans un nouveau cycle bien moins porteur. Que cela soit dans le domaine des offres neuves, de la seconde main et du foncier, le marché risque tout simplement de se figer.

Après une année faste en 2021 et un début 2022 qui aurait pu laisser présager un fort dynamisme, le marché de l’immobilier d’entreprise dans la région pourrait littéralement se figer en 2023.
Après une année faste en 2021 et un début 2022 qui aurait pu laisser présager un fort dynamisme, le marché de l’immobilier d’entreprise dans la région pourrait littéralement se figer en 2023.

«Le marché est en train de se figer ! Nous n’avons quasiment aucune assurance pour le premier semestre. Les choses pourraient évoluer au deuxième mais rien n’est sûr !» Constat établi par une grande majorité de professionnels de l’immobilier d’entreprise de la région. En ce début d’année, même si le dynamisme enregistré au début de l’année dernière est mis en avant, les interrogations et inquiétudes apparaissent bien palpables pour les mois à venir. Après une année 2021 qui a battu quasiment tous les records aussi bien dans l’agglomération nancéienne que chez la cousine messine, du fait d’un rattrapage par rapport à 2020 suite à la crise sanitaire et ses conséquences, 2022 a débuté sur le même rythme mais la fin d’année a été beaucoup moins porteuse, climat général oblige. Dans les chiffres, pour prendre l’exemple du secteur des immeubles de bureaux dans l’agglomération nancéienne, les professionnels du secteur assurent que le rythme des transactions a été quasiment le même (autour de 35 000 et 40 000 m²) qu’en 2021. Certains assurent même avoir vu leurs transactions augmenter de 20 % dans ce secteur. Une dynamique certaine que certains temporisent tout de même. «Bon nombre de projets qui se sont concrétisés étaient en attente et les choses se sont débloqués dans le courant de l’année.»

Demande protéiforme et diversifiée

Des projets, non pas d’un nouveau genre, mais avec les tendances et critères aujourd’hui en place dans la sphère de la pierre entrepreneuriale. Les crises et les périodes de tension qui se succèdent depuis 2019 (Covid, guerre en Ukraine, crises sectorielles, inflation, périls environnementaux) entraînent une vaste mutation en cours et au sein des entreprises et donc par extension au niveau de l’immobilier d’entreprise. «L’immobilier d’entreprise a longtemps été seulement perçu avant tout comme un outil de travail, de productivité et un facteur de coûts. Il doit aujourd’hui s’adapter à une demande protéiforme et diversifiée témoignant de nouvelles attentes et de nouveaux usages», assurent plusieurs enquêtes. Côté demande, locataires et acquéreurs intègrent maintenant le choix et la flexibilité dans leurs recherches immobilières. Côté offre, les promoteurs, bailleurs, gestionnaires et investisseurs doivent relever le défi de la fin du modèle unique des bureaux traditionnels et proposer de nouvelles alternatives. Coworking, flex office en passant par le flex-out autant de nouvelles attentes qui aujourd’hui apparaissent tout simplement chambouler l’univers de la sphère entrepreneuriale. «Ces tendances sont présentes naturellement mais nous sommes sur un marché de province, les demandes demeurent encore traditionnelles», temporise une commercialisatrice. La demande est là, principalement dans les petites et moyennes surfaces, reste le problème récurrent de l’offre et de l’offre neuve notamment aussi bien à Nancy, qu’à Metz. La plupart des grands programmes enclenchés les années passées sont aujourd’hui arrivés à leur terme. À Metz, les grands projets du quartier de l’amphithéâtre sont terminés et c’est dans les anciennes friches que les choses se déroulent aujourd’hui. «Metz à la différence de Nancy possède encore un peu de foncier et surtout une politique avec plus d’appétence pour le développement économique», assure un spécialiste du secteur faisant allusion à l’attente, commune à l’ensemble des professionnels du secteur, sur le devenir prochain de l’aujourd’hui quartier Nancy Centre Gare. L’ancien Nancy Grand Cœur, projet phare lancé il y a une dizaine d’années, a été revu par l’actuelle majorité de la Métropole du Grand Nancy à la fin de l’année 2020.

Manque d’offre neuve et de foncier

En 2021, un nouveau maître d’œuvre a été désigné et les phases de concertation pour l’avenir réel de ce quartier se succèdent. La dernière date du 13 février dernier et devrait durer jusqu’au printemps prochain. «Les résultats des phases de concertation permettront de nourrir le plan guide final qui orientera les futurs aménagements du quartier, et plus largement son identité», comme l’explique la Métropole du Grand Nancy. En d’autres termes, les professionnels de l’immobilier d’entreprise sont dans l’expectative sur le devenir de certains programmes d’immeubles de bureaux dans ce secteur. «L’année dernière, il n’y a eu aucune livraison d’immeubles et le stock disponible en matière de transactions ne fait que diminuer en cœur d’agglomération.» Reste alors les périphéries mais là aussi, tout commence à se tarir et c’est une nouvelle carte de localisation qui est en train de se dessiner. «Il y a encore quelques années, il aurait été quasiment inenvisageable de proposer des offres en très grande périphérie, c’est aujourd’hui le cas.» Des zones comme Brabois-Forestière, en continuité direct avec le Technopôle Henri Poincaré, font aujourd’hui le plein en matière d’implantation et de demandes pour les futures phases à venir mais après ? «L’absence d’offre neuve et le manque de foncier, aussi bien en termes de bureaux que de locaux d’activité, sont aujourd’hui la problématique première. Si nous n’avons pas rapidement de nouveaux programmes, nous allons nous retrouver oubliés des investisseurs.» Reste le marché de la seconde main, mais là pas de miracle à avoir non plus. «Si vous voulez avoir une offre acceptable dans ce domaine, il faut du mouvement des entreprises. Certaines gèlent leur projet de déménagements car elles ne trouvent pas de locaux adaptés. Nous avons des demandes mais nous n’avons pas l’offre.» Un marché complétement cristallisé à l’heure actuelle. Un nouveau cycle, bien moins réjouissant que celui de ces dernières années, apparaît se mettre en place, le tout dans un contexte conjoncturel loin d’être propice.

Décret tertiaire : mini bombe à retardement...

Baisse de la consommation d’énergie de 40 % d’ici à 2030, de 50 % d’ici à 2040 et de 60 % d’ici 2050 ! Ce sont les obligations fixées par le décret tertiaire, aujourd’hui en vigueur, pour les propriétaires et occupants de bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m². De quoi provoquer plusieurs interrogations et inquiétudes au cœur de la sphère de la pierre entrepreneuriale. La réduction de la consommation énergétique, aujourd’hui mise en avant comme une priorité du fait du climat conjoncturel, entraîne une mise en place de plan d’action. Les bailleurs et les occupants des lieux doivent s’entendre sur la répartition des actions à engager. Certain qu’il y est d’importantes sorties de bail en 2030.

Commerce : la mutation ?

«Les prochains mois verront une accélération des opérations de rationalisation, ce qui se traduira sans doute par un accroissement du nombre de fermetures liées à la volonté des enseignes de réduire la voilure, en se délestant des magasins les moins performants.» Constat établi d’un spécialiste du secteur du commerce à l’occasion de la présentation de son baromètre national au début du mois. Impacté par la hausse des prix de l’énergie, une possible crise de la consommation et des tendances sociétales nouvelles, l’univers du commerce va connaître de profondes mutations. «Il est certain qu’il est à craindre de voir certains commerçants tiraient le rideau du fait de la crise énergétique mais également sur le fait du remboursement des PGE (Prêt garanti par l’État). Ils préféreront se mettre en liquidation plutôt que de rembourser», assure un professionnel nancéien.