Le géant de la fast fashion Shein mis au tapis par le Made in France ?
Un face à face entre 1083 - fabriquant de jeans pionnier du Made in France - et Shein, géant de l'ultra-fast fashion, a mis en lumière l'opacité et les contradictions de ce dernier.
La réalité semble parfois dépasser la caricature. Le 21 septembre dernier, à Paris, dans le cadre du salon Paris Retail Week s'est tenu un déconcertant « Débat entre les Forces Françaises de l'Industrie, 1083 et Shein. Le face à face vérité ». Sur la scène figuraient les représentants de deux entreprises, emblèmes de modèles économiques antagonistes. Shein, le géant chinois de l'ultra-fast fashion et du consumérisme poussé à l'extrême, avec ses produits réalisés dans des conditions très contestées sur le plan environnemental et des droits humain (travail forcé, notamment), vendus à des prix très attractifs.
Et 1083, fabriquant de jeans éco-conçus et Made in France, membre des Forces françaises de l'industrie, association qui fédère les entrepreneurs engagés dans une démarche de circuits courts et de responsabilité sociétale. Mais si le « face à face vérité » a eu lieu, ce fut moins par le débat – qui implique un échange d'idées et d'arguments- que par son absence. Peter Day, responsable de la stratégie de Shein s'est surtout distingué par son recours à l'esquive. « Je ne peux pas donner de chiffre précis », fut un des leitmotiv de ses interventions, qu'il s'agisse du taux de retour des produits, des invendus ou du chiffre d'affaires de l'entreprise (22,7 milliards de dollars, en 2022, d'après le quotidien économique Les Echos). « Chez 1083, c'est 12 millions d'euros », répondait pour sa part Thomas Huriez, président et fondateur de l'entreprise.
« Nous essayons de faire mieux »
Dans la mise en lumière des contradictions entre les promesses RSE du site Internet de Shein et la réalité des pratiques de l'entreprise, l'art de l'esquive n'a pas toujours été suffisante. Sur le sujet de la durabilité du modèle économique, « nous essayons de limiter la surproduction », expliquait, par exemple, Peter Day . Un propos difficile à entendre au vu de la pratique massive des promotions sur les produits, relevait Thomas Huriez... À plusieurs reprises, « nous essayons de faire mieux », a répondu Peter Day, qu'il s'agisse de la surproduction ou des transports en avion très employés pour les livraisons.
Interrogé par le public sur les sujets des produits contaminants retrouvés sur des vêtements et d'un possible recours au travail forcé (des Ouïghours, en Chine), dénoncés par GreenPeace et un organisme américain, Peter Day a affirmé que l'entreprise avait une politique de « zéro tolérance travail forcé », qu'elle avait réalisé des milliers d'audits auprès de ses fournisseurs et 300 000 tests chimiques sur les produits. « Nous avons beaucoup d'exigence de sécurité. Les fournisseurs ne peuvent pas utiliser de substances interdites », a-t-il précisé.
Au final de la rencontre, « j'ai du mal à vous croire », est intervenu Laurent Moisson, co-fondateur des Forces Françaises de l'Industrie. Lequel a souligné un point supplémentaire qui différencie les deux modèles économiques : transparence pour l'un, opacité pour l'autre. Si le noir et le blanc existent rarement dans la réalité, l'opacité, par définition, permet de masquer les zones d'ombres. A se demander pourquoi Shein a décidé de les mettre en pleine lumière …