Le Conseil d'Etat annule la dissolution du collectif les Soulèvements de la Terre
Le Conseil d'Etat a infligé jeudi un camouflet au ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin en annulant sa décision, annoncée en juin, de dissoudre le collectif...
Le Conseil d'Etat a infligé jeudi un camouflet au ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin en annulant sa décision, annoncée en juin, de dissoudre le collectif écologiste les Soulèvements de la Terre.
"Aucune provocation à la violence contre les personnes ne peut être imputée aux Soulèvements de la Terre", a tranché la plus haute juridiction administrative française, confirmant ainsi une première décision rendue en août en référé.
Or une dissolution porte une "atteinte grave à la liberté d'association" et ne peut donc être mise en oeuvre que "pour éviter des troubles graves à l'ordre public", a-t-elle rappelé.
Certes, a reconnu le Conseil d'Etat, le collectif s'est bien livré "à des provocations et à des agissements violents à l'encontre des biens" notamment à l'occasion de la manifestation en mars contre la construction de retenues d'eau à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), mais la dissolution demandée par le gouvernement "ne constituait pas une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public".
Cette décision constitue un "sérieux revers pour le ministère de l'Intérieur", se sont félicités les "Soulèvements" dans un communiqué publié sur X (ex-Twitter).
Le Conseil d'État "confirme, à notre sens, l'idée que face au ravage des acteurs privés, de l'agriculture intensive, de l'accaparement de l'eau, nos modes d'actions puissent et doivent être considérés comme légitimes", a encore commenté l'organisation, saluant une décision "porteuse d'espoirs pour la suite du nécessaire combat que nous devons mener face aux destructions en cours".
"Si on avait été dissout, ça aurait créé un précédent qui aurait permis de criminaliser, voire de dissoudre tout mouvement qui pratique la désobéissance civile", a commenté l'une des porte-parole du mouvement, Léna Lazare, lors d'un conférence de presse organisée devant le Conseil d'Etat.
Trois dissolutions confirmées
"Nous nous félicitons que le Conseil d'Etat ait rappelé le ministère de l'Intérieur à la mesure, pour autant nous craignons qu'il y ait toujours cette volonté du gouvernement de museler les associations", a commenté pour sa part Nathalie Tehio, de la Ligue des droits de l'homme.
Maigre consolation pour le ministère de l'Intérieur, le Conseil d'Etat a estimé "justifiées" les dissolutions de trois autres associations.
Le GALE (Groupe antifasciste Lyon et environs), dissous le 30 mars 2022, avait publié des "images de violences à l'encontre de policiers", des textes "haineux et injurieux" et des "messages approuvant et justifiant des violences graves envers des militants d'extrême droite, entraînant des appels à la violence que le groupe n'a pas tenté de modérer", a relevé la haute juridiction.
Dénonçant une "lecture politique" visant selon lui à "surprotéger la police", l'avocat du groupe, Olivier Forray, s'est dit inquiet pour "les libertés fondamentales" et "le droit à critiquer l'extrême droite".
L'Alvarium, un groupuscule d'ultradroite basé à Angers, dissous le 17 novembre 2021, "a publié des messages justifiant la discrimination et la haine envers les personnes étrangères ou les Français issus de l'immigration par leur assimilation à des délinquants ou des criminels, à des islamistes ou des terroristes", pointe également le Conseil d'Etat.
Enfin, la Coordination contre le racisme et l'islamophobie (CRI), dissoute le 20 octobre 2021, a publié des propos tendant "à imposer l'idée que les pouvoirs publics, ou encore de nombreux partis politiques et médias, seraient systématiquement hostiles aux musulmans et instrumentaliseraient l'antisémitisme pour leur nuire".
Le gouvernement avait annoncé la dissolution des Soulèvements de la Terre par un décret du 21 juin. Cette dissolution avait été suspendue par un référé en août mais quand l'affaire avait été examinée sur le fond par le Conseil d'Etat en octobre, le rapporteur public s'était prononcé en faveur de la dissolution. La décision de jeudi, contre l'avis de son rapporteur, constitue donc une surprise.
Le ministre de l'Intérieur reprochait au collectif d'"appeler" et de "participer" à des violences. Il avait personnellement engagé la procédure de dissolution le 28 mars, quelques jours après les violents affrontements entre gendarmes et opposants aux retenues d'eau de Sainte-Soline, dont l'exécutif avait imputé la responsabilité au mouvement.
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